Vins de Bourgogne : un millésime 2022 "idéal" mais un contexte économique défavorable

L’interprofession des vins de Bourgogne a tenu sa conférence de presse d’après-vendanges ce 21 septembre. Si la cuvée 2022 s’annonce abondante et de qualité, le contexte économique est loin de sourire au vignoble bourguignon.

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Le millésime 2022 sera "abondant et de grande qualité", promet François Labet, le président du BIVB. "Comparable à celui de 1959, qui était l’un des plus grands millésimes du 20ème siècle." Les vendanges ne sont pas encore tout à fait terminées (on coupe encore le raisin dans les hautes-côtes et sur la côte de Nuits) mais elles sont suffisamment avancées pour donner la tendance.

2022, un climat favorable malgré la sécheresse

"La saison s’est passée de façon absolument idéale", détaille le président : peu de maladies et peu de pression climatique, même si certains territoires (l’Auxerrois, le nord-Mâconnais) ont subi de la grêle. Sur la côte de Nuits, "il y a eu quelques accidents dus à des précipitations trop importantes en juin, mais ces fortes pluies ont finalement bénéficié à la vigne".

Quant à la sécheresse, "au final, sauf sur les sols très filtrants et les vignes très jeunes, la vigne a peu souffert du manque d’eau", précise François Labet. Surtout, le gel qui a fait tant de ravages en 2021 n’a pas récidivé. Au contraire : "Après cette année de gel, on savait que la vigne repartirait avec un grand coup d’accélérateur." Cette prévision se confirme donc. Mais si les rendements et la qualité sont au rendez-vous, la viticulture bourguignonne devra faire face à un autre défi pour cette année 2022 : un contexte économique défavorable, marqué par l’inflation et les pénuries.

Des aléas climatiques de plus en plus récurrents

C’est Laurent Delaunay, le président délégué du BIVB, qui plante le décor économique. "Si on regarde la production des vins de Bourgogne sur les 20 dernières années, elle est stable, alors que la surface plantée a augmenté d’environ 1% par an. Il y a donc une baisse de la production moyenne par hectare, et c’est un sujet de préoccupation." En outre, on observe une irrégularité des récoltes. Depuis 20 ans, la Bourgogne produit environ 1 million 450 000 hectolitres de vin chaque année. Les millésimes 2000-2010 ont, chaque année, été proches de cette moyenne. Mais sur les 10 dernières années, "on obtient des écarts de plus en plus importants : 2018 a été très généreuse, 2021 extrêmement faible, 2022 s’annonce à nouveau dans le haut de la fourchette", constate Laurent Delaunay. La faute aux aléas climatiques de plus en plus récurrents : "c’est la réalité avec laquelle il faut composer et qu’il faut apprendre à gérer".

Les stigmates du gel de 2021 

Sur le plan économique, la faible récolte 2021 a laissé des traces. A cause du gel, on n’a récolté que 997 000 hectolitres l’année dernière, bien en-deçà de la production moyenne. "Tout cela nous conduit à la commercialisation d’un millésime extrêmement petit en volume, et mathématiquement une hausse des prix", explique le président délégué. "On est au plus bas de nos stocks disponibles à la propriété et au négoce. Couplé à la hausse des prix, nous en voyons maintenant les conséquences : certains marchés commencent à décrocher, dans la grande distribution et sur certains marchés à l’export."

"On savait que cela arriverait. Depuis 20 ans, la progression était constante. On savait qu’avec le manque de volume, il y aurait un retournement de situation. Nous le constations depuis quelques mois désormais."

Laurent Delaunay

Face à la très faible quantité de vin disponible, le BIVB le reconnaît lui-même, les viticulteurs ont dû racler les fonds "de terroir", dit Laurent Delaunay. Pour la vente au négoce, "les viticulteurs ont destocké au maximum. Il y avait si peu de vin et tant d’attentes de la part des acheteurs qu’on a pris tout ce qui restait : les fins de 2019, les fins de 2020. Tout a été mis sur le marché pour satisfaire au maximum les demandes des clients." Même chose pour les ventes directes en bouteilles par les viticulteurs.

"Chacun a essayé de tout faire pour satisfaire ses clients en puisant dans tous les recoins des caves. On est un petit peu à l’os maintenant"

Laurent Delaunay

La grande distribution décroche, la restauration explose

Sur le marché français, le BIVB n’a pu que constater les effets de l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat. "La grande distribution marque le pas. Comparé à 2021, les ventes de vins de Bourgogne baissent d’un quart en volume et de 16% en chiffre d’affaires." Une situation étonnante, d’après Laurent Delaunay, car la Bourgogne faisait figure d’exception jusqu’à présent. "Il y a une tendance à la déconsommation de vin ces dernières années, mais la Bourgogne restait à la fois la région qui vendait les vins les plus chers et paradoxalement, celle qui augmentait ses ventes, y compris pendant le Covid, et ce jusqu’en avril dernier environ." Les vins de Bourgogne font désormais les frais de leur placement haut de gamme. Les crémants, en revanche, s’en tirent mieux : le volume de ventes en grande distribution a baissé de 0,5% mais le chiffre d’affaire a augmenté de 2,5% en un an.

A l’inverse, les vins de Bourgogne vendus dans les restaurants et les bars continuent de connaître un franc succès. "Il y a eu une reprise après le confinement et le Covid, une envie de consommer et de vivre des moments de convivialité. Selon le négoce, sur les huit derniers mois, on a une hausse de 55% des ventes en volume et 35% en valeur", se félicite Laurent Delaunay. "C’est un rebond spectaculaire. On reste prudent car il est probable que cela ne dure pas, mais c’est intéressant à noter."

Des ruptures de stock et des prix qui augmentent

En revanche, les marchés d’export décrochent, eux aussi. Si les trois dernières années ont été très bénéfiques à la Bourgogne, l’année 2022 est particulière. Les ventes ont baissé de 11% en volume (conséquence du gel 2021), mais ont augmenté de 12% en valeur. Traduction du BIVB : "nos prix continuent à monter alors que nos volumes ont baissé". Les principaux marchés d’export restent les mêmes ; dans l’ordre : les Etats-Unis, le Royaume-Uni (qui reste en deuxième position malgré le Brexit), le Canada, le Japon, la Belgique (qui accuse tout de même une baisse d’un tiers de ses commandes en volume) et la Suède. La guerre en Ukraine et les embargos sur la Russie n’ont pas déstabilisé la Bourgogne : ces marchés représentent tous les deux moins de 1% des exports.

Enfin, la hausse du coût des matières premières reste un sujet de préoccupation, "notamment pour les entrées de gamme et les appellations régionales", note Laurent Delaunay. Bouteilles en verre, cartons, étiquettes, bouchons…

"Cela se traduit dans nos prix, qui augmentent mécaniquement, et nos difficultés à approvisionner les marchés. On vit des ruptures de stock, des manques de disponibilité, qu’on n’a jamais connus auparavant."

Laurent Delaunay

"Le décrochage qu’on attendait s’est produit. On pense qu’il nous faudra au moins deux ans, deux belles récoltes, pour que l’on retrouve un équilibre et qu’on reparte dans une optique de conquête de marché", conclut le BIVB.

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