Dans son discours aux Français jeudi 12 novembre 2020 pour faire le point sur le confinement, le premier ministre a eu des mots qui font réagir les soignants des hôpitaux.
18h. Jeudi 12 novembre, les Français et les soignants sont nombreux à regarder, écouter le premier ministre (lire son discours en intégralité) qui se prépare à confirmer le confinement jusqu’au 1er décembre au moins.
“Je veux dire ici, une nouvelle fois, toute mon admiration à nos professionnels de santé. Ils sont à l’épreuve. Ils sont fatigués. Mais, je l’observe très directement au fil de mes déplacements réguliers dans nos établissements de santé, ils sont remarquables de compétence, d’engagement et de solidarité. Tout le monde est sur le pont : les établissements publics, les établissements privés, les professionnels libéraux, les personnels de l’ensemble des administrations sanitaires. Ces soignants, ils ne nous demandent pas d’augmenter le nombre de lits de réanimation, ne serait-ce que parce qu’ils savent bien que former un médecin réanimateur ou une infirmière spécialisée ne peut se faire en six mois, ils nous demandent surtout de tout mettre en œuvre pour éviter que les malades arrivent à l’hôpital" déclare Jean Castex
La colère du collectif Inter Urgences
« Les soignants ne demandent pas d'augmenter le nombre de lits en réanimation... mais veulent surtout éviter que les malades arrivent à l'hôpital ». Derrière cette phrase du premier ministre, la colère gronde. Le collectif Inter Urgences dans un communiqué dénonce les propos du ministre.
“Les soignants nous demandent, surtout, d’éviter que les malades n’arrivent à l’hôpital” : “Non, monsieur Castex, ce ne sont pas nos propos. Nous ne demandons pas à la population d’éviter de consulter à l’hôpital. Il est même irresponsable de tenir un tel discours, d’abord par la culpabilité que vous faites porter aux Français, et parce que les retards de prise en charge auront de graves conséquences. Nous soignants, demandons des personnels et des lits. Ce sont vos choix politiques et économiques qui rendent aujourd’hui impossible de remplir notre mission auprès de la population” écrit le collectif Inter Urgences.
Cette infirmière du service des urgences de Trévenans n’a pas manqué de réagir aux propos du premier ministre. “C’est désolant. Ils n’ont toujours pas compris. Il n’y a pas plus sot que celui qui ne veut pas entendre. Depuis mars 2019 avec le collectif inter urgences, on répète la même chose, et ils ne veulent pas l’entendre. Effectivement, il faut des années pour former mais un médecin, trois ans pour former une infirmière, mais si on ne commence pas à le faire ! “s’indigne t-elle. L’infirmière craint aussi que beaucoup de personnels ne quittent le métier, comme ces jeunes étudiants amenés à intervenir dans des conditions difficiles en pleine crise du Covid. “Comment va-t-on les garder ?”.
“Cette phrase de Jean Castex fait mal au ventre”
Michel Gerbot, représentant CGT à l’hôpital de Dole dans le Jura s’indigne lui aussi de tels propos. “Cette phrase fait mal au ventre, on sait qu’il faut des lits, des soignants, mais ils ne le font pas” précise le syndicaliste. “On voudrait bien par exemple à Dole que la réanimation rouvre. Elle a fermé en 2014. On a réouvert ponctuellement une semaine pendant la première vague. A Dole en 4 ans, on a fermé 90 lits et supprimé 110 postes” rage Michel Gerbot. “Et aujourd’hui, on voit la ville de Dole ou l’Agence Régionale de Santé faire la manche sur Facebook pour trouver des renforts” ajoute-t-il.Laurent Thines, neurochirurgien au CHU de Besançon et membre du collectif Inter-Hopitaux a bien sur relevé les propos de Jean Castex.C'est une grande violence morale pour tous les soignants
“Cela montre à quel point ce gouvernement est déconnecté de la réalité du terrain et des revendications que l’on porte depuis plus d’un an à savoir une augmentation des lits, du personnel, une amélioration des conditions de travail, une revalorisation salariale….il ne cesse de profiter de la crise sanitaire pour déformer la réalité, raconter leur version de la situation et passer des lois sociales ou sécuritaires sur le dos du Covid…Ils pensent peut être qu’à force de répéter leur récit, les gens vont finir par y croire mais au final personne n’est dupe de ce double discours, et c’est une grande violence morale pour tous les soignants (et aussi les Français) de voir encore, à quel point en faisant ainsi, ils nous méprisent et ne tiennent pas compte de nos besoins. Résultat : de plus en plus de soignants quittent l’hôpital, c’est la leçon de l’entre-deux vagues, et cela continuera, c’est comme cela qu’ils vont réussir à tuer l’hôpital public pour le remplacer par des structures privées.” s’indigne le médecin bisontin.
A Besançon, le syndicat Sud Santé est aussi en colère. "Mr Castex parle en notre nom ... Nous lui répondons : NON votre vérité n’est pas la nôtre !" réagit le syndicat.
28 lits ont été supprimés dernièrement à l’hôpital de Besançon dans le Doubs. En pleine pandémie de Covid, 28 lits du Service de Soins de suite et de réadaptation (SSR) sont provisoirement fermés, faute de médecins.
Marc Paulin, infirmier et responsable du syndicat Sud Santé au CHU de Besançon le défend depuis des mois. Le nerf de la guerre, ce sont les moyens, les lits, les personnels. La petite phrase de Jean Castex passe mal, alors que la seconde vague met en tension à nouveau les hôpitaux. “En tant que soignants, on veut les moyens qu’il faut pour prendre en charge les patients. Il faut des compétences, des moyens, des lits, des lits de réanimation, mettre en plus en cause les Français, c’est trop facile" déplore l'infirmier.
Une admission en réanimation toutes les 3 minutes en France
En France, le contexte sanitaire demeure préoccupant avec 95% des capacités en réanimation mobilisées, mais avec la possibilité de monter jusqu'à 10.400 lits. "Nous avons une admission en réanimation toutes les 3 minutes dont 40% qui ont moins de 65 ans", a précisé lors de son discours Jean Castex.Quelques indicateurs offrent tout de même une lueur d'espoir. Le taux estimé de reproduction du virus (estimation du nombre moyen de personnes qu'un malade contamine) est repassé sous la barre du "1", ce qui veut dire que l'épidémie ne progresse plus, mais régresse. Pas de quoi crier victoire, loin de là du côté des soignants et des autorités sanitaires.