Depuis le samedi 14 mars, les discothèques sont fermées. En raison de la crise sanitaire, c'est le seul secteur qui n'a jamais pu rouvrir ses portes durant un an. Entre difficultés financières et espoirs, les gérants ne voient pas le bout du tunnel. Témoignages.
Le samedi 14 mars 2020, l'Etat ordonnait la fermeture des bars, restos et boîtes de nuit. Ce soir là, Adrien Attademo devait organiser "l'une des plus grosses soirées de l'année. On a du tout annuler à la dernière minute. Cela a été un coup dur. Et depuis, on attend, on attend."
Depuis 2016, Adrien gère le Planet-Tilt, une boîte de nuit installée à Montmort, en Saône-et-Loire. "Sincèrement, on fonctionnait très bien. C’était une discothèque que j’ai mis trois ans à la remettre sur pied." Mais la crise sanitaire est arrivée et voilà un an que sa boîte de nuit reste portes closes, sans perspective de réouverture à court terme. Aujourd'hui, la barre des 365 jours a été franchie.
On s'est senti très abandonné dès le départ le temps. On est passé après tout le monde."
Et l'attente se fait pesante. Adrien a eu souvent l'espoir de rouvrir notamment l'été dernier. "L’été dernier, on ne comprenait pas pourquoi on n'était fermé alors que beaucoup de bars ambiance pouvaient rouvrir. C’était du grand n’importe quoi."
Lui aussi, un an, jour pour jour, plus tard, sa discothèque affiche toujours portes closes. Christophe Frecon, 44 ans, est le gérant du New Rock, une discothèque qu'il a repris en avril 2019 située aux Bizots (Saône-et-Loire). Au début de la pandémie, il a ressenti surtout un sentiment d'abandon. "On s'est senti très abandonné dès le départ le temps qu’on touche les premières aides. On est passé après tout le monde, après les bars, les restaurants", déplore le gérant.
Un monde à l'arrêt et sous perfusion
"On est en mode pause" déclare Adrien qui depuis un an finance les charges de sa structure grâce aux aides de l'Etat. Les premiers mois, il a dû puiser dans sa trésorerie. "Heureusement qu’on avait fait une belle année 2019" témoigne le gérant."Après, les aides de l'Etat pour mon cas, cela nous a clairement aidé à tenir."
Le Covid-19 a mis sa vie professionnelle en suspens. Depuis cet été, il a donc décidé de reprendre une autre activité. "Je retravaille dans mon ancien secteur, dans le bâtiment. J'ai quinze années d’expérience avec un bac pro dans la rénovation intérieure." Il a également profité de la fermeture pourr rafraîchir les salles de sa discothèque en attendant la réouverture.
Quant à Christophe, il a du contracté trois prêts garantis par l'Etat (PGE) pour survivre. "On a été obligé de faire appel aux prêts garantis sinon on arrêtait tout et la prochaine étape, c'était le placement en liquidation judiciaire." Ne supportant plus de ne pas travailler et de ne pouvoir gagner leur vie, Christophe et sa compagne Virgine, co-gérante, ont décidé de se lancer la négoce de mobil-homes d’occasion.
"On a eu la possibilité de remonter une société à moindre frais" explique Christophe. "Mon expérience professionelle et l'expérience de ma compagne ont fait qu'on a réussit à retravailler pour le moral et réussir à survivre à tout ça." Cette nouvelle activité leur permet aujourd'hui de se tirer à nouveau un salaire. "Au moins, on aura recréé une société avec une santé financière saine".
Moi, la sortie de crise, c’est ma plus grosse inquiétude. Ce n'est pas quand on va rouvrir mais dans quelles conditions."
Une sortie de crise qui inquiète
Très inquiets, les patrons de boîtes ne savent toujours pas quand ils pourront de nouveau accueillir les fêtards et surtout dans quelles conditions. C'est le cas d'Adrien, gérant du Planet Tilt. "Moi, la sortie de crise, c’est ma plus grosse inquétude. Ce n'est pas quand on va rouvrir mais dans quelles conditions." Malgré cette incertitude et les difficultés, il est impensable pour lui d'envisager d'arrêter son activité. "C’est un bel outil de travail. Le jour où cela va reprendre, dans beaucoup de secteurs, ceux qui auront tenu le coup, ce seront de belles années. Tout le monde attend ça."
Ce qui préoccupe le plus les exploitants de discothèques concerne le monde d’après avec une question phare : les gens reviendront-ils faire la fête comme avant ? Car un protocole sanitaire strict pourrait refroidir les ardeurs des danseurs. "On souhaite rouvrir cette année mais pas à la va-vite" souligne Christophe Frecon. "En un an de fermeture, on va perdre des clients. Cela ne va pas être évident de rouvrir vis-à-vis de la clentèle."
Un plan discothèques pour une réouverture ?
Pour Christophe Frecon, comme pour tous les autres patrons de boîtes, le plus dur est de n’avoir aucune perspective à l’horizon. Car aujourd’hui, personne ne sait quand les discothèques rouvriront en France même si certaines choses se dessinent en coulisses depuis quelques jours.
Le ministre délégué en charge des PME, Alain Griset, rencontre cette semaine les syndicats du secteur pour discuter d'une possible réouverture des discothèques cette année. Un "plan discothèques" devrait être présenté à la fin du mois de mars 2021 afin de répondre aux problématiques particulières du secteur. "D'après ce que l’on comprend, les discothèques rouvriraient en dernier. Et il faudrait rouvrir à mi-jauge", précise Christophe Frecon.
Pour Christian Jouny, délégué général du Syndicat national des discothèques et lieux de losirs (SNDLL), deux éléments pourraient faire pencher la balance du bon coté. "D’un côté la position de l’Elysée en faveur d’une réouverture. On raccroche les discothèques au wagon du déconfinement, et de l‘autre, le niveau de vaccination qui pourra être réalisé d’ici la fin du mois de juin."
Cependant, Adrien, lui, "ne veut pas d'une ouverture dans ces circonstances. Je préfère attendre et être aidé plutôt que de travailler à des jauges très réduites avec des ouvertures à perte."
131 clubs fermés en 2020
Fonds de solidarité, prise en charge des coûts fixes et de l’activité partielle, prêt garanti par l’Etat… Ces derniers mois, le gouvernement a pris une batterie de mesures pour empêcher le secteur de sombrer mais aujourd'hui, le constat est sans appel. De nombreuses structures se retrouvent après un an d'inactivité en grande difficulté. "La situation est particulièrement délicate", reconnaît Christian Jouny.
Selon l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (Umih), sur les 1600 clubs en France, 131 ont été placés en liquidation judiciaire en 2020, et même 250 selon le Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs.
Soignants, malades, commerçants, employés de supermarché, artistes, élus ou encore parents : nous les avions rencontrés il y a un an. Aujourd’hui ils nous racontent leur année Covid. Pour les découvrir, cliquez sur un point, zoomez sur le territoire qui vous intéresse ou chercher la commune de votre choix avec la petite loupe.