DIAPORAMA SONORE. Déchets et ordures ménagères : chauffeurs et ripeurs, les travailleurs oubliés de la crise sanitaire

Avouez-le : c'est agaçant d'être réveillé par le bruit des éboueurs. C'est énervant de devoir attendre derrière leur camion benne, qui bloque la rue. Mais que savez-vous de ces travailleurs de la nuit qui vous débarrassent de vos déchets ? Nous sommes allés à leur rencontre, en Haute-Saône.

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Le jour vient de se lever. Nous avons rendez-vous avec eux à Port-sur-Saône, en Haute-Saône. Leur camion benne est stationné au fond d’une impasse. A bord, Guillaume Labrosse, le chauffeur, et Thomas Tisserand, le ripeur. Ils prennent quelques minutes de pause en nous attendant. Ils travaillent pour le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) du Val de Saône.

La tournée a commencé à 4h00 du matin. Le camion benne parcourt d'abord les secteurs les plus urbanisés, au centre des villes. Il s’agit de limiter au maximum la gêne à la circulation.

"J’ai un peu de route pour arriver au travail, je me lève à 2h15. Travailleur de nuit, c’est un mode de vie en décalé, mais qui me plaît", explique Guillaume Labrosse.

Nous montons dans la cabine du camion, à côté du chauffeur. La complexité de son travail saute aux yeux. Il faut assurer la sécurité de l’équipier, le ripeur, celui qui collecte les bacs, à l’arrière du camion. Sur le tableau de bord, une caméra permet de surveiller la zone de travail.

On gène toujours les gens ! Tout à l’heure, une voiture a refusé la priorité. Si on n’est pas attentif, on peut donner un coup de frein violent, ça peut provoquer un accident pour le coéquipier derrière.

Guillaume Labrosse, chauffeur de camion benne

Surveiller le comportement des autres usagers de la route, voilà l’autre difficulté du métier.

Vu de l’extérieur, le camion benne ne semble pas très grand. A l’intérieur, le regard change. L’engin pèse 19 tonnes à pleine charge. Il ne se conduit pas aussi facilement qu'une voiture. Il faut arriver à le maîtriser et connaître son gabarit, pour se faufiler dans des ruelles étroites. D’ailleurs, en voici une de ruelle : dans le rétroviseur, quelques centimètres seulement séparent le camion du mobilier urbain !

"Les gens me disent tu es chauffeur, ce n’est pas fatigant ! Conduire, c’est fatigant, moins que les collègues derrière qui collectent les bacs, mais il faut être vigilant, avoir les yeux partout, sur la route et sur la caméra qui surveille la zone de travail", complète Guillaume Labrosse.
 

Ripeur, un métier exposé aux dangers de la route

A l’arrière du camion, Thomas Tisserand assure le ramassage des bacs. Il descend du marchepied, amène les bacs au camion, vide les bacs, les remet en place, marche vite pour rattraper le camion, monte sur le marchepied, redescend et recommence.

Il faut aussi vérifier rapidement le contenu des bacs. A la recherche des erreurs de tri. Justement, Thomas repère un bac avec des déchets non recyclables. Rapide discussion avec le chauffeur. Guillaume Labrosse enregistre l'erreur sur son ordinateur de bord. Thomas Tisserand colle une étiquette sur le bac, pour expliquer le refus de collecte.

Le rythme de travail est intense. Thomas Tisserand en parle avec humour : "Oui c’est vraiment sportif, très physique, mais ça me plait, ça permet de perdre un peu de poids !"

Un sens de l'humour qu'il perd très vite quand il évoque le comportement des usagers de la route :
 

La pluie, le vent, la neige, ça ne me gêne pas. Le danger ? Les voitures ! Les conducteurs sont vraiment fous ! A Port-sur-Saône, les camions passent trop vite à côté de nous, un relâchement peut être fatal.

Thomas Tisserand, ripeur de camion benne

Thomas s’anime en racontant un incident : "Un automobiliste est passé carrément par la droite, sur le trottoir, et vite ! Monsieur était énervé, car le chauffeur avait mis le camion au milieu de la route, ce qu’il fait parfois pour nous protéger."

L'endurance physique, une qualité indispensable

Cyril Lemeu est lui aussi ripeur. Depuis 10 ans, il travaille au service collecte de la communauté d’agglomération de Vesoul, qui dessert 35 000 habitants.

Son parcours est atypique. Après des années de travail dans un bureau, il a voulu changer. Respirer au grand air et se dépenser physiquement. Car Cyril est un sportif accompli. Sa spécialité, depuis 30 ans, est le marathon.

Première grand course en Espagne, en 1990 : "On nous regardait encore comme des farfelus, j’ai découvert une culture, rencontré mes idoles, parcouru le monde avec 18 marathons"

Une passion qu’il partage avec ses enfants. En 2020, il a payé des billets d’avion pour Los Angeles. Avec son fils et sa fille, ils ont participé à une course familiale, à la veille du célèbre marathon de la ville.

Quel est le lien entre courir le marathon et collecter les poubelles ? L'endurance physique : "Quand on est ripeur, il faut faire beaucoup de marche active, jusqu’à 20 km par jour, monter et descendre des centaines de fois du marchepied"

Le métier est peu valorisé. Certains considèrent qu’il est réservé aux élèves qui n’ont rien fait à l’école. Cyril balaie tous ces arguments :
 

Je suis dehors, un grand sentiment de liberté ! Ça n’a pas de prix dans le monde du travail, avant je ramenais du boulot à la maison. On est bien plus heureux comme ça !

Cyril Lemeu, ripeur de camion benne


Cyril Lemeu découvre aussi que les poubelles racontent tout des habitants : " Avec une poubelle, on écrit la vie de quelqu’un. On doit contrôler le contenu des bacs de déchets, c’est un formidable indice de consommation"

Et puis, Cyril en est persuadé, le regard sur son métier a changé : "on a eu des dessins d’enfants, des applaudissements aux fenêtres, des gens qui descendent spontanément, ont un geste de sympathie, offrent une tablette de chocolat… on avait le sentiment qu’on était utiles."
 

"On jette à la poubelle, mais ce n'est pas la fin de l'histoire"

Eloise Foissard est la responsable du service de collecte du SICTOM du Val de Saône. Ce SICTOM dessert 89500 habitants et 266 communes. Près de la moitié de la surface de la Haute-Saône !

Dans un secteur rural aussi vaste, le travail d’Eloise est complexe. Il faut organiser les équipes de collecte et être en contact permanent avec les communes et les usagers. Ici, l’élagage d’un arbre pour laisser passer le camion de collecte. Là, un véhicule en stationnement gênant. Là encore une erreur de tri.
 

Les gens font des erreurs de bonne foi, mais il y a aussi des gens qui cherchent à dissimuler les déchets dans un bac destiné au tri, pour ne pas payer les ordures ménagères !

Eloise Foissard, responsable d'un service de collecte


Le comportement des usagers est parfois source de difficultés pour le SICTOM : "Les gens n’ont pas idée de ce qui se passe après, on jette à la poubelle, mais ce n’est pas la fin de l’histoire, il faut assurer le traitement, ça a un coût !"

 

 

Un métier peu valorisé et mal payé


A Port-sur-Saône, l’équipe de collecte termine sa tournée. Avec la satisfaction du travail accompli : "Les gens me disent tu ramasses les poubelles, c’est vrai, mais à la fin du mois, je gagne de quoi manger.  Si je n’étais pas là, ça se verrait ! Mon travail sert à rendre les villages plus propres", conclut Guillaume Labrosse.

Alors, peu importe les salaires, qui ne sont pas très élevés. Peu importe la difficulté du travail de nuit. La fin de matinée est là. Nous disons au revoir à Guillaume Labrosse et Thomas Tisserand. Leur camion s’éloigne. Ils vont rentrer chez eux. Faire une sieste. Profiter d'une longue après-midi. Pendant que vous, vous commencez à peine votre journée de travail !
 
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