Témoignages. La démolition de la maternité La Mère et l’Enfant à Besançon réveille tant de souvenirs, 90.000 bébés y sont nés

Publié le Mis à jour le Écrit par Sophie Courageot
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À Besançon (Doubs), près du pont Canot, l’ancienne maternité sera démolie à partir du 25 mai 2024. Une page de l’histoire de la ville se tourne. Les femmes qui y ont accouché n’oublieront pas ce lieu synonyme de bonheurs, et parfois de douloureux drames vécus lors des naissances.

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Ses murs décrépits disparaîtront bientôt du paysage. La maternité La Mère et l’Enfant avait ouvert en 1973 en face du parc Chamars. C’était l’année des bébés que l’on prénommait Stéphane, Christophe, Nathalie ou Sandrine. La Mère et l’Enfant est alors une maternité ultramoderne avec 90 lits de gynécologie, 15 lits pour les prématurés… 60 lits de pédiatrie.

Le site où poussaient fleurs et tulipes et où avait été installée une sculpture de Bernard Jobin représentant une mère et son bébé a fonctionné pendant quatre décennies. La maternité a fermé en octobre 2012 pour passer le relais à la nouvelle maternité construite sur le site du CHU Minjoz à Chateaufarine. À l’annonce de sa démolition, certains d’entre vous ont ressorti les photos, les souvenirs. Voici leurs fragments de vie.

Marie-Claude aura donné la vie par trois fois dans cette maternité. “En 1974, la maternité qui était ouverte depuis peu était super, très moderne pour l'époque. Les chambres individuelles avaient chacune un coin pour le bébé, un frigo...C’était le luxe pour ces années-là ...le personnel d'encadrement était au top. Forcément, il y a un petit pincement au cœur de la voir disparaître” confie cette Franc-Comtoise alors que les pelleteuses vont entrer en action dans quelques jours après les phases de désamiantage des lieux et de récupération des matériaux.

Manon, pour le bonheur de Julie et Stéphane

Manon est l’un des petits bouts de chou à avoir poussé ses premiers cris à La Mère et l’Enfant. Le 3 février 2006, Julie Pélissard et Stéphane Fraichot deviennent parents.

C’était ma première fille, je n'avais que 19 ans. J’ai accouché sans péridurale, avec un personnel bienveillant, à l'écoute malgré mon jeune âge, sans jugement sur la capacité d'assumer mon rôle de maman.

Julie, maman de Manon

“La naissance de ma première fille accompagnée dans ce service m'aura donné confiance en l'accompagnement à la naissance et m'aura permis d'être aujourd'hui mère de quatre enfants. Ce service était remarquable !” confie cette maman à France 3 Franche-Comté. 

Dilatée à 10 cm et toujours pas de bébé en vue

Estelle a donné naissance à son fils Stefan le 27 mai 2011. Comme si c’était hier. Cette naissance, cette femme du Haut-Doubs s’en souviendra. Sa grossesse était à terme, mais le bébé est venu cinq jours plus tard. “Je venais tous les jours à Besançon pour un contrôle. Le 27 mai, quand la sage-femme m’a vue, j’étais dilatée à 10 ! Elle m’a dit, ne bougez plus !” raconte Estelle Taillard. Les heures passent et le bébé n’arrive toujours pas.

On m’a proposé une césarienne. Au réveil, je me souviens en salle de réveil qu’il y avait des sœurs, sans doute les dernières. Elles m’ont mis sur un chariot et j’au eu droit à une traversée de l’hôpital au sous-sol avec une visite guidée express de la chapelle par la sœur !

Estelle, maman de Stefan

Estelle garde un souvenir attendri du lieu. Il y avait Hugues, un maïeuticien (homme sage-femme), cette aide-soignante qui lui avait rapporté des cerises de son verger. Et une autre d’une douceur hors norme qui aurait fait une excellente puéricultrice, se remémore-t-elle.

Je suis restée une semaine à La Mère et l’Enfant. Je m’y sentais bien, même si c’était devenu un peu vieillot. Le matériel, c’est une chose, mais la prise en charge est encore plus importante. Cela me touche de savoir que ce bâtiment où est né mon fils n’existera plus jamais.

Estelle Taillard

Devenir mère à 17 ans

Yannick a accepté de nous livrer son histoire. Une façon de rendre hommage au lieu, et à sa sœur Christelle, emportée par un cancer. Elle aura eu six enfants à La Mère à l’Enfant. “Elle avait 17 ans quand elle a accouché d’Aurélie ma nièce, le 1ᵉʳ juillet 1985, elle est née prématurément d’un mois” se souvient-il.   “J'avais alors 10 ans. Tous les jours, nous étions là avec ma mère et ma sœur pour voir Aurélie. C'est gravé dans ma mémoire".

Tous les jours le même accueil chaleureux, rassurant, le personnel soignant au petit soin. L'hôpital public. La santé publique au service de tous. Merci à ces hommes et ces femmes professionnels de santé d'avoir pu donner le bonheur à ma sœur, d'élever sa fille et d’en profiter autant que la vie lui a permis.

Yannick

Caroline y est née, elle y a aussi travaillé

La maternité de La Mère et l'Enfant a fait partie de la vie de Caroline. "La voir détruite me peine sincèrement. Bientôt, il ne restera que mes souvenirs et la statue de Bernard Jobin qui heureusement, a déménagé avec nous sur le site Jean Minjoz" confie Caroline.

"J'y suis née en 1977. Je me souviens du jour où je suis devenue grande sœur avec la naissance de mes frères jumeaux en 1986. J'y ai travaillé en job d'été puis comme étudiante infirmière puéricultrice.
Mes plus magnifiques souvenirs datent de 2004, jour du passage du Tour de France. Le contre-la-montre démarrait juste devant la chambre, où je me reposais après avoir donné naissance à ma première fille. Ma deuxième fille est née là-bas aussi en 2009".

Des moments de vie, de joie, et de mort…

Dans les maternités, la vie n’est pas toujours rose ou bleu. À La Mère et l’Enfant, des femmes ont aussi vécu des moments douloureux. Infertilité, fausse couche, IVG, mort à la naissance, bébé nés sous X... Sur l’appel facebook lancé par France 3 Franche-Comté quelques femmes rappellent que donner la vie est parfois un chemin difficile”. “J’ai eu quatre enfants, mais j’y ai perdu mon premier bébé. Le professeur Colette s'était très bien occupé de moi” se souvient Béatrice."C'est dommage que cette clinique disparaisse. Mes sept petits enfants y sont nés ensuite”.

En 1987, cette autre franc-comtoise accouche à la Mère et l’Enfant de jumeaux. L’un deux meurt quelques mois plus tard à la maison. “La mort subite des nourrissons. Un traumatisme et une douleur extrême. Après cela, j'ai dû retourner à la Mère et l'Enfant pour faire suivre mon deuxième jumeau” explique cette maman qui n’a jamais oublié cette épreuve.

Pour moi, ça a été un super établissement, car ils m'ont tous énormément encadré pendant la joie, et après, dans la douleur.

Une femme ayant perdu un jumeau

Et de miracles…

Dans les murs de La Mère et l’Enfant, des milliers de pages de vie se sont écrites. Certaines avec un goût de victoire. Mathilde est née grande prématurée. Un bébé d’un kilo.

Ici, j’ai mis au monde ma fille après avoir vaincu une leucémie cinq ans auparavant au CHU Minjoz où l'on m'avait dit que je ne pourrais jamais être maman.

Sylvie Chassot, maman de Mathilde

Avec ce bébé miracle, Sylvie est restée un mois dans la maternité située aux bords du Doubs. Elle garde le souvenir d’un personnel au petit soin, très humain. “Moi et ma fille devons la vie à la médecine. Jamais je ne pourrai tant les remercier” confie-t-elle.

Comme Manon, Stefan et Mathilde, plus d’une centaine de milliers de bébés sont nés à la Mère et l’Enfant. Les pelleteuses emporteront dans quelques jours les murs, mais pas les souvenirs. Le site démoli permettra de lancer le chantier de construction de la grande bibliothèque. 

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