Affaire Goodyear : 7 morts sur les routes, la liste des accidents qui sèment le trouble sur la fiabilité des pneumatiques

Le procureur de la République de Besançon Etienne Manteaux a dévoilé ce jeudi 16 mai 2024 les contours de l’enquête qui doit faire la lumière sur la responsabilité du géant du pneumatique Goodyear dans une série d’accidents survenus en France depuis 2011. À chaque fois, les circonstances sont similaires : un pneu de la marque qui éclate sous un poids lourd, une collision avec un autre véhicule et au total, de nombreuses victimes.

Au lendemain des perquisitions menées sur trois sites européens du fabricant de pneumatiques Goodyear, le procureur de la République de Besançon Etienne Manteaux a présenté ce jeudi 16 mai l’ensemble des nouveaux éléments apportés à l’instruction. L’enquête – initialement classée sans suite en 2015 – a pris une dimension internationale grâce au travail de fourmi effectué depuis dix ans par la Franc-Comtoise Sophie Rollet. 

En 2014, elle perdait tragiquement son mari dans un accident de la route sur l’A36 dans le Doubs au moment où le camion de ce dernier était percuté de plein fouet par un autre poids lourd, dont le pneu avant gauche venait d’éclater. Un pneumatique de la marque Goodyear, défectueux selon les experts. À l’époque, leur rapport, comme plusieurs autres, posait la question de la responsabilité du fabricant, d’autant que la série, dramatique, n’allait pas s’arrêter là. 

Une série noire de 7 accidents 

Au total, entre 2011 et 2016, la justice dresse une série noire de sept accidents survenus en France, la plupart mortels. À chaque fois, les circonstances sont similaires : un camion équipé de pneus Goodyear LHS2 ou LHS2+ dont l’un éclate, une collision avec un ou plusieurs véhicules et très souvent des victimes, sept, au total. Dans quatre cas, les faits sont prescrits et ne serviront à l’instruction qu’à titre de renseignements. Pour les trois autres accidents en revanche, pas de prescription. Les éléments font bien partie du dossier. Les faits rapportés sont à chaque fois très similaires. Les rapports des experts eux, étonnamment proches et troublants :

 

  • 25 juillet 2014 : Blussans (Doubs), 2 morts - NON PRESCRIT

C’est sans doute l’accident le plus connu de l’affaire dite "Goodyear". Ce jour-là, le chauffeur d’un poids lourd qui circule sur l’A36 à hauteur de la commune de Blussans (Doubs) perd le contrôle de son véhicule après que son pneumatique avant gauche a éclaté. Il traverse le terre-plein central de l’autoroute et percute alors de plein fouet un autre camion qui arrive en face. Ce dernier est conduit par Jean-Paul Rollet, époux de Sophie Rollet. Les deux chauffeurs meurent sur le coup. Quelques jours plus tard, le 30 juillet, Sophie Rollet dépose une plainte finalement classée sans suite un an plus tard, au mois de juin 2015, l’enquête initiale n’ayant pas permis d’identifier clairement les causes de l’éclatement du pneumatique. L’expert engagé avait pourtant conclu dans son rapport que la perte de contrôle du camion résultait d’une détérioration du pneu "Marathon LHS2" de la marque Goodyear, dont les liaisons seraient "défectueuses".

  • 17 juillet 2014 : Roye (Somme), 1 mort - NON PRESCRIT

Nous sommes quelques jours seulement avant l’accident qui a coûté la vie au mari de Sophie Rollet dans le Doubs. Ici, le chauffeur d’un poids lourd circule au niveau du péage de Roye dans la Somme quand son pneumatique avant gauche (LHS2+ Goodyear) éclate soudainement. Le camion se déporte et percute violemment un autre véhicule avec trois personnes à son bord. Le chauffeur de la voiture, un père de famille âgé de 34 ans, perd la vie dans l’accident. Là encore, l’expert met en cause le process de fabrication du pneumatique, dont les nappes de renfort seraient fragilisées. Une information judiciaire est ouverte par le tribunal d’Amiens en janvier 2015. Huit ans plus tard en 2023, le magistrat instructeur du dossier à Amiens acceptera de se dessaisir du dossier au profit du juge d’instruction de Besançon. La démarche devant permettre d’avoir un cadre juridique unique sur l’affaire et une vision plus globale du dossier.

  • 25 avril 2016 : Ecquevilly (Yvelines), 1 mort – NON PRESCRIT

Deux ans plus tard nous sommes cette fois sur l’autoroute A13 entre la Normandie et Paris. Le pneumatique avant gauche (LHS2 Goodyear) d’un poids lourd éclate. Le chauffeur perd aussitôt le contrôle de son camion et traverse la glissière centrale de sécurité. Il percute très violemment un autre camion qui circule sur la voie d’en face, ainsi que cinq autres véhicules. La scène ressemble à un gros carambolage. Le chauffard du poids lourd meurt des suites de ses blessures alors qu’une autre victime, une femme âgée de 56 ans, est grièvement blessée. L’expert engagé conclut à des anomalies ayant occasionné la déstructuration du pneumatique Goodyear « sans cause extérieure » précise le rapport. La procédure judiciaire, elle, sera classée sans suite par le parquet de Versailles.

  • 14 septembre 2011 : Loupian (Hérault), 2 morts – PRESCRIT

Eclatement du pneu d’un camion (LHS2 Goodyear) qui traverse la glissière de l’A9. 5 véhicules impliqués, 2 morts, 5 blessés. Procédure judiciaire classée sans suite. Faits aujourd’hui prescrits.

 

  • 17 août 2012 : Poussan (Hérault), 7 blessés – PRESCRIT

Eclatement du pneu d’un camion (LHS2 Goodyear) qui traverse la glissière de l’A9. 6 véhicules impliqués, 0 mort, 7 blessés. Pas d’expertise. Faits aujourd’hui prescrits.

 

  • 24 juillet 2013 : Concremiers (Indre), 0 victime – PRESCRIT

Eclatement du pneu d’un camion (LHS2 Goodyear) qui se couche sur la RD975. 1 seul véhicule impliqué, 0 mort, 0 blessé. Pas d’expertise, mais pneumatique en mauvais état. Faits aujourd’hui prescrits.

 

  • 10 septembre 2014 : Albenc (Isère), 1 mort – PRESCRIT

Eclatement du pneu d’un camion (LHS2+ Goodyear) qui traverse la glissière de l’A49 et percute une camionnette qui arrive en face.  2 véhicules impliqués, 1 mort, 1 blessé. L’expert conclut à une rupture de cohésion de la bande de roulement, et à une défaillance dans la fabrication du pneumatique. Procédure classée sans suite.

Des perquisitions menées sur 3 sites

L’enquête se poursuit. Pour l’heure, aucun élément concret ne permet d’engager la responsabilité du fabricant Goodyear dans ces accidents de la route, mais de nouveaux éléments pourraient être ajoutés au dossier après les perquisitions effectuées ces derniers jours sur trois sites européens : le siège de l’entreprise en France à Courbevoie (France), son siège européen en Belgique, et enfin le site de production des pneumatiques à Colmar-Ber au Luxembourg.

Les enquêteurs pourraient également se pencher sur un programme d'échanges de pneumatiques défectueux mis en place par la société en 2013. Visiblement informée de certaines malfaçons, et alertée par des sociétés de poids lourds, Goodyear avait rappelé des pneus en présentant cette campagne comme un « geste commercial ». "Ces opérations de rappel étant très claires : certaines sociétés de poids lourds comme Man et Scania demandaient à leurs clients de ne plus utiliser les camions équipés de pneumatiques Goodyear Marathon LHS2+" a précisé le procureur de la République de Besançon.

Quant à savoir si Goodyear a poursuivi la fabrication et la commercialisation de ses pneumatiques, le procureur donne une réponse : À notre connaissance, ces pneus ont évolué par la suite. Ils ne sont plus commercialisés par la société depuis 2015" a conclu Etienne Manteaux.

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