Architecture vieillissante, suicides répétés... Ce "Pont du diable", haut de 60m, inquiète les élus locaux : "on se sent impuissant"

Samedi 28 septembre 2024, un homme s'est suicidé depuis le "pont du Diable", à Sainte-Anne (Doubs). Un triste fait divers qui n'est pas un cas isolé : depuis 2010, une quinzaine de personnes s'y est donnée la mort. Un constat qui inquiète les élus locaux, ils dénoncent la dangerosité du lieu et demandent des travaux urgents.

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"Il y a ici un caractère d'urgence". Les mots de Joël Bôle, maire du petit village de Sainte-Anne, dans le Doubs. Dans un courrier daté du 10 août 2024, l'élu interpelle en ces termes Christine Bouquin, présidente du conseil départemental doubiste. La raison : un pont reliant sa commune à celle, voisine, de Crouzet-Migette. Celui-ci, construit à la fin des années 1870 et haut de 61,5 m, est situé sur la D229. Il enjambe le ruisseau Château-Renaud et répond au nom de "Pont du Diable".

Dans le secteur, cet édifice, qui fait partie des sites classés, a mauvaise réputation. Sur le lieu, plusieurs personnes ont en effet mis fin à leurs jours. "Je suis en place depuis cinq mandats" témoigne Joël Bôle, contacté par France 3 Franche-Comté. "Et j'ai assisté à plus de dix suicides, dont cinq en moins de deux ans à la fin des années 2010".

"Une curiosité morbide autour du lieu"

Alors que le dernier drame remontait à juin 2023, un homme de 30 ans a été retrouvé mort en contrebas du pont le samedi 28 septembre 2024, après avoir sauté de lui-même. "Moralement, c'est vrai que c'est très dur" reprend Joël Bôle. "Il y a une curiosité morbide autour du lieu. En tant que maire, on ne s'habitue pas à être appelé par les pompiers pour nous annoncer un suicide".

En 2017, je passais sur le pont pour rentrer chez moi quand j'ai vu une jeune femme qui allait sauter. Je me suis précipité, je l'ai agrippée, tenue un moment dans le vide. Sans succès. J'ai fini avec son anorak entre les mains et je l'ai vue tomber. Ça restera gravé.

Joël Bôle,

maire (SE) de Sainte-Anne

À plusieurs reprises, l'élu s'est plaint de la situation auprès des autorités. Non seulement des suicides répétés, mais également de l'état de délabrement du lieu, qui n'arrange rien. "Il y a eu plusieurs réunions à la préfecture. Et avec le département, en charge des ouvrages d'art" continue le maire. "Un projet de réhabilitation m'a d'ailleurs été présenté par des techniciens départementaux il y a deux ans. Et depuis, plus rien. Alors que le site se dégrade fortement".

D'où l'envoi d'un nouveau courrier, en août 2024, pour relancer le département. Dans ce document, Joël Bôle pointe, photos à l'appui, les nombreux problèmes. Rambardes en fer partiellement arrachées et réparées sommairement avec du grillage, ancrage de la rambarde déficient, engins agricoles de plus de 10 tonnes passant sur le pont, structures du pont plus étanches, rambardes pas suffisamment hautes... À l'heure où nous écrivons ces lignes, il n'a reçu aucune réponse.

"En tant que maire, on a fait tout ce qui est notre possible pour alerter sur cette situation" lâche Michel Debray, maire de la commune de Crouzet-Migette. "Les usagers sont prévenus, la population est prévenue, la Direction départementale de l'équipement aussi, le conseil départemental, la préfecture et les bâtiments de France également. Mais rien n'est fait".

On se sent impuissant. Le lieu est dangereux, on le sait. Et on ne peut rien faire.

Michel Debray,

maire de Crouzet-Migette

"L'été, le pont est très fréquenté, notamment par des touristes" reprend Joël Bôle, maire de Sainte-Anne. "La route est très étroite et lorsqu'un bus ou un camion circulent, je vois tous les piétons se presser contre les rambardes qui ne sont pas solides. J'en ai des sueurs froides". Contacté par France 3 Franche-Comté, le conseil départemental n'a pas été en mesure de répondre à nos questions dans nos délais de bouclage. Si des travaux sont prévus, quand seront-ils faits et quelle sera leur ampleur ?

Des travaux d'ici à 2034 selon le département

Début de réponse sur le site web de la revue interne de la collectivité, Vu du Doubs. Un article de mars 2024 indique seulement que "d'ici 2034", "230 ouvrages d’art" seront "réhabilités et 15 ponts totalement restaurés". Un délai trop long pour les élus locaux. "On alerte depuis des années" souffle Michel Debray, maire de Crouzet-Migette. "On nous avait dit que le pont serait restauré en 2024, puis en 2025, et maintenant avant 2034. C'est le flou complet".

Sans réponse à son courrier, Joël Bôle est, lui aussi, dans l'attente. "On comprend que ce genre de réhabilitation coûte de l'argent" concède-t-il. "Mais plus on attend, plus ça va empirer". "Ce pont est probablement gorgé d’eau, un hiver rigoureux pourrait accentuer les problèmes structuraux qu’il semble connaître" pointe ici le maire dans sa lettre au département.

Les aménagements stopperont-ils les suicides ?

Une question reste néanmoins en suspens. Les élus espèrent-ils freiner la vague de suicide grâce à ces nouveaux travaux. "On ne se fait pas d'illusion" s'attriste Michel Debray. "Ce ne sont pas les aménagements qui vont stopper cela. Mais moins le gouffre est accessible, mieux c'est". Même pensée du côté de Joël Bôle. "J'ai demandé une hausse des rambardes, car là, il suffit de les enjamber. Si cela est fait, on espère que cela freinera les actes malheureux. Mais ce n'est pas sûr".

Impossible de rajouter un grillage de fer haut de plusieurs mètres, comme on peut en voir sur des ponts surplombant des voies ferrées, ou des filets de sécurité ? "C'est peu probable" termine Michel Debray. "Nous en avons déjà parlé avec les architectes de France. Le pont est un ouvrage d'art, donc il y a un cahier des charges drastiques à respecter". Quel futur pour l'édifice ? Quand les travaux débuteront-ils ? Les deux maires espèrent des réponses sur ce dossier dans les semaines à venir. Et espèrent ne pas avoir de tristes nouvelles d'ici là.

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