Commandée par une association de développement du bio, pour apporter une aide technique aux agricultrices des Vaîtes à Besançon, une analyse en laboratoire révèle que leur terre est d’une qualité maraîchère rare en Franche-Comté.
“Ça vaut de l’or des terrains comme ça”. Samuel Howald, conseiller technique en maraîchage pour Interbio, ne mâche pas ses mots. Il y a quelques mois, l’organisation dont il est salarié a effectué des prélèvements dans l’exploitation agricole “le Potager des Vaîtes”. Une opération de routine, effectuée à la demande des deux agricultrices du terrain et destinée à leur apporter un soutien technique. Les analyses ont révélé la qualité des terres qu’elles travaillent. “Des sols comme ça, en Franche-Comté, je crois qu’il n’y en a pas beaucoup, pour ne pas dire qu’il n’y en a pas d’autres”, affirme le conseiller.
Ces analyses sont habituellement menées pour permettre aux agriculteurs de connaître la composition et les propriétés précises de leurs sols, afin de savoir comment les travailler. Au potager des Vaîtes, elles ont confirmé le pressentiment que ses exploitantes avaient : “ce sont des sols où ça pousse bien, faciles d’entretien et fertiles”, reconnaît Adeline Simon, qui s’est installée en 2018 sur ce terrain, situé en marge du projet immobilier d’éco-quartier des Vaîtes. “C’est une Rolls-Royce agricole”, approuve Chloé Guyot - conseillère grande culture, fourrage, sol, et biodiversité à Interbio - qui a interprété ces analyses, “c’est vraiment un sol avec un très bon potentiel”.
Une texture paradisiaque pour les légumes
Pour comprendre en quoi cette zone se prête particulièrement au maraîchage, il faut d’abord savoir que toutes les cultures n’ont pas les mêmes besoins, en termes de nutriments, mais aussi de texture du sol. “Des terres maraîchères, en Franche-Comté, il y en a assez peu, expose Samuel Howald, on a des sols plutôt lourds, et la majorité des maraîchers doit se débrouiller avec ça”. A l’opposé, aux Vaîtes, “on a des sols qui sont légers”, décrit Adeline Simon. “C’est vraiment une texture de terreau, friable et qui retient bien l’eau”, complète Chloé Guyot. Idéal pour les racines des légumes, qui peuvent s’y implanter et aller y chercher des nutriments, sans être écrasées ou noyées. D’autant plus que cette texture de terreau se retrouve sur “50 centimètres de profondeur”, d’après Samuel Howald.
Le terrain cumule deux facteurs : un “contexte géologique” favorable, “plutôt argileux, avec des limons”, décrit Chloé Guyot, auquel s’est ajouté un long travail agricole. “Il y a eu pendant 100 à 150 ans une amélioration du terrain”, raconte Adeline Simon. Lorsqu’elle a repris la zone, le champs, le verger et les serres n’étaient plus exploités depuis quatre années, et le départ en retraite des derniers agriculteurs à les avoir occupés. Mais avant celà, “ce sont des terres qui ont été travaillées pendant des générations”, se réjouit-elle. Or, en maraîchage, plus on reste longtemps sur la même parcelle, plus elle se bonifie. Car ces générations successives ont amendé le terrain : elles y ont déposé du compost, du terreau, etc. “Ça représente des dizaines et des dizaines d’années d’apports de matière organiques, qui se décomposent et finissent par faire des couches de terre nobles”, explique Samuel Howald.
Une terre très riche en nutriments ...
Ces dizaines d’années d’exploitation maraîchère ont également permis d’enrichir le sol : “le sol a la capacité de fournir beaucoup de nutriments aux plantes”, résume Chloé Guyot. Les analyses effectuées par le laboratoire Sadef ont notamment mesuré la teneur en azote, phosphore et potassium du sol, car ces minéraux sont indispensables à la pousse des fruits et légumes, et les agriculteurs ont besoin de ces informations pour savoir quels types de fertilisants ils ont besoin d’ajouter à leur terrain. "Les sols sont très riches en phosphore et bien au dessus des besoins des cultures légumières en serre ou en plein sol", examine Samuel Hoswald.
“La production de légumes, c’est très intensif, très exigeant”, complète Adeline Simon. A l’échelle d’un petit potager, un déficit dans l’un de ces nutriments n’aura guère de conséquences, et donnera des plants de tomates un peu paresseux et des aubergines que l’on n'arrive décidément pas à faire pousser. Pour une exploitation maraîchère en revanche, l’enjeu financier est important. “Pour avoir travaillé sur du terrain plus classique, derrière du céréale, se souvient l’agricultrice, on voit bien la différence de rendement”.
... qui dope la rentabilité de l'exploitation agricole
D’autant plus que le sol de son exploitation possède une caractéristique précieuse : une capacité d’échange cationique (CEC) élevée. “C’est la capacité de notre sol à pouvoir retenir les nutriments”, traduit Chloé Guyot. “Il y a des sols très sablonneux qui lessivent beaucoup et qui ne retiennent rien, et d’autres qui ont une bonne capacité”. Dans l’exploitation des Vaîtes, la CEC relevée va jusqu’à 325 mEq/kg : “on est dans la tranche haute”, explique Chloé Guyot. “Aux Vaîtes, il n’y a pas grand-chose à amener, renchérit Samuel Hoswald, ils ont un taux de phosphates, potasse et d’azote qui est largement suffisant pour la quasi-totalité des cultures maraîchères”. “Il n’y a pas besoin d’amener une fertilisation chère”, ajoute-t-il.
Si ces résultats d’analyses ne concernent que les terres agricoles du potager des Vaîtes, qui ont la particularité d’avoir été exploitées quasiment sans interruption par des professionnels, le conseiller maraîchage d’Interbio estime que les terrains adjacents, et en particulier ceux où des jardins ouvriers sont toujours cultivés, pourraient avoir “des qualités similaires”. Des vertus que l’on peut difficilement imaginer transférer ailleurs : “La terre arable, on peut en déplacer un peu via des camions, mais sur 30 à 50 centimètres d'épaisseur, c’est énorme, c’est titanesque”, assure Samuel Howald. “Quand on retourne les différentes strates de terre, il y a des bouleversements, ajoute le spécialiste, le transport tue les micro-organismes du sol, on crée des déséquilibres… On peut retrouver la qualité physique du sol, mais pas chimique”.
Le projet d'éco-quartier des Vaîtes bientôt discuté en conseil municipal
Deux instances devaient rendre un avis et un rapport avant que le Conseil municipal de Besançon ne se prononce sur l'avenir de l'éco-quartier des Vaîtes, et son projet de construction de 1.150 logements :
- Le GEEC (Groupe d’Étude de l’Environnement et du Climat), a rendu son rapport le 11 mars 2021. Dans ce document, le conseil d'expert s'est montré très critique du projet.
- La Conférence citoyenne, organisée par la mairie en tirant au sort des Bisontins, a remis ses conclusions le 3 juillet 2021. Là encore, elles sont très critiques du projet. La convention propose ainsi deux pistes différentes : réduire l'ampleur du projet imaginé en 2005, ou l'abandonner complètement.
Ces deux rapports soulignent la dimension historique de l'implantation maraichère aux Vaîtes, ainsi que la néccessité de conserver des espaces naturels au sein des villes. Reste à savoir ce que la municipalité actuelle fera de ces recommandations. Le prochain Conseil municipal aura lieu le 30 septembre.