À la maison d'arrêt de Besançon, 23% des 377 détenus travaillent. C’est une proportion plus faible qu'ailleurs. La Chancellerie encourage les chefs d'entreprise de la région à sous-traiter une partie de leur production en milieu carcéral, voire à y implanter leur propre atelier.
Thierry est marié et père de deux filles. Incarcéré à la maison d’arrêt de Besançon dans le Doubs, il est en détention provisoire et attend son jugement. "Dans ma vie d'avant, j'ai toujours été actif et je ne pourrais pas rester sans rien faire. Travailler me permet de ne pas tout attendre de ma famille et de provisionner une somme pour le paiement des frais de justice", explique-t-il.
Yohan, détenu depuis plus de trois ans, espère lui quitter la prison bisontine d'ici à la fin de l'année. "Je réceptionne des pièces mécaniques, je les monte et j'assure le suivi qualité, avant leur réexpédition. L'activité me permet de sortir de ma cellule et d'être en lien avec mon employeur, avec qui je suis toujours sous contrat. Je gagne un peu d'argent pour payer mes cigarettes et la nourriture".
Une main d’œuvre efficace…
Dans une dépendance de la maison d'arrêt, on peut tomber sur Micro-Méga Besançon. L’un des leaders européens de la fabrication de matériel médical a externalisé son service de packaging. "Nos salariés viennent former les personnes en détention qui peuvent rebondir professionnellement à leur sortie", résume Mélanie Bonfils de l'entreprise Micro-Méga.
Et les employeurs y trouvent aussi leur compte. Déjà implantée dans les ateliers de la maison d'arrêt, la société STIMP présente ainsi l'activité de sous-traitance qu'elle réalise pour le compte d'entreprises régionales du secteur des micro mécaniques. "Les détenus réalisent les tâches jusqu'à l'assemblage de pièces de roues électriques motorisées pour les fauteuils roulants des personnes à mobilité réduite", détaille Mathieu Vuillecard, directeur industriel de l'entreprise, habitué des lieux.
Gilles Demougeot, directeur industriel d'une fabrique de systèmes de production à partir de tôles en bobines, salue lui la qualité des produits finis. "Sur 30 commandes passées auprès des détenus, nous n'avons enregistré aucune non-conformité et les délais ont été respectés". Le dirigeant de l'entreprise y voit aussi une solution au manque de main d'œuvre dans le secteur de l'industrie.
… Mais des revenus peu élevés
Mais le recours au travail pénitentiaire ne représente pas une variable d'ajustement au service de sociétés qui rencontrent des difficultés temporaires. "Avec la sous-traitance, nous cherchons à développer des relations durables avec les entreprises locales afin d'assurer un volume d'heures de travail aux détenus", assure Mathieu Vuillecard, de la société STIMP.
Aussi, la faible rémunération, qui correspond à un peu plus de 5 euros de l'heure, ne serait-elle pas un repoussoir, comme le montre le faible pourcentage des détenus qui travaillent à Besançon ? "C'est la base édictée par le code pénitentiaire, mais l'entreprise qui fait travailler des détenus peut augmenter le taux, voire verser un treizième mois", nuance Julien Luquin.
Inciter les détenus à se mettre au travail vise à mieux les réinsérer ensuite dans la société.
Albin Heuman, Atigip
Diminuer le risque de récidive
Le travail en milieu carcéral n'est plus obligatoire depuis 1987. Il se fait donc "sur la base du volontariat", uniquement si les détenus peuvent signer un contrat d'emploi pénitentiaire, explique Julien Luquin. Il est référent insertion professionnelle à la Direction interrégionale des services pénitentiaires. "Ils sont rémunérés à 45% du Smic et effectuent en moyenne 25 heures par semaine". "Inciter les détenus à se mettre au travail vise à mieux les réinsérer ensuite dans la société", relève Albin Heuman de l'Atigip. "De plus, on constate que les détenus qui travaillent récidivent moins à leur sortie de prison."
"Aujourd'hui, au niveau national, 31 % des détenus travaillent. Le ministre de la Justice a fixé l'objectif de passer à 50 % d'ici à 2027", indique aussi Albin Heuman, directeur de l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (Atigip). Cette agence est rattachée au garde des Sceaux. "Nous disposons de 700 m² au sein de la maison d'arrêt et il y a encore de la place", souligne de son côté Kamel Laghoueg, le chef d'établissement.
En France, 314 entreprises font appel à des travailleurs détenus. Elles s'engagent à faciliter leur réinsertion dans le cadre de leur politique RSE (responsabilité sociale et environnementale des entreprises).