Le carnet de voyage d’Ivan, éloge du temps #4 : la confrontation d'un rêve avec la réalité

Suivez l'aventure d'Ivan, franc-comtois embarqué sur un voilier pour une traversée d'un mois et demi entre la France et l'Uruguay, au beau milieu de l'océan atlantique. Impatience, découvertes, questionnements et joies... Il nous fait vivre son périple. Récit.

Ivan est un photographe bisontin âgé de 41 ans. Amoureux du voyage au long cours, il a embarqué sur un voilier pour traverser l'atlantique, de la France à l'Uruguay. Pendant un mois et demi, France 3 Franche-Comté suit ses aventures au beau milieu de cette immensité de plus de 100 millions de km2. Après être tombé sur une annonce sur internet, il décide de partir à l'aventure. Début octobre, il a pris sur un bateau pour vivre une aventure hors du temps, au fil des remous. Il nous raconte. 


► #4 : la confrontation d'un rêve avec la réalité

"Une routine de fonctionnement s'installe à bord de Family Time : les quarts, la cuisine, le temps libre. Les premiers jours j'utilise le mien à pratiquer le noeud de chaise. C'est le noeud essentiel à connaître en navigation. On en a besoin à chaque empanage (lorsque l'on change de bord) pour attacher la bôme de la grand-voile et dans bien d'autres occasions.

"Le serpent sort du trou, il fait le tour de l'arbre et revient dans le trou", Julien, le skipper, me raconte cette petite histoire qui image ce qu'il faut faire avec le bout (terme que l'on utilise sur un bateau pour désigner un cordage), mais rien de tel que la pratique, à l'endroit, à l'envers, les yeux fermés, jusqu'à ce que faire ce noeud devienne instinctif.

Les premières nuits, on découvre aussi les complaintes de notre navire. Les grincements et les craquements ne rassurent pas Eric, le marin pêcheur : bien qu'il aie passé jusqu'à quarante jours consécutifs en mer, le ronronnement des moteurs du bateau de pêche cachait ces bruits que l'on entend parfaitement quand on navigue à la voile.

Après huit jours de mer nous arrivons aux Canaries. Notre première escale était prévue au Portugal mais les contraintes liés au covid ont eu raison du plan initial.

Cette escale est nécessaire pour des raisons techniques : sur un bateau neuf il y a toujours des choses à ajuster ou réparer après la première utilisation et une vidange doit être faite sur les moteurs pour assurer leur garantie.
Nous démontons aussi la grand voile qui a besoin d'une couture supplémentaire, direction la voilerie. Là, je découvre avec étonnement les postes des ouvriers, intégrés dans le sol, ce dernier leur servant de plan de travail !

"Un doute apparaît dans mon esprit"

Avant de continuer je dois faire un retour en arrière et revenir au troisième jour, lors duquel je suis à nouveau malade. Eric me regarde avec compassion, il a connu ça lui aussi quand il était mousse.

Né dans une famille de pêcheurs sur une île de pêcheurs, il n'a pas eu beaucoup de choix pour son orientation et le mal de mer à fini par disparaître, après des années. Encourageant !


Bien que ça se calme après quelques temps (le seau n'est plus mon meilleur ami), je ressens toujours une sensation de mal-être dès que j'essaie de lire ou écrire, ou que je passe trop de temps à l'intérieur du carré.

Chose impensable avant de partir, un doute apparaît dans mon esprit et je me demande si ce voyage est une bonne idée, si ça vaut le coup de continuer dans cet état ou s'il serait préférable de descendre à la prochaine escale.

Je n'avais pas imaginé pouvoir être affecté physiquement de la sorte et ça ébranle mes certitudes : mon vieux rêve de transatlantique à la voile peut-il tenir face à cette réalité ? Car c'est bien cela qui se joue à cet instant : la confrontation d'un rêve avec la réalité.

Toute une partie de ce que j'ai rêvé n'est pas possible (les heures à lire et écrire, apprendre le russe et perfectionner mon espagnol, etc...) mais heureusement la réalité de ce voyage c'est aussi de vivre des expériences très fortes et découvrir de nouvelles sensations. Celle qui me surprend le plus est celle que je ressens à chaque fois que je revois la terre. Une sensation difficile à décrire.

Cela a commencé à l'arrivée aux Canaries. Je connais très bien l'une des îles et une joie intense m'envahit quand je la revois au loin, en arrivant cette fois-ci par la mer plutôt que par les airs. Et cette sensation s'amplifie en repartant.

"Liberté immense"

Alors que nous quittions Gran Canaria à la tombée de la nuit, j'envisage d'aller me coucher rapidement puis me ravise quand je réalise que je ne reverrai pas la terre avant plusieurs jours. Je passe alors plus d'une heure à m'imprégner de la vue de ces formes qui se découpent dans l'obscurité.

Et l'arrivée au Cap Vert ne fera que confirmer cela, avec en prime la surprise de voir une île surgir de la brume, beaucoup plus près que là où je la cherchais.
Il y a aussi ces expériences qui ne sont possibles qu'en pleine mer. Je pense aux instants magiques lors des quarts de nuit : lorsque l'atmosphère est dégagée, que le vent souffle dans les voiles et qu'en levant les yeux au ciel, on les voit danser parmi les milliers étoiles. Dans ces moments là, seul éveillé sur le voilier qui file à travers l'océan, je ressens une sensation de liberté immense.

Alors la réalité a remplacé le rêve, c'est surement mieux ainsi et je choisis de continuer."
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