Le carnet de voyage d’Ivan, éloge du temps #5 : un vent de liberté au milieu de l'océan alors que la France est confinée

Suivez l'aventure d'Ivan, franc-comtois embarqué sur un voilier pour une traversée d'un mois et demi entre la France et l'Uruguay, au beau milieu de l'Océan atlantique. Impatience, découvertes, questionnements et joies... Il nous fait vivre son périple. Récit.

Ivan est un photographe bisontin âgé de 41 ans. Amoureux du voyage au long cours, il a embarqué sur un voilier pour traverser l'Atlantique, de la France à l'Uruguay. Pendant un mois et demi, France 3 Franche-Comté suit ses aventures au beau milieu de cette immensité de plus de 100 millions de km2. Après être tombé sur une annonce sur internet, il décide de partir à l'aventure. Début octobre, il a pris un bateau pour vivre une aventure hors du temps, au fil des remous. Il nous raconte. 

► #5 : un vent de liberté au milieu de l'océan, alors que la France est confinée

"En mer, nous n'avons ni réseau, ni internet et donc aucune nouvelle de la terre (la seule exception étant la prise de la météo, tous les deux jours, avec un téléphone satellite). A notre arrivée aux Canaries, après huit jours de mer, c'est un choc d'apprendre la mise en place d'un couvre-feu en France. Une semaine plus tard, c'est au Cap Vert que nous apprenons le reconfinement.
Sensation étrange que de passer de l'ignorance de ces nouvelles au flot d'informations manquées pendant les jours de navigation. C'est d'autant plus violent après le calme des jours qui précèdent. Nous pensons à vous qui vivez avec quotidiennement et cela m'encourage à continuer ces carnets de voyage, pour partager un peu de grand large avec vous.

Il y a aussi les escales : l'odeur de la terre lorsque nous nous approchons, les formes dont j'ai déjà parlé, les lumières dans la nuit. Et les rencontres : nous ne sommes plus seuls, nous ne faisons que passer dans le quotidien de nos hôtes mais ils marquent le nôtre durablement. Elles représentent l'évolution de notre voyage. Un morceau d'Europe au large du Maroc avec les Canaries, puis le Cap Vert entre Afrique, Amérique Latine et Antilles...
C'est maintenant l'heure de partir et cette fois je suis très heureux de voir la terre s'éloigner. Ce départ est particulier, il signifie que nous entrons dans l'étape cruciale du voyage : la traversée d'Est en Ouest de l'Atlantique et le passage de l'équateur, maintenant il n'y aura plus d'escale avant le Brésil.

Les conditions sont parfaites, un vent régulier souffle du Nord-Est et devrait nous accompagner pour traverser le "pot au noir". Cette zone de l'Atlantique, au nord de l'équateur, est la hantise des marins. Elle est synonyme de calmes plats ponctués d'orages subits très violents (que l'on appelle des grains), sur des centaines de miles. La fenêtre météo qui s'ouvre devant nous promet une traversée rapide et sans trop d'encombres.

Mais une surprise nous attend la première nuit : un passager clandestin s'est glissé à bord. Nous nous en rendons compte lorsque, loin des côtes, il se met à chanter. Un grillon se cache sur le bateau. Bien qu'il fasse un vacarme de tous les diables, il faudra deux nuits pour le localiser. Sans eau douce ni nourriture, l'avenir de ce petit aventurier semble compromis. Nous l'adoptons donc et celui qui s'appelle désormais Maurice devient la mascotte de l'équipage.
La météo tient ses promesses et nous avançons, bien accompagnés par un vent régulier. Mais il faut rester vigilant, des grains menacent. La nuit, la lune est notre alliée pour repérer ces rideaux noirs à l'horizon. Lors de l'un de mes quarts, je surveille avec attention des zones très sombres, de chaque côté de notre route. Les nuages me semblent encore loin mais en un instant toutes les étoiles au-dessus du bateau disparaissent, l'obscurité nous recouvre complètement et le vent se met à souffler très fort. Il faut réagir vite, le principal danger d'un gros coup de vent serait de démâter si le vent venait à dépasser le seuil de tolérance calculé pour chaque type de voilure déployée.

Le vent tourne et augmente constamment, les voiles claquent, la pluie fouette le visage, j'applique la procédure que nous a enseignée le skipper puis vais le réveiller. Il nous faudra prendre un ris (réduire la surface de la grand-voile) pour le reste de la nuit. Un autre grain nous barre la route, je l'évite en changeant de cap.

Depuis le départ de la Rochelle nous avons eu beaucoup de chance avec la météo, mais certaines conditions sont impressionnantes quand on les rencontre pour la première fois. Je vais tenter de vous les décrire. Nous sommes descendus le long du Portugal avec un fort vent arrière, accompagné d'une houle de 5 mètres d'amplitude (la houle se forme avec le vent, elle suit sa direction et plus il est fort, plus la hauteur entre le creux des vagues et leur sommet augmente).

Imaginez-vous maintenant sur un tapis roulant, il avance tranquillement puis monte à une hauteur de 5 mètres, redescend et ainsi de suite. Au point haut, vos yeux sont donc à 5 mètres, plus votre hauteur. Imaginez-vous maintenant au poste de pilotage, d'où l'on se retrouve à 3 mètres au-dessus de la ligne de flottaison. Vous surplombez les creux entre les vagues... de 8 mètres (les 5 mètres de la vague plus les 3 mètres de votre position). Et quand le bateau est dans le creux, devant et derrière, les vagues culminent à 2 mètres au-dessus de vous. Vous êtes cernés par des murs d'eau, ça n'a rien de dangereux et c'est bien de le savoir.
Comme le vent vient de l'arrière, les vagues rattrapent le bateau, elles le soulèvent puis le dépassent. Mon instant préféré est lorsque le bateau part en surfant, en prenant de la vitesse, qu'il commence à être soulevé avant de se faire dépasser par la vague. Le sifflement caractéristique de l'accélération et les vibrations sont grisants.

Je vous laisse maintenant sur ce tapis roulant, et vais me coucher en pensant à demain. Nous arriverons à l'équateur..."
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