Si les violences conjugales ne sont plus le tabou qu'elles étaient il y a quelques années, on les réduit encore souvent à des actes de violence physique ou extrême. Mais avant d'en arriver là, il y a parfois des années de signaux plus subtiles.
Des coups, des hurlements et des bleus. C'est bien souvent l'image que l'on se fait des violences au sein du couple. Mais avant d'en arriver là, la quasi-totalité des victimes de violences conjugales ont d'abord été des personnes heureuses en couple. Et si des phénomènes comme les violences verbales et financières sont plus connus, savoir quand les choses vont trop loin dans son propre couple est parfois difficile.
Pourtant, réussir à identifier les premiers signes d'une relation déséquilibrée est essentiel : "Plus le cycle de la violence s'installe, plus c'est difficile d'en sortir", explique Eva Bronnenkant, présidente de Solidarité Femmes 25, "alors si on s'en rend compte le plus rapidement possible, on peut en sortir plus facilement aussi".
Le violentomètre by on Scribd
Comment on s'aime ?
C'est notamment pour cela que le violentomètre a été conçu en 2018 par plusieurs associations : offrir des exemples, et une sorte de barème de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas. Des exemples d'autant plus précieux, qu'ils peuvent aiguiller une population particulièrement touchée : les 18-25 ans. "C'est la tranche la plus touchée, mais ils passent sous les radars, soupire Eva Bronnenkant. La violence dans ces couples est sous-estimée, alors que c'est là que les choses s'installent".
Pour permettre aux femmes et aux hommes qui se posent des questions sur leur couple, une plateforme, Comment on s'aime ? a été mise en place par l'association "En Avant". Un tchat internet, complètement anonyme, est tenu par des professionnels, qui peuvent répondre aux questions et aider à trouver des solutions.
Comme tous les sites professionnels de lutte contre les violences, il est possible de le quitter très rapidement, en cliquant sur le bouton "quitter ce site", et des explications sur la manière d'effacer les traces de sa visite sur son ordinateur ou son téléphone sont disponibles.
"Il y a des signes"
Première étape : " Il faut différencier le conflit, de la violence" expose Eva Bronnenkant. "Dans un couple, on peut se disputer, il peut y avoir des désaccords, mais l'échange reste possible, et chacun est sur un pied d'égalité". Elle précise : "le conflit, ça peut être constructif". Pour cela, il faut que ces conflits amènent à une remise en question équilibrée.
"Dans la violence, il y a un rapport de domination, une asymétrie", continue-t-elle. Un refus d'entendre la peine que l'autre peut ressentir, à la prendre en compte pour se remettre en question. Au contraire, la faute est en permanence rejetée sur l'autre. D'abord exceptionnelles, "ces disputes deviennent répétitives". " Ça pousse la victime à se sur-adapter, elle n'est plus libre de sa parole ou de ses choix, elle va marcher sur des œufs pour éviter que le conflit s'installe".
Si c'est dans la répétition et qu'on perd la confiance en soi, sa liberté d'agir, il faut se poser des questions.
Eva Bronnenkant, présidente de Solidarité Femmes 25
"C'est souvent des crises de jalousie, des cris", décrit Eva Bronenkant. "La victime n'est plus libre dans ses choix, vestimentaires ou dans ce qu'elle va dire, l'autre ne laisse plus la place à des prises de décisions, à ses désirs".
Un point commun récurrent, de plus en plus présent chez les victimes de violences conjugales : la cyberviolence. Peu à peu, le contrôle de l'autre passe par celui de ses outils numériques et de sa présence sur les réseaux sociaux. Ce qu'il ou elle peut publier, quand, à qui. Avec qui il ou elle parle. Jusqu'à avoir connaissance en permanence de sa géolocalisation, ou même installer des logiciels espions. "Si tu ne te sens pas bien dans ta relation, c’est que quelque chose ne va pas" précise le site "Comment on s'aime ?" dans son article " Comment savoir quand ça va trop loin ?".
Eva Bronenkant précise que les violences conjugales peuvent en rester à cette étape de disputes qui contraignent de fait pendant "des semaines, des mois, voire des années avant que la violence éclate". Elle ajoute que "ce sont des stratégies qui peuvent être conscientes, mais aussi inconscientes", ce qui ne change rien au mal qu'elles peuvent faire, ou à l'importance de se protéger le plus rapidement possible.
Outre le tchat "comment on s'aime ?", le numéro de téléphone 3919 permet de contacter des professionnels capables d'accompagner une personne qui se pose des questions, ou qui envisage de partir. Elles peuvent aussi aider les proches d'une victime potentielle.