Accoucher. Donner la vie, alors que le virus en menace tant d’autres. En Franche-Comté, malgré l'épidémie de covid-19, des ventres continuent à s’arrondir, des cris de nourissons résonnent dans les salles de naissance. Dans quel état d'esprit sont ces parents ? Ils témoignent.
Laure* attend sagement le terme de sa grossesse prévue le 21 avril. Cette maman doit accoucher au CHU de Besançon. Au bout du téléphone, elle garde le moral. « C’est notre premier enfant, on espère bien que le papa pourra assister à la naissance. Nous deux sacs sont prêts pour partir à la maternité » explique Laure.
Ces derniers jours, la future maman a eu des infos contradictoires. Pendant 48 heures, elle a bien cru que le papa ne pourrait pas être présent en salle de naissance. « On n’a pas trop eu d’infos, c’est vrai que cela nous rassurerait. On veut juste savoir où on va » lance-t-elle. Le papa sera bien là, le CHU a confirmé l'information.
Laure sait déjà qu’elle ne restera pas bien longtemps à la maternité. 48 heures si l’accouchement se déroule comme prévu :
Cela ne me pose pas de souci, être suivie à domicile par une sage-femme chez moi, ça me va.
Cette naissance est attendue dans la sérénité, même si elle sera sans doute moins festive qu’en temps normal. « Au début, on s’imagine avec les bouteilles de Champagne pour fêter cela à la maternité, là on sera chez nous. Et les visites de la familles attendront » philosophe Laure. Pour ces futurs parents, qui ont la chance de vivre en maison à la campagne, le confinement n’est pas une difficulté. « On n’a plus de visites, mais ce n’est pas une contrainte, c’est pour notre sécurité, on voit jour après jour » conclut la future maman.
"A maternité, on m’a pris deux fois ma température"
Adèle et Thomas* attendent leur premier enfant. « Ce sera un bébé confiné », disent-ils avec le sourire. Avec un terme de grossesse prévu fin avril, ils deviendront parents dans des circonstances un peu particulières. Adèle a déjà esquissé dans sa tête le jour J.
On nous a informés que lorsque nous nous présenterons à la maternité, je serai prise en charge, mais mon conjoint devra attendre dans la voiture. Il ne pourra me joindre en salle de naissance que lorsque le travail sera sur le point de commencer,
explique la jeune femme. Déjà, lors des derniers rendez-vous médicaux, Adèle s’est rendue seule à la maternité. Echographie, rendez-vous avec l'anesthésiste, derniers contrôles gynécologiques, au CHU de Besançon, seules les futures mamans sont autorisées à rentrer dans le service. « Dans la zone maternité, on m’a pris deux fois ma température, on m’a demandé si je toussais, si j’avais des courbatures, si je connaissais quelqu’un qui avait ces symptômes » détaille Adèle. « Les personnels portaient tous des masques, et on m’a assuré que les anesthéstistes de la maternité seraient bien présents le jour de mon accouchement pour pratiquer les péridurales » lance la jeune femme. Rassurée mais consciente de donner la vie dans une période peu propice au partage.
"Quand je suis sortie de la maternité, cela m'a fait un choc !"
Emma* elle a déjà accouché. C’était quelques jours avant qu’Emmanuel Macron annonce aux Français le confinement. Sa petite fille est née le 13 mars, à l’hôpital de Vesoul. "Moi, quand je suis rentrée à la maternité tout était normal. Mais quand je suis sortie, cela m’a fait un choc de voir le monde à l’arrêt. On n’a pas pu présenter notre petite, à la famille, à ma maman. On passe du temps sur nos smartphones pour faire des appels vidéos, mais c’est un peu triste " confie la maman.
J’ai une super poussette, j’avais envie de me promener avec ma fille. J’ai dû aller à des rendez-vous médicaux avec elle, j’ai dû affronter le regard des gens qui ne comprennent pas parfois qu’on puisse sortir avec un nourrisson.... J’espère ne pas vivre tout mon congé maternité enfermée, je reprends le travail fin avril !,
détaille Emma avec le sourire.
« Il y a parfois de grosses baisses de moral, du fait de ne pas pouvoir passer le relais quelques heures aux mamies afin de souffler un peu et de se reposer. Mais on reste positif car nous sommes tous en bonne santé. Etre confiné, c’est parfois dur à accepter… je pense aux futures mamans qui ne peuvent pas prévoir la naissance sereinement » lance Emma, solidaire avec toutes ces femmes qui vont donner naissance alors que l’épidémie de coronavirus est proche du pic en Bourgogne Franche-Comté.
La peur au ventre pour leurs bébés et des moments volés par le Covid-19
Pour d’autres mamans, l’épidémie de covid-19 est plus délicate à appréhender. « Je suis très stressée par cette fin de grossesse, j’ai peur en permanence pour mon bébé car on ne sait pas au final si le virus peut être dangereux pour lui ... J’ai peur de l’attraper et de faire un petit prématuré. Je me pose beaucoup de questions sur l’accouchement, sur la place qu’on accordera au papa ce jour là, comment nous organiser avec les enfants que nous avons déjà » nous confie une maman du Jura.
On n’a pas même pas pu finir la chambre du bébé, c’est secondaire, mais bon quand on attend avec impatience, c’est décevant,
nous dit-elle.
Mathilde* elle, attendait son premier enfant avec impatience après un long parcours de plusieurs années de fécondation in vitro. La naissance du bébé s’est déroulée en plein confinement. « Mon premier accouchement a été compliqué aussi bien physiquement que moralement. Et le confinement qui a suivi, on a beau se dire que c'est pour le bien de tous, j'ai l'impression d'avoir été privée de ma fille, de ses premiers moments avec le monde extérieur » confie cette maman.
Accoucher seule chez moi, pas question !
A Besançon, Marie s’apprête elle aussi à mettre au monde. Son deuxième enfant. Et la sérénité semble son maître-mot. Un petit garçon doit voir le jour vers le 24 avril au CHU de Besançon. Marie sait que son conjoint devra attendre devant la maternité de l’hôpital, le temps que le travail commence. Mais il pourra accéder ensuite à la salle de naissance.
Ce n’est pas l’idéal, mais au moins on se dit que le papa sera là, c’est l’essentiel, on est rassurés,
dit cette ancienne infirmière. Marie ne devrait rester que 48 heures à la maternité, seule avec le bébé. « J’en profiterai toute seule, cela ne me stresse pas » confie le jeune maman, très positive malgré l’épidémie de covid-19.
Elle envisage déjà de rentrer à la maison en mode confiné. « On s’était dit après la naissance du premier qu’on limiterait les visites à la maternité, et puis le retour à la maison avec le bébé, le premier enfant et mon conjoint, nous quatre ce sera finalement pas mal » ajoute Marie. « Certaines personnes m’ont dit pourquoi tu n’accouches pas à domicile, pour moi c’est non ! ».
* Les prénoms de plusieurs mamans ont été modifiés. Un grand merci à toutes les mamans qui ont répondu à notre appel à témoignages.
Quelles sont les conditions d'accouchement en Bourgogne Franche-Comté ?
L'Agence Régionale de Santé a précisé dans un communiqué en date du 2 avril, les conditions sont les suivantes :- Les futurs parents sont invités à contacter une sage-femme libérale en proximité, afin de préparer au mieux la naissance de leur nouveau-né et le retour à domicile.
- Au moment de la naissance, toutes les maternités de la région Bourgogne-Franche-Comté acceptent les pères en fin de travail et jusqu’à 2 heures après l’accouchement, à condition qu’ils respectent les mesures strictes de sécurité mises en place. Ils retrouveront ensuite les mamans et les nouveau-nés à leur sortie de la maternité.
Téléconsultation et préparation à la naissance
La téléconsultation est désormais ouverte aux sages-femmes qui ont accès dans la région à la plateforme TELMI, mise en place par l’ARS et le GRADeS (groupement régional d’appui au développement de la e-santé). Plus de 800 web-consultations ont déjà été assurées de cette manière. Les séances de préparation à la naissance et l’entretien prénatal précoce sont également possibles dans ces conditions.