Leurs vacances devaient durer quinze jours ! Un couple, résidant Besançon, ne peut plus quitter Istanbul pour l'instant. Témoignage.
Beaucoup paieraient cher pour voir Istanbul. Laid et Henia Arif, eux, font tout pour en partir au plus vite.
Monsieur a 62 ans, madame 64. Ces deux Bisontins ont posé le pied en Turquie le 12 mars, pour quinze jours de vacances. Cinq semaines plus tard, ils y sont toujours, contre leur gré.
"On est coincés, il n'y a pas d'avion pour rentrer chez nous, rien", lâche Mme Arif au téléphone, désespérée. Son mari Laid est à côté d'elle. Il approuve, renchérit sur tout ce que raconte son épouse.
Vacances forcées
Pour cause de coronavirus, les voilà donc en vacances forcées, sans possiblité immédate de retour en France. L'ambiance stambiouliote, qui les avait tant séduits lors d'un précédent séjour en 2017, a viré au cauchemar.
"Je ne me sens pas bien, poursuit Mme Arif. Mes enfants me manquent. Le soir, on pense trop ; le matin, on angoisse !"
Je ne me sens pas bien. Mes enfants me manquent. Le soir, on pense trop ; le matin, on angoisse !
Parmi leurs angoisses : la peur de tomber malade. Lui est cardiaque, elle fait de la tension. Et, disent-ils, il n'y a pas de médicament adéquat à Istanbul. Ajoutons à cela le coronavirus, qui rôde à chaque coin de rue...
La Turquie face au coronavirus
"Le pays compte 1 800 décès liés au COVID-19, ce qui est peu, relativise un collaborateur de l'AFP en Turquie contacté le 17 avril 2020. Mais peut-on se fier aux chiffres du ministère turc de la Santé ?"
L'épidémie frappe pour l'instant beaucoup moins fort chez les Turcs que chez les Français. D'ailleurs, le confinement à la turque est peu contraignant : l'activité continue, sauf le week-end.
Qu'importe, le couple Arif ne se sentira en sécurité qu'une fois de retour en Franche-Comté. Mais comment faire ?
L'option biélorusse
"Le 27 mars, les autorités turques ont annoncé la suspension de tous les vols commerciaux internationaux, précise-t-on au consulat de France à Istanbul. À ce stade, la seule possibilité de rejoindre la France est de rentrer via Minsk, avec la compagnie Belavia."
L'option biélorusse ? L'ambassade elle-même le déconseille. Et puis c'est hors de question pour les époux Arif : "On ne parle pas la langue ! Imaginons que l'on soit bloqués là-bas, que se passera-t-il ensuite ?"
Il est vrai qu'en Turquie, le couple, algérien d'origine, a au moins cette chance de pouvoir parler arabe avec les quelques Turcs qui le maîtrisent. Cela facilite (un peu) les choses.
Solidarité entre Français
Les Arif ne sont pas les seuls à être dans l'impasse. Comme eux, des dizaines de Français sont bloqués en Turquie, au moins une soixantaine.
Après la suspension des vols en Turquie, un groupe d'usagers français coincés à Istanbul s'est constitué sur Facebook. On y échange, on désigne des boucs émissaires, bref, on se serre les coudes.
Son créateur, Benjamin, nous raconte qu'il a voulu "aider ses compatriotes". Lui ne se plaint pas : "Franchement, j'ai un appartement sympa, les supermarchés sont ouverts, il y en a presque dix autour de chez moi, et je ne me suis pas mis dans la tête que je devais rentrer à tout prix pour le moment !"
Les supermarchés sont ouverts, il y en a presque dix autour de chez moi, et je ne me suis pas mis dans la tête que je devais rentrer à tout prix pour le moment !
Un avis loin de faire l'unanimité, à commencer par les époux Arif. L'appartement qu'ils occupent, aussi "sympa" soit-il, leur coûte 800 euros, pour trois semaines.
La somme n'était pas prévue, elle s'ajoute aux 600 euros déjà dépensés pour l'hôtel, au début des vacances.
"Je leur envoie de l'argent par Western union, se désole leur fille Hakima, Bisontine elle aussi. Heureusement qu'on est là, mais la situation ne peut pas durer : je veux que mes parents puissent rentrer, point."
De leur côté, l'ambassade et le consulat font tout pour rassurer : "Les réservations de billets vont être prochainement ouvertes", assurent-ils.
Prochainement, mais quand ? Certains ont attendu des années avant de grimper à bord du "Midnight express"...