La journée européenne de la prostate, c'est ce vendredi 20 septembre. Alors que le cancer de la prostate est le cancer le plus répandu en France, un urologue répond à nos questions sur cette glande sexuelle et urinaire.
59 885. En France, c'est le nombre de nouveaux cas de cancer de la prostate diagnostiqué en 2023. Un total impressionnant, qui fait de la maladie le cancer le plus fréquent en France. Pourtant, un certain tabou l'entoure toujours. La prostate, cette glande urinaire et sexuelle, touche à l'intimité et charrie avec elle son lot de clichés, de craintes et d'idées reçues.
À l'occasion de la journée européenne de la prostate, ce vendredi 20 septembre, France 3 Franche-Comté a contacté Vincent Bailly, urologue à Besançon (Doubs). Quelles sont les différentes maladies touchant la prostate ? Comment les détecter, les traiter ? Comment mieux sensibiliser sur ce sujet ? Le professionnel répond à nos questions.
La prostate, qu'est-ce que c'est ?
Première question : la prostate, c'est quoi ? "On peut croire que c'est une question bateau, mais beaucoup de monde ne le sait pas" indique Vincent Bailly. "La prostate, c'est une glande de l'appareil génital masculine, une glande urinaire et sexuelle située sous la vessie".
La prostate sécrète "une partie du liquide séminal, qui permet de préserver la vitalité des spermatozoïdes". Ce liquide est ensuite stocké dans les "vésicules séminales", dans lesquels les spermatozoïdes viennent se mélanger avant l'éjaculation.
L'hypertrophie bénigne de la prostate, une maladie répandue
Pour décrire la prostate et les différentes maladies pouvant la toucher, Vincent Bailly la compare à un "œuf". "On a deux parties, qui sont chacune touchées par une maladie différente" reprend l'urologue. "D'abord, on a le "jaune", au milieu de la prostate. C'est sur cette partie que peut se développer une hypertrophie bénigne, appelée aussi adénome de la prostate".
C'est une augmentation du volume de la prostate, avec l'âge. Elle gonfle et gêne le passage de l'urine. On estime que 50 % des hommes qui avancent en âge sont touchés par l'adénome.
Vincent Bailly,urologue à Besançon
Comment la prévenir ? "Il y a certains signes annonciateurs" explique Vincent Bailly. "Un jet d'urine plus faible lorsqu'on va aux sanitaires, quand on se lève plusieurs fois dans la nuit pour uriner, le fait de devoir pousser sa vessie pour uriner".
Et niveau traitement ? "Un adénome simple peut être traité par simple surveillance chez un urologue" nous apprend l'Assurance Maladie. Il est également possible de prendre un traitement médicamenteux pour "une gêne modérée". Pour les cas les plus gênants, avec l'apparition de troubles urinaires, une opération est possible.
Deuxième pathologie : le cancer de la prostate
Comme expliqué précédemment, il s'agit d'une maladie "trop récurrente" selon Vincent Bailly. "Je dirais qu'un homme sur huit développe cette pathologie" assure l'urologue. "À la différence de l'adénome, le cancer de la prostate est asymptomatique. Ce n'est pas parce qu'on est gêné par une hypertrophie qu'on a un cancer, et inversement".
Sans symptôme, comment savoir si l'on est touché par cette maladie ? "Par le dépistage, c'est le point le plus important" affirme le praticien bisontin. "Il faut faire une prise de sang dès l'âge de 50 ans, voir de 45 ans pour ceux qui ont des antécédents familiaux".
La prise de sang permet de mesurer le taux de PSA (antigène prostatique spécifique), une protéine produite par la prostate. Si elle est présente en trop grande quantité, c'est qu'il y a un problème.
Vincent Bailly,urologue à Besançon
Autre mode de dépistage, le toucher rectal qui permet de mesure la taille, la texture de la prostate afin de détecter une anomalie. "Chaque année, j'en détecte deux de cette façon" précise Vincent Bailly. Enfin, en dernier recours, il est possible de faire une IRM pour détecter un cancer. "C'est rapide, précis et surtout salutaire si on a eu des doutes pendant la prise de sang ou le toucher". Dans les cas les plus graves,
Le cancer de la prostate, une maladie "qui se guérit bien"
Vincent Bailly tient à alerter là-dessus. "Le cancer de la prostate se guérit bien, et ce d'autant plus s'il est diagnostiqué tôt" nous apprend-il. "Se faire dépister ne veut pas dire qu'on aura un traitement à suivre. Et puis les traitements ne provoquent pas de troubles sexuels ou urinaires. Ce sont des idées reçues qui font peur à beaucoup d'hommes".
Si le diagnostic se fait à un stade très précoce, aucun traitement n'est nécessaire. Une surveillance active par un urologue, avec prises de sang, toucher rectal et IRM, peut suffire.
Vincent Bailly,urologue
Dans les cas les plus graves, il est possible de se faire soigner grâce à une intervention chirurgicale après "une biopsie de la prostate" (prélèvements de tissus). "Mais maintenant, on peut aussi se soigner par radiothérapie, par curothérapie" précise l'urologue bisontin. "Et depuis 10 ans, on a un nouveau traitement par ultrasons, qui n'impacte que la zone malade".
Cancer de la prostate : quels sont les facteurs ?
Si l'adénome de la prostate résulte "d'un vieillissement naturel" explique Vincent Bailly, plusieurs facteurs peuvent augmenter les chances d'être touché par le cancer de la prostate. "Le premier est génétique" nous dit le professionnel. "Si un homme de votre famille a déjà eu cette maladie, vous serez plus susceptible de l'avoir".
"Ensuite, il y a des facteurs environnementaux. Si vous êtes exposés à des pesticides comme le chlordécone, vous développerez aussi plus facilement un cancer de la prostate" continue l'urologue. "Ajoutez à cela des facteurs aggravants comme l'obésité ou la sédentarité. Une activité physique régulière réduit le risque de cancer de la prostate, mais aussi d'hypertrophie bénigne et de troubles urinaires".
La prostate, toujours tabou ?
"Oui, d'un certain côté, chez les hommes, il y a toujours un certain tabou" révèle Vincent Bailly. "Entre eux, passé un certain âge, ils n'ont pas de mal à parler d'hypertrophie. Sur le ton de la blague, ils se disent "je vais tout le temps aux toilettes, j'ai la prostate".
C'est au niveau du cancer que cela coince. "Avec les notions de traitement, de toucher rectal, mais aussi, car la prostate est une glande sexuelle et urinaire. On touche à l'intime et il peut y avoir de la peur" glisse l'urologue. D'où l'intérêt des journées de sensibilisation, comme la journée européenne ou encore Movember (opération au mois de novembre qui alerte et lève des fonds pour les maladies masculines) "pour communiquer sur le dépistage et la prévention", insiste le Bisontin.
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Si le tabou se lève petit à petit, il existe selon le praticien encore des points d'amélioration. "Le dépistage est individuel, il n'existe pas encore de dépistage collectif car la Haute autorité de santé (HAS) ne le recommande pas" regrette l'urologue. "Nous, les urologues, nous nous battons pour que cela évolue". "L'intérêt est majeur : le cancer de la prostate est une maladie hyperfréquente mais qui se guérit très vite si elle est diagnostiquée rapidement" conclut-il. "Et aujourd'hui, il ne nécessite pas de surtraitement". Qu'on se le dise.