Rémy Vienot est un travailleur social, médiateur spécialisé pour les gens du voyage. Chaque année, à Besançon, il collecte jeux et jouets qui seront distribués à leurs enfants, à Noël.
Chapeau sur la tête, sans barbe blanche ni costume rouge, Rémy Vienot ne ressemble pas au père Noël. Il en est pourtant un, avec ses cadeaux et son cœur, gros comme ça. Chaque année, à l’approche des fêtes de fin d’année, il se consacre aux enfants des gens du voyage. A Besançon, il collecte des jeux et des jouets pour eux.
Je n’ai pas eu de super noël quand j’étais gamin, alors j’essaie de redonner un peu le sourire aux gosses !
Rémy Vienot, président de l'association Espoir et Fraternité Tsigane
Rémy Vienot est médiateur, un travailleur social. Il intervient en cas de conflits avec les villes, les préfectures ou les propriétaires de terrains. Il est aussi le président d’une association qu’il a fondée, Espoir et Fraternité Tsigane.
Nous avons rendez-vous avec lui un matin de décembre. Son programme est chargé. D’abord, une étape dans un café-concert de Besançon, l’Antonnoir. L'établissement a fait une collecte de jouets. Rémy entame la discussion avec Emmanuelle, une des responsables de la salle de concert. Il sort son smartphone, montre les photos d'enfants tsiganes, s’émerveille de la générosité des donateurs...
Puis, départ vers les locaux d’Emmaüs, pour récupérer d'autres jouets et des vêtements. Un de ses amis, Khaled Cid, l’accompagne : "On partage les mêmes valeurs, on s’est tout de suite bien entendu, c’est quelqu’un de bien", explique Khaled. Face à la haine, Khaled sait combien la tolérance et la solidarité sont précieuses, lui qui a été grièvement blessé en février 2021, victime d’une agression raciste.
Diaporama sonore, rencontre avec Rémy Vienot :
En milieu de matinée, les deux amis font une pause café chez Henri Ollmann. Henri est ferrailleur et pasteur bénévole de la communauté des gens du voyage. Il a choisi la sédentarité parce qu’il voulait plus de tranquillité pour les siens. Il a acheté un petit terrain, construit une cabane, et héberge une partie de sa famille, dont ses frères.
La cabane ressemble à un petit chalet suisse. Il l’a construite de ses mains. Accrochée au mur, une collection de clarines, cadeaux de paysans rencontrés au cours de ses déplacements. La douce chaleur d'un poêle à bois envahit la cabane.
"Rémy, je le connais depuis longtemps", raconte Henri, "il était intervenu parce que sur l’aire d’accueil des gens du voyage de la Malcombe, on était menacés de coupure de l’électricité, en plein hiver."
Autour de la table, la conversation roule sur la vie quotidienne et les souvenirs d’enfance.
"A l’école, on nous mettait au fond de la classe, on nous distribuait des feuilles pour faire des dessins, et on nous disait qu’il ne fallait pas embêter les autres."
Henri OllmannPasteur de la communauté des gens du voyage
Henri ajoute : "Je me suis fait traiter de sale gitan, de pouilleux, mais je ne leur en veux pas". Pas de rancœur, mais une volonté de ne plus se taire : "Rémy nous a appris à ne plus rester dans le silence, à aller à la rencontre des institutions, de la ville, à revendiquer nos droits."
L'apprentissage est difficile : "les gens du voyage sont entre eux la plupart du temps, ils ressentent de la crainte, de la peur quand quelqu’un d’extérieur à la communauté vient les voir."
"Un contrôle judiciaire à vie."
Jusqu'en 2012, la discrimination était quasi-institutionnalisée, avec l'obligation du carnet de circulation. Les gens du voyage de plus de 16 ans devaient faire signer ce document, chaque trimestre, au commissariat de police ou à la gendarmerie : "C’était un contrôle judiciaire à vie, explique Rémy Vienot, et si tu oubliais de le faire signer, tu devais payer une amende".
Le carnet de circulation était un justificatif d’absence de domicile fixe. En réalité, une marque d'infamie dans la vie quotidienne : le présenter entrainait souvent un refus, d'ouvrir un compte en banque ou de contracter une assurance par exemple.
La dernière étape du jour est un campement d’une vingtaine de caravanes et camionnettes. Des gens du voyage se sont installés à l’arrière d’un bâtiment de bureaux vides, à Besançon. Expulsés une première fois par la police, ils sont revenus là, faute de place ailleurs.
Pas assez d'aires d'accueil
Le manque d’aires d’accueil, c’est le sujet de discorde entre les gens du voyage et les villes. La loi impose la création de ces espaces dédiés, avec un accès, payant, à l’eau et à l’électricité. Mais à peine la moitié des communes soumises à cette obligation respecte la réglementation. C’est insuffisant pour les 300 000 gens du voyage recensés en France.
Au manque d’emplacements s’ajoute le fossé culturel. Très attachés à l’hygiène, les gens du voyage observent une règle stricte : les toilettes sont réservés à la famille et à personne d’autres. Or, la plupart des aires d’accueil comportent des blocs sanitaires collectifs.
Dans le campement improvisé, il y a Violette Sauser. Elle achève le ménage de sa caravane. Elle raconte : "Rémy est toujours là pour nous, pour nos enfants, il a un grand cœur, quand on est menacés d’expulsion, il vient tout de suite". Et elle ne mâche pas ses mots quand elle parle des aires d'accueil : "J’ai 7 enfants mariés, 18 petits-enfants, tous avec nos caravanes, tu nous vois arriver sur une aire d’accueil où il n’y a que 19 places ?"
Hommage à son petit frère
Rémy s’est attaché aux gens du voyage après la mort de son petit frère : "il était fier de ses racines, Yenish du côté de notre mère, c’est pour lui rendre hommage que je me suis intéressé à notre histoire", se souvient-il. Un court silence, une petite hésitation dans la voix, et puis Rémy enchaîne : " je comprenais enfin pourquoi, enfant, j’avais été mis à l’écart par les autres".
Aujourd’hui, l’adulte qu’il est devenu se bat au nom de la fraternité.
La caravane fait peur, parce que les gens ont toujours peur de ce qui est différent
Rémy Vienot
Rémy ajoute : "il y a un mur entre les sédentaires et les voyageurs, alors moi j'ai un petit piolet et je casse des morceaux du mur pour qu'on puisse se parler, se faire un petit coucou !"
Des jeunes allument un barbecue et se réchauffent autour du feu. Rémy et Khaled ont apporté pain, saucisses et merguez. A quelques mètres de là, entre deux caravanes, une des petites filles de Violette a décoré le sapin de Noël, apporté par les deux amis.
Pour elle, aucun doute : même si Rémy n’a pas de barbe blanche ni de costume rouge, il est bien le père Noël.