Le procès de l'agresseur de Khaled Cid, entrepreneur bisontin victime d'une agression raciste lundi 1er février à Besançon, avait lieu ce mercredi, en comparution immédiate. Philippe T. a écopé de 24 mois de prison, dont 6 mois avec sursis. Récit.
Khaled Cid, victime d'une violente agression raciste lundi 1er février en centre-ville, était présent ce mercredi au tribunal de Besançon. Il faisait face à son agresseur. Ce dernier a été reconnu coupable d'agression à caractère raciste. Il a écopé de 24 mois de prison dont 6 mois avec sursis, avec obligation de soins, interdiction de porter une arme et obligation d’indemniser la victime. Aucune interdiction de territoire n'a été prononcée à son encontre, malgré les réquisitions de l'avocat général.
Khaled Cid accusait Philippe T. de l'avoir littéralement roué de coups, en proférant à plusieurs reprises des insultes racistes et des menaces de mort alors qu'il rentrait chez lui après un rendez-vous professionnel. "Je vais te tuer sale arabe" aurait répété son agresseur à plusieurs reprises, les yeux exorbités et sous l'emprise d'alcool en le frappant violemment. "J'ai cru que j'allais mourir" nous a confié Khaled Cid, qui doit son salut à une patrouille de police qui est intervenue très rapidement, alors qu'il était à terre en train de subir les coups.
Le prévenu est un grand jeune homme de 24 ans, barbe brune, crâne rasé et voix assurée. Ce mercredi, il a écouté attentivement l'énumération des faits qui lui étaient reprochés et le déroulement de l'agression, avant de répondre aux questions de la présidente du tribunal correctionnel. Les faits qui sont imputés à Philippe T. sont clairs. Il est soupçonné d'avoir frappé Khaled Cid sous prétexte qu'il est d'origine maghrébine, tout en étant fortement alcoolisé.
Le prévenu maintient d'emblée sa version des faits face au tribunal. Selon lui, c'est la victime qui l'aurait provoqué, en faisant une remarque "déplacée" à deux amies qui l'accompagnaient ce soir-là. Seulement, les caméras de surveillance ont tout filmé et les bandes corroborent les dires de Khaled Cid, selon la présidente. Le prévenu explique : "Il a fait une remarque déplacée, et je suis intervenu. J’ai sans doute surréagi. C’est ma version des faits et je m’y tiendrai."
Des tatouages violents et fascistes
Qu'en est-il de la personnalité du prévenu ? Le tribunal relate les précédentes condamnations de Philippe T, résident à Cléron chez ses parents, et rappelle les chefs d'accusation dont il a fait l'objet ces dernières années : conduite sans permis, violences habituelles sur conjointe, dénonciations mensongères et en 2019 violence à l'encontre d'un migrant d'origine afghane.
Ce qui attire l'attention du tribunal, ce sont aussi les tatouages du prévenu. "Il y a des choses qui... enfin des particularités" avance la présidente, avec prudence. Elle poursuit : "Vous avez énormément de tatouages qui sont violents. Ce ne sont pas les tatouages du club Mickey. Vous avez également derrière le cou un tatouage avec une inscription MVSN : est-ce que ce n’est pas le signe d'une milice italienne sous le régime fasciste mussolinien ?" Le prévenu confirme de la tête. Il se justifie : "Ça n’a rien à voir avec des violences. C’est pour moi les tatouages, je ne les fais pas pour les autres. Pour moi c’est humoristique".
"C'est un acte raciste"
Les enquêteurs ont également trouvé la trace de Philippe T. sur un site ouvertement fasciste : "Vous aviez participé à une réunion dans un bar qui s’appelle le bunker, à Besançon" ajoute la présidente. "C'était en 2012" rétorque le prévenu.
L'avocat général prend la parole pour rappeler la gravité des faits reprochés à monsieur T. "Ce n'est pas un acte gratuit. C'est un acte raciste. C'est un fléau qu'on combat au quotidien. Face à ce phénomène qui a toujours court sans ambiguïté, la réponse doit être claire et ferme" explique-t-il. Il requiert une peine d'emprisonnement de 2 ans, accompagnée d'un mandat de dépôt. Il demande également de condamner Philippe T. à une interdiction de séjour à Besançon pendant une durée de 5 ans ainsi qu'une interdiction de détention et de port d'arme et ce pendant 5 ans.
"Il a 24 ans, c’est un petit con"
L'avocate de la défense, commise d'office, justifie le déchaînement de violence de son client en raison de son état alcoolique et non pas de son racisme et de son appartenance à la mouvance néonazie.
"Sa violence est aveugle. Ses agressions ne sont pas ciblées sur un profil déterminé. Excusez-moi la trivialité de mes propos mais il a 24 ans, c'est un petit con" justifie-t-elle, ajoutant que si elle avait été sûre du caractère raciste de cette agression elle aurait exercé son droit "à se déporter de cette affaire".
Philippe T. a été reconnu coupable d'agression à caractère raciste. Il a écopé de 24 mois de prison dont 6 mois avec sursis, avec obligation de soin, interdiction de porter une arme et obligation d’indemniser la victime.
Ce monsieur ne porte pas les valeurs de la République. Cette idéologie raciste n'a pas sa place dans la société. Je vais essayer de me réparer, je vais aller voir un psy. J'ai cette image de cette personne déterminée à me faire du mal. Oui j'ai essayé de me défendre, je l'ai dit à la police mais je n'avais aucune chance face à lui. Je veux montrer aussi l'exemple pour que les gens qui se réclament de ces idéologies sachent qu'ils peuvent être punis.
Khaled Cid s'est dit satisfait de la peine prononcée, même s'il regrette qu'aucune interdiction de territoire n'a été prononcée à l'encontre de son agresseur, malgré les réquisitions de l'avocat général. Ce dernier craint évidemment de recroiser son agresseur. "Il a nié le caractère raciste mais les magistrats ont bien compris. Ils ont pris la bonne décision. Ses déclarations étaient complètement contradictoires" a-t-il expliqué après le jugement.