Certains riverains se mobilisent contre l'installation sédentaire de gens du voyage, dans le quartier de la Grette à Besançon, par l'intermédiaire d'une pétition. Un tag discriminatoire a également été retrouvé. La communauté des gens du voyage et la maire de Besançon s'indignent. Explications.
Rue de la Grette à Besançon, des riverains, qui n'ont pas souhaité répondre à nos questions, ont lancé une pétition contre l'installation de gens du voyage, de manière sédentaire. Selon nos confrères de l'Est Républicain, près d’une centaine de signatures ont été recueillies avant d'être transmises à la mairie. De plus, une inscription indiquant "Pas de gens du voyage ici" a été retrouvée sur la maison en passe d'être démolie, située sur le terrain destiné à l'installation de trois familles sédentarisées. A cet endroit doivent être construites une petite pièce à vivre avec une cuisine ainsi qu'une salle de bain. Autour, quelques caravanes pourront y être disposées.
"Des citoyens français comme les autres"
"Notre association a décidé de porter plainte contre cette inscription discriminatoire. C'est de l'incitation à la haine. J'ai envie de dire 'ça suffit'. Nous sommes des citoyens français comme les autres. On est la seule communauté de France contre laquelle on peut se permettre banalement des choses comme cela" nous a confié Rémy Vienot, président de l’association Espoir et Fraternité Tsiganes de Franche-Comté, qui n'a pas pu obtenir la pétition et qui attend d'en connaître les termes exacts.
"Je prendrai un avocat et j'irai en justice, si les gens du voyage sont spécifiquement visés pour leur appartenance à cette communauté" annonce-t-il.
"Une politique d'installation qui correspond à la loi"
"On a une politique d'installation des terrains familiaux qui correspond à la loi et aussi à l'intégration de toute personne. Je ne vois pas comment on peut établir des gestes de rejet aussi violents. Je ne supporte jamais les formes de discrimination. Lors du mandat précédent, un quartier entier était venu faire un tollé général en réunion publique, et finalement, maintenant, les familles sont installées et cela se passe très bien" nous a expliqué la maire de Besançon Anne Vignot, tout en rappelant que la mise à la location de ce type de terrains répond à un devoir légal des municipalités.
À Besançon, il existe effectivement un autre terrain familial situé dans le quartier des Montboucons. Certains riverains, s'ils regrettent de ne pas avoir été consultés, disent n'avoir aucun problème avec leurs voisins, issus de la communauté des gens du voyage. Mario, résident du quartier témoigne : "Ce sont des gens très conviviaux, très aimables, très polis. Je souhaite à la Grette d'avoir les mêmes personnes. Ce sont des voisins qu'on souhaite avoir et je vous dis ça en toute sincérité".
"Un ensemble de peurs, de croyances et de stéréotypes très anciens"
Pourquoi une telle réticence face à la communauté des gens du voyage, même lorsqu'une partie cherche à se sédentariser ? Le juriste William Acker, qui étudie particulièrement la question des discriminations envers les communautés des gens du voyage, dont il est issu, a eu connaissance de cette pétition bisontine. "C'est tout à fait courant. Je dirais même qu'il n'existe pas de projet d'habitat ou d'accueil des gens du voyage sans ces pétitions" détaille-t-il.
Selon lui, de manière générale, les "gens du voyage" sont victimes de stéréotypes bien ancrés et sont toujours perçus au prisme du groupe. "On n'envisage pas une famille, mais un groupe de "gens du voyage". On n'est jamais voisin de "gens du voyage" mais riverain. Il existe des frontières conditionnées par un ensemble de peurs, de croyances et de stéréotypes très anciens", explique-t-il.
Et de conclure : "Depuis 80 ans il y a eu une succession de politiques d'incitation voire de contrainte à la sédentarisation, avec une restriction du champ de l'exercice du Voyage. Il est normal aujourd'hui de permettre à ces ménages d'accéder à cette possibilité. L'accueil et l'habitat ne sont pas une faveur des gens du sur place envers les gens du voyage, mais des droits obtenus au prix de longues luttes".