Initialement dédié aux demandeurs d'asile évacués d'Île-de-France, le "sas d'accueil" de Besançon ne pourra les héberger tout de suite, car la Ville l'a réquisitionné en urgence pour y loger une trentaine de mineurs isolés. Arrivés le 11 octobre dans le Doubs, les réfugiés franciliens ont finalement été déroutés vers Seloncourt qui a dû rouvrir son centre en urgence.
Un malheureux jeu de chaises musicales se joue dans le Doubs autour de l'accueil des réfugiés. À Besançon, l'ancienne résidence universitaire de la place de l'Europe devait héberger une cinquantaine de réfugiés évacués d'Île-de-France à l'approche des Jeux Olympiques de Paris. Tout comme neuf autres sites en France, ce vaste bâtiment avait été désigné par le préfet pour servir de "sas d'accueil temporaire" en Bourgogne-Franche-Comté, officiellement "pour désengorger les services administratifs franciliens" qui ne peuvent plus répondre aux demandes de régularisation.
Mais il y a un hic : la mairie de Besançon a réquisitionné en urgence cette résidence de Planoise pour y loger 34 mineurs isolés qui dormaient sur le parking d'Arènes. Leur campement a été démantelé le 4 octobre par la Ville. "Ces personnes dormaient la nuit dehors, un peu partout, on ne pouvait pas continuer comme ça, justifie Anne Vignot, la maire (EELV) de Besançon. J'ignore quel âge ils ont, mais ils possèdent des papiers affirmant qu'ils sont mineurs. Je ne remettrai pas ces gens dehors."
Ni majeurs... ni mineurs ?
La Ville a pris les devants, faute de prise en charge par le conseil départemental ou par l'État, le premier étant compétent pour les mineurs, le second pour les majeurs.
"Le Département ne les reconnaît pas comme majeurs, et j'ignore sur quels critères ils ont pris cette décision. Personne ne prend ses responsabilités, on est dans un vide juridique avec des personnes qui ne sont ni reconnues mineures, ni majeures," déplore Anne Vignot, qui a interpelé le ministère de l'Intérieur sur la situation, en vain. En lien avec le bailleur social Loge GBM, la mairie a mis à l'abri ces jeune en attendant que "leur situation se règle administrativement."
Le bâtiment du Crous fait sept étages, il est muni d'une cage d'escalier, d'un ascenseur. Il n'y a aucune raison pour qu'on ne loge pas les 34 mineurs isolés et la cinquantaine de majeurs d'Île-de-France. Pourtant, la préfecture n'estime pas ça possible pour des raisons administratives, car ce sont des statuts différents.
Anne Vignotmaire (EELV) de Besançon
Seloncourt remis en service
Contactée, la préfecture confirme que les demandeurs d'asile en provenance de la région parisienne ne seront pas logés à Besançon en compagnie des mineurs. "C'est un peu compliqué en ce moment, il est vrai qu'il y a un flou, reconnaissent les services du préfet du Doubs. La prise en charge va dépendre l'avis du juge des enfants [les mineurs isolés du parking d'Arènes ont lancé un recours après l'avis émis par le Département, NDLR]".
En attendant une décision judiciaire, les réfugiés d'Île-de-France ont été réorientés à Seloncourt, près de Montbéliard. Un sas temporaire y a été ouvert de mars à fin septembre 2023 en attendant qu'un lieu dédié soit opérationnel à Besançon, en l'occurrence la résidence du Crous de la place de l'Europe. "Le sas de Seloncourt a vu sa mission prolongée," confirme la préfecture.
"Le préfet m'a appelé, très ennuyé, pour m'avertir qu'il fallait rouvrir notre sas d'accueil car celui de Besançon n'était plus disponible, raconte Daniel Buchwalder, maire (DVD) de Seloncourt. Il confirme l'arrivée sur sa commune d'une cinquantaine de réfugiés le 11 octobre, principalement de nationalité afghane et soudanaise. "C'est plutôt cocasse : on s'était dit au revoir avec la directrice du sas à ce moment-là, et on s'est finalement retrouvés ce matin [Le 13 octobre]," sourit l'élu.
Ça s'est vraiment fait dans l'urgence, car rien n'était prévu au niveau des repas. Notre restaurateur, les Cuisines d'Uzel, n'a pas pu assurer ça au dernier moment, donc les réfugiés vont être nourris par le Flunch de Montbéliard !
Daniel Buchwaldermaire (DVD) de Seloncourt (Doubs)
Ni lui, ni ses administrés ne voient d'inconvénient à voir la mission du sas prolongée. "Il n'y a jamais eu aucun problème, les riverains n'ont pas fait de difficulté. Les infrastructures restent les mêmes, assure Daniel Buchwalder. Donc aucun souci pour que nous continuions d'accueillir ces personnes en attendant que la situation se règle à Besançon. Ça devrait s'arranger entre personnes de bonne volonté," sourit le maire. La préfecture du Doubs assure que le sas de Seloncourt sera "fermé à terme".
La vocation de ces "sas d'accueil temporaire régionaux" est d'héberger ces personnes venues d'Île-de-France pendant huit jours à trois semaines, de les accompagner dans leurs démarches de régularisation et de les répartir ensuite dans les huit départements de Bourgogne-Franche-Comté. Le sas de Seloncourt accueillait ainsi ces demandeurs d'asile par groupe d'une cinquantaine depuis le mois de mars 2023.