Depuis le 17 juin 2020, des militants écologistes ont investi le futur éco-quartier des Vaîtes à Besançon pour stopper sa construction. Cinq mois après, les créateurs de la "Vigie des Vaîtes" ne sont plus tous sur la même longueur d'onde. Explications.
Cinq mois après, la vigie des Vaîtes installée à l'endroit ou doit être construit un éco-quartier à Besançon, est toujours debout. Elle trône fièrement au milieu de ce terrain composé de terres marécageuses et de jardins maraîchers, baptisé "Jardin des luttes". En 5 mois, de nombreux aménagements ont été dressés par les occupants et une petite vie collective s'est construite au rythme des assemblées générales, ouvertes à tous.
Des tensions entre les acteurs du projet
Néanmoins, depuis plusieurs semaines des tensions entre certains acteurs du projet semblent mettre un coup d'arrêt à l'élan collectif du Jardin des Luttes. Sur des groupes en ligne de soutien au projet, on peut lire qu'il existe depuis quelque temps "un climat toxique". Différents points de vue et modes d'action se font face.Samedi 31 octobre, la Vigie des Vaîtes informait via sa page Facebook que le site du Jardin des Luttes était fermé le temps du confinement décrété par Emmanuel Macron, la veille. "Il devenait impossible de continuer à le sécuriser, et en particulier de veiller à la sécurité de la tour de vigie" détaille le collectif sur le web.
"Dans l'après-midi, le constat était fait que les sécurités installées à l'extérieur et à l'intérieur de la tour pour empêcher d'y monter avaient été forcées ; plus grave encore, des jeunes de l'extérieur étaient incités à grimper dans la tour, au risque d'un accident !" s'indignent les auteurs du communiqué diffusé sur la page officielle de la vigie des Vaîtes.
Il semblerait que certains ne l'entendent pas de cette oreille. Un groupe d'occupants permanents s'étonne que la décision de déserter le site n'ait pas été prise de manière collective.
Joint par nos soins, Henri, un occupant de la première heure qui a participé à de très nombreuses assemblées générales est d'accord pour suspendre l'occupation du site pendant le confinement. Il précise : "Une ambiance délétère s'est installée, notamment depuis cet été. Le principal clash a été les nuisances nocturnes dues à l'occupation permanente d'environ une dizaine de membres. On s'est aperçus que ce groupe faisait la fête, mais il ne tenait pas compte du fait que ce n'est pas une ZAD éloignée des habitations. Ce n'est absolument pas possible de déranger les voisins."
Pour rappel, l'occupation des jardins des Vaîtes à débuté le 17 juin sous l'impulsion du collectif Extinction Rebellion Besançon et ANVCop 21. Le but ? Provoquer l'annulation du projet d'éco-quartier mené à bien par l'ancienne municipalité.
Henri poursuit : "Trois jours avant le confinement [les permanents] étaient partis vers des ZAD plus lointaines. On a nettoyé le site en leur absence, car il était très sale et très peu accueillant. Ils sont revenus trois jours avant le confinement et ils ont désormais la ferme intention de réoccuper le site. Si c'était seulement ça, on aurait pas réagi publiquement. Mais là, ils ont appelé a faire un méga barbecue après le confinement. Et on craint pour la sécurité liée à la vigie. On avait cadenassé l'entrée, fermé la trappe pour accéder à la plateforme de la vigie, surtout parce que des enfants ou des jeunes peuvent se blesser. Eux ils ont dit 'non non, la vigie c'est très important', ils ont rouvert. Nous on pensait que pour le temps de l'hiver il vallait mieux la démonter, surtout que la police n'allait pas intervenir maintenant".
John, l'un des occupants actuels du site, présent dans la lutte depuis le 17 juin, nous donne sa version des faits. Il dit que la vigie a été rouverte, après avoir constaté que des jeunes l'escaladaient par l'extérieur, malgré les sécurités mises en place pour la fermer. "C'était bien plus dangereux encore" détaille-t-il.Il confie son sentiment quant au climat actuel. "Au début, on organisait des systèmes de roulement, pour qu'il y ait tout le temps quelqu'un qui surveille les Vaîtes. On s'est vite rendu compte que ce système ne fonctionnait plus avec les vacances. On s'est retrouvé à un petit groupe à devoir gérer le site de manière permanente. Tout l'été on s'est un peu débrouillé tout seul, pour construire l'agora. L'hiver approchant on s'est fait des cabanes pour résister au froid aussi". Selon lui, après les vacances, des non-permanents ont commencé à voir d'un mauvais oeil cette occupation quotidienne, composée de personnes "qui ne leur ressemble pas, qui parlent un peu fort, qui boivent un peu de bière, avec des cheveux longs ou des chiens." Il dit n'avoir jamais constaté de plainte directe de voisins concernant des nuisances sonores.
"Contraint à l'inaction"
Les divergences de mode d'action et de fonctionnement concernant ce projet collectif, non rattaché à une entité légale et qui se veut entièrement horizontal, montre ainsi ses limites. "On revient sur le terrain mais c'est à nous qu'on tire dans les pattes. Il y a des personnes qu'on entend beaucoup, alors on a l'impression qu'elles ont raison. Mais beaucoup de gens sont de notre avis. Aujourd'hui, on essaie de réorganiser le site pour l'hiver. On reprend les choses là ou elles étaient" conclut John.Des idéologies politiques peu compatibles sont aussi la raison de cette cission. "Cela arrive dans beaucoup de ZAD" selon Henri. Il conclut : "La suite ? On ne sait pas. Beaucoup de gens n'ont plus envie de participer à la lutte en raison de ce climat, justement. On va essayer de faire une AG à la sortie du confinement. Pour le moment, on est contraint à l'inaction, c'est assez terrible."