Kanti, artiste aux multiples casquettes originaire du quartier Planoise à Besançon, nous présente son travail inédit. Il réussit le pari de rassembler deux univers diamétralement opposés : la peinture et le hip-hop. Une belle découverte.
Vous aimez le breakdance et ces figures impressionnantes réalisées au sol ? Le travail de Kanti, un Bisontin de presque trente ans, risque de vous intéresser. Le jeune homme, originaire du quartier Planoise à Besançon, développe depuis 2018 un projet artistique hors du commun. Danseur de hip-hop et plus particulièrement de breakdance depuis ses 14 ans, l'artiste travaille à laisser une empreinte graphique des différentes figures qu'il réalise lorsqu'il s'adonne à sa passion. Un travail inédit qu'il nous explique plus en détails.
"J’ai commencé la danse et le breakdance en 2008 à la Maison Pour Tous de Planoise. C'est ma mère qui m’avait inscrit. Elle est très ouverte à l'art. Elle nous emmenait souvent ma sœur et moi au musée. J’y suis allé par curiosité et j’ai eu un coup de foudre. J’ai continué à y aller de manière assidue et à m’entraîner avec les danseurs de la ville, jusqu'à devenir un danseur à part entière", se souvient Kanti, le surnom (aussi appelé "blaze"), qu'il a choisi de s'octroyer.
"Cette idée s'est coincée dans ma tête"
Après avoir commencé ses études à Besançon, Kanti rejoint la capitale parisienne pour suivre un master en gestion de projet à la Sorbonne. Pendant ce temps, il continue à danser et ne perd pas de vue sa passion. Une idée commence alors à germer dans son esprit au fil des figures qu'il enchaîne. Une idée qui ne le quittera plus.
"Tout danseur et danseuse de breakdance remarque que dans les salles de hip-hop, la gomme des chaussures laisse des traces au sol. Quand je dansais, je laissais d'ailleurs beaucoup des traces circulaires par terre. Je me suis dit que ça pourrait être marrant de marquer vraiment ces traces en mettant de la peinture sur mes pieds. Et cette idée s'est coincée dans ma tête. Ça m’a pris et ça ne m’a pas quitté, nous détaille-t-il. J’ai essayé de réfléchir à la manière de peindre, pour fusionner de manière esthétique la peinture et la danse."
Je cherche à saisir l’empreinte et l’énergie des gestes hip-hop.
Kanti, artiste
Kanti entre ensuite dans le monde du travail, mais perd son emploi pendant l'épidémie de Covid-19. À ce moment-là, il décide de sauter le pas pour se consacrer à 100% à son art en pleine mutation. Il fait des essais, tente plusieurs procédés, plusieurs matières et peaufine petit à petit sa technique avec l'objectif clair de réaliser une véritable cartographie graphique du mouvement breakdance. "J’ai appris de manière autodidacte. J’avais déjà vu des danseurs qui peignaient en dansant. Ça ne me plaisait pas trop. Je voulais une pratique qui s’approche un peu du graffiti. Au début, j'ai collé des éponges sur des chaussures. Et cherchant, je suis tombé sur des sortes de chaussons serpillères, et je me suis dit que c’était exactement ce dont j’avais besoin, comme des pinceaux pour pieds. Je trempe ça dans l’encre. Et je peux les nettoyer et les réutiliser", précise le Franc-Comtois qui vit désormais à Montreuil, en Seine-Saint-Denis.
Vers un art collaboratif
Il s'inspire aussi des kanjis, ces signes issus des caractères chinois dont le rôle est d'écrire une partie de la langue japonaise. Grâce à son travail, il écrit petit à petit la langue du breakdance et se fait remarquer sur les réseaux sociaux, notamment son compte Instagram sur lequel il partage son travail et les différentes étapes de la réalisation de ses toiles. "C’est comme si ma danse à moi avait une forme de système graphique bien à elle. Quand on parle d’écriture on parle aussi de mémoire et d’héritage qui va derrière", poursuit-il. Ses oeuvres portent le nom des figures réalisées pour les faire naître.
Kanti a déjà collaboré avec Joker Yudat, un danseur renommé. Ce type de projets collaboratifs est particulièrement intéressant pour le Bisontin : "C’est vraiment le truc vers lequel j’aimerais tendre, travailler avec d'autres danseurs et danseuses pour cartographier leurs propres figures". Son travail suscite de plus en plus d'intérêt. Il a tapé dans l'oeil des programmateurs de Spot24, un lieu d'exposition dédié aux cultures urbaines, créé à l'occasion des Jeux Olympiques 2024, à quelques pas de la Tour Eiffel. Certaines de ses oeuvres y sont exposées. Une belle reconnaissance pour l'artiste.
L'une de ses plus grandes fiertés est d'avoir réussi à ne pas dénaturer le hip-hop pour l'adapter à la toile. "J’ai trouvé le juste milieu entre art visuel et danse et l’un ne prend pas le pas sur l'autre", analyse-t-il. Et de conclure, en guise de souhait pour le futur : "J’aimerais emmener l’art et la peinture ailleurs que dans un musée, là où on ne l’attend pas trop. Et emmener des battles et le hip-hop là où on ne l'attend pas non plus". La direction prise est sans aucun doute la bonne.