La municipalité de Besançon (Doubs) va bientôt retirer son nom à l'abri de nuit des Glacis qui accueille les sans domicile fixe. 24 femmes accusent l'Abbé Pierre de violences et d'agressions sexuelles "entre la fin des années 1970 et 2005".
C'est une adresse discrète. On peut y accéder seulement par un escalier en pierre le long de l'avenue Edgar Faure à Besançon (Doubs). La Maison Abbé Pierre est un abri de nuit. Il est ouvert toute l'année, 7 jours sur 7 et offre un hébergement d'urgence pour une ou plusieurs nuits. Géré par le Service d'Aide et d'Accompagnement Social du CCAS de Besançon, il dispose d'une capacité d'accueil de 30 places pour hommes, femmes, couples sans enfant, sans domicile stable ou fixe.
Mais l'endroit va bientôt perdre son nom. Face aux révélations récentes d'agressions sexuelles commises par l'Abbé Pierre, impossible pour la majorité municipale de ne pas réagir. "La municipalité de Besançon est très impliquée depuis de nombreuses années dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, c'est pourquoi il nous est impossible de passer outre ces nombreuses accusations dénoncées par l'association Emmaüs elle-même", précisent les élus dans une déclaration publiée ce mardi 10 septembre 2024 dans la soirée. L'abri de nuit sera donc débaptisé "très prochainement", indiquent-ils.
"C'est un homme qui a berné tout le monde"
"Il n'est pas question qu'on continue à mettre le nom de cet homme comme une référence, explique à France 3 Franche-Comté Anne Vignot, maire EELV de Besançon. Aujourd'hui les affaires ressortent mais c'est depuis les années 50 qu'il a été identifié comme un homme pervers." Et pour l'élue, cette décision sera bien accueillie par les habitants.
C'est un homme qui a berné tout le monde, un homme qui a voulu se faire passer pour un saint. Donc je crois que là, il n'y a aucune ambiguité. Chacun verra qu'il est absolumment urgent de remettre la vérité où elle se trouve.
Anne Vignot, maire EELV de Besançon (Doubs).
La ville de Besançon n'est d'ailleurs pas la seule à s'émouvoir. Partout dans l'Hexagone, des places, écoles, avenues ou statues qui portaient le nom de l'abbé Pierre sont aujourd'hui montrées du doigt. Dans la région, la petite commune de Norges-la-Ville près de Dijon (Côte-d'Or), où est implantée une vaste antenne de la communauté Emmaüs, avait notamment érigé une statue en hommage à l'abbé Pierre en 2013. La mairie veut aujourd'hui la déposer.
Des victimes qui accusent
Le 17 juillet 2024, la Fondation Abbé-Pierre, Emmaüs International et Emmaüs France ont révélé l'affaire dans un communiqué L'abbé Pierre est accusé de violences sexuelles par plusieurs femmes. Les faits dénoncés ont été commis "entre la fin des années 1970 et 2005". Emmaüs France dit avoir mandaté un cabinet d'experts après un signalement en 2023. Dans son rapport d'enquête, ce cabinet mentionne au total "7 personnes faisant état de violences subies par des femmes de la part de l'abbé Pierre". L'une d'elles "était mineure au moment des premiers faits".
Le 6 septembre dernier, 17 nouvelles femmes ont à leur tour brisé le silence et dénoncé l'abbé Pierre. Ce qui porte à 24 le nombre de potentielles victimes identifiées depuis le début de l'été. Elles décrivent des faits de harcèlement sexuel, d'agression et de viols. "(...) a dû assister à des masturbations de l'abbé Pierre et a été forcée à réaliser des fellations. (...) L'abbé Pierre l'aurait également fouettée ou se fouettait devant elle avec une ceinture", peut-on lire parmi ces témoignages. Les agissements touchent des bénévoles, des salariés et même des enfants. Une enfant de 8 à 9 ans aurait subi à plusieurs reprises "des contacts sur son torse, des baisers forcés".
On lui reproche également d'avoir menacé de représailles, celles et ceux qui auraient voulu en parler de son vivant. La fondation Abbé Pierre a annoncé vouloir changer de nom. L'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, est mort en 2007 à 94 ans.