Accusé d'agressions sexuelles et d'un viol digital par une femme placée chez lui dans son enfance, un homme de 70 ans a été mis en examen ce 14 novembre. Ses deux frères aînés étant poursuivis ou condamnés par la justice pour des faits similaires et mariés eux aussi à des assistantes maternelles, le parquet de Besançon s'interroge sur des connexions de la fratrie.
Combien de personnes ont pu être agressées par ces trois frères septuagénaires, tous résidents près de Besançon ? "C'est un dossier particulier, (...) qui défie les lois de la statistique," confie le procureur de la République de Besançon Étienne Manteaux ce 17 novembre, alors qu'une information judiciaire s'est ouverte cette semaine à l'encontre du plus jeune de ces frères pour des violences sexuelles. Le parquet lance un appel à témoins pour retrouver d'éventuelles victimes de cette fratrie, dont les compagnes avaient toutes en commun d'accueillir de jeunes enfants à leurs domiciles.
Le cadet
Tout a démarré en mars 2021. Une première enquête visant le frère cadet est ouverte "suite aux dénonciations de collégiennes et de lycéennes qui ont rapporté avoir été agressées sexuellement au domicile de leur assistante maternelle" à Saône (Doubs) lorsqu'elles étaient enfants, gestes perpétrés par le mari de celle-ci entre 2004 et 2020. Les gendarmes de Tarragnoz identifient neuf victimes de cet homme aujourd'hui âgé de 73 ans, mais trois de ces délits s'avèrent finalement prescrits.
Initialement placé sous contrôle judiciaire, le septuagénaire a été finalement écroué car les enquêteurs ont découvert qu'il continuait d'accueillir à son domicile ses petits-enfants. Jugé en correctionnelle à Besançon en juin 2023, procès au cours duquel il a reconnu l'intégralité des faits, il a écopé d'une peine de 5 ans de prison ferme. Les six victimes portées parties civiles au procès étaient alors âgées de 6 à 12 ans.
L'aîné
Selon les mots du ministère public, "La pugnacité des gendarmes de Tarragnoz" leur ont ensuite permis de recueillir des accusations similaires à l'encontre du frère aîné, grâce à des recherches pointilleuses menées dans l'environnement familial. Entendu en 2021, le fils de cette homme de 78 ans confie avoir été victime de violences sexuelles par son père dans son enfance, faits pour lesquels il avait porté plainte en 2017 mais qui s'étaient révélés sous prescription.
Huit victimes sont reconnues, à la fois au sein de la famille du mis en cause mais aussi - comme son cadet - parmi les enfants gardés par sa compagne dans leur maison de Valdahon (Doubs). Mis face à ces accusations, le septuagénaire tente de mettre fin à ses jours. Pris en charge et soigné, il reconnaît bien avoir agressé ces huit victimes.
Le benjamin
L'enquête se relance en 2023 "grâce à un nouveau témoignage, celui d'une femme incriminant le troisième frère", âgé de 70 ans, rapporte Étienne Manteaux. Placée de ses 18 mois à ses 16 ans dans la famille de ce frère benjamin à Arguel (Doubs), cette femme déclare aux gendarmes avoir été "victime de violences sexuelles" et "d'une pénétration sexuelle digitale" à l'âge de 13 ans, en 1995. L'homme, mis en examen, reconnaît les agressions mais pas le viol. Or, selon la législation, les agressions sont prescrises et seul le crime - en l'occurence le viol - peut être retenu par la justice à son encontre.
Mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, le plus jeune des sept frères raconte qu'il fut violenté sexuellement dans son enfance par un prêtre et des garçons plus âgés alors qu'il était pensionnaire d'une institution catholique à Villers-Saint-Martin (Doubs). L'enquête se poursuit pour comprendre le mode d'action de ces trois frères, qui réfutent une éventuelle connexion.
Ce sont trois frères qui ont le même fonctionnement familial, avec chacun une épouse assistante maternelle. C'est un dossier qui défie les lois de la statistique.
Étienne Manteauxprocureur de la République de Besançon
Le parquet lance un appel à témoin pour retrouver d'autres victimes, notamment parmi les dizaines d'enfants acceuillis chez le troisième couple à Arguel puis Saône. "Le fait de parler est essentiel, la parole est puissamment libératrice," assure le ministère public. Même si les faits sont susceptibles d'être prescrits "et qu'on ne peut ainsi se porter partie civile à un procès, les victimes peuvent être citées comme témoin devant une cour. (...) C'est important pour la manifestation de la vérité."
Si vous détenez des informations sur cette affaire, n'hésitez pas à contacter la brigade de gendarmerie de Besançon-Tarragnoz au 03 81 81 32 23.