Début décembre, un quinzaine de policiers vont prendre leur service au commissariat de Planoise à Besançon. Ce quartier est l'un des 15 premiers secteurs en France instaurant une "Police de sécurité au quotidien". Un travail qui sera évalué par des universitaires.
C'est assez rare pour être souligné. Les policiers de la Sécurité publique du Doubs se sont adressés à des universitaires pour évaluer leur travail. Deux ans d'enquête de terrain, d'animation de groupe d'échanges, de restitution menée par des étudiants en master de sociologie et anthropologie sous la direction de Lucie Jouvet Legrand, Maître de Conférences à l'Université de Franche-Comté.Une enquête centrée sur la mise en place de la Police de sécurité du quotidien, promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Pour l'instant, cette police est déployée dans quinze secteurs en France et bénéficie de renfort. En mai 2018, nos confrères avaient rencontré des syndicats de policiers qui avaient confié leur scepticisme vis à vis de ce nouveau dispositif.
Dans un article du Monde de février 2018, l'ancien ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, affirmait sa volonté d'"insuffler « un nouvel état d’esprit » parmi les forces de l’ordre." Une « reconquête républicaine » citée aujourd'hui par le préfet du Doubs Joël Mathurin.
précise le préfet lors de la conférence de presse organisée conjointement avec l'Université de Franche-Comté."Si nous voulons tenir cette promesse républicaine de la sécurité pour tous et partout, nous avons l'humilité de nous soumettre à une politique d'évaluation"
Qui est le mieux placé pour cette évaluation? Un travail délicat car il peut remettre en cause certaines pratiques professionnelles. Si Benoit Desferet, directeur de la Sécurité publique dans le Doubs, s'est adressé au LASA, le laboratoire de sociologie et d'anthropologie, c'est bien pour avoir un regard extérieur. "Sans préjugés" précisent les étudiants en master qui devraient mener ces recherches. Le volet anthropologique du laboratoire a retenu toute l'attention des policiers. L'anthropologie est une science complète qui permet d'analyser les comportements humains.
Comment va être menée cette étude ? Dès janvier, les étudiants et leur directeur de recherches vont commencer par recueillir la parole des habitants de Planoise, des commerçants, des enseignants, des policiers, des élus municipaux, des gardiens d'immeubles... La liste n'est pas exhaustive. Une forme d'état des lieux sans à priori qui prendra six mois. L'objectif est d'élaborer deux à trois scénarii de crise qui font référence à des actes d'incivilités ou de délinquance. Le rodéo urbain, le squat des cages d'escaliers peuvent faire partie de ces scénarii mais rien n'est défini, cela dépendra du contenu des entretiens.
La deuxième phase de ce travail va durer un an. Là, il s'agit de constituer des groupes de six à huit participants. L'objectif est de confronter les comportements en cas de crise. Quelle est la logique d'actions de chacun ? Comment réagissent-ils dans telle ou telle circonstance ? Comment les réflexes et les logiques professionnelles vont se confronter en cas d'incivilités ou d'actes de délinquances ?
La dernière phase de travail est prévue sur six mois. L'expérimentation sera rendue publique. Il s'agira aussi de mesurer le degré d'adhésion des publics au dispositif de cette Police de sécurité au quotidien. Des "fiches actions" seront établies pour guider les pratiques futures et ainsi améliorer les réactions en situation de crise.
Pour les étudiants, cette étude est particulièrement intéressante pour leur parcours universitaire. Ils sont dans le concret. Pour les chercheurs, c'est l'occasion de montrer l'utilité de leurs travaux pour la société. Pour la police, c'est un gage de volonté d'amélioration de leurs pratiques. L'expérience est unique en France. Dans les autres secteurs où la Police de sécurité du quotidien interviendra en France, il n'est prévu que de simples questionnaires.