PORTRAIT. Qui est Anne Vignot, la nouvelle maire écologiste de Besançon ?

A 60 ans, Anne Vignot devient la première femme maire de Besançon. Elle est aussi la première écologiste à diriger la capitale comtoise. Portrait d'une élue atypique, venue sur le tard à la politique. 

Personne ne l’a vu venir. Ou si peu… Anne Vignot est la nouvelle maire de Besançon. C'est la première fois qu'une femme prend la tête de la cité comtoise de 115 000 habitants. 

Quand Anne Vignot se déclare candidate « pour un projet écologiste à Besançon », sur France 3 Franche-Comté, le 10 septembre 2018, l’adjointe à l’environnement n’est guère prise au sérieux, tant par ses partenaires de gauche que par les médias locaux, qui pour certains mettront plusieurs mois à prendre en compte cette « envie d’être candidate » et à inclure Anne Vignot dans la liste des prétendants à la succession de Jean-Louis Fousseret.

Pourtant, en sortant du bois à un an et demi du scrutin, Anne Vignot pose d’emblée les conditions de sa future victoire: une « équipe digne de ce nom », qui pourrait aller, espère-t-elle alors, de la France insoumise au Parti socialiste.
 

La géographe veut surtout redessiner la carte de la gauche à Besançon, et en finir avec « l’hégémonie d’un socialisme assez archaïque dans sa façon de penser la ville ». Une ville dirigée par le PS et son ancêtre la SFIO de 1953 à 2017, quand l’actuel maire Jean-Louis Fousseret rallie Emmanuel Macron et quitte le parti à la rose.

Rapidement, le PCF, lui aussi membre de la majorité sortante « gauche plurielle », et le collectif « A gauche citoyens » topent avec Anne Vignot et lui apportent de providentielles forces militantes. Génération.s, le parti de Benoît Hamon et de l’ex-députée Barbara Romagnan, figure de la gauche à Besançon, rejoint le mouvement à son tour, tandis que La France insoumise décide de faire cavalier seul.

L'union aux forceps avec le PS

L’union décisive se réalisera aux forceps, à l’automne 2019, quand le Parti socialiste, qui voulait présenter un autre adjoint, Nicolas Bodin, se rallie bon gré mal gré.

Les résultats des élections européennes sont passés par là: en juin 2019, Yannick Jadot arrive deuxième dans la capitale comtoise à 18,6%, quand le PS et la liste de Raphaël Glucksmann plafonnent à 7,7%. Le principe de réalité l’emporte. Divisée, la gauche aurait à coup sûr été laminée aux municipales. Rassemblée autour d’Anne Vignot, elle peut à présent espérer.
 

Une fille d’ouvrier jurassien

Anne Vignot est née en février 1960, à Dole dans le Jura. Un père ouvrier chez Solvay, une mère au foyer et une famille nombreuse. La petite Anne a trois soeurs et un frère. Chez les Vignot, on considère que "si on est une fille et qu'on devenait secrétaire chez Solvay, c'était déjà une réussite sociale." Quand sa mère a découvert qu'elle rentrait dans un laboratoire de recherche, "elle a trouvé ça surréaliste". Et en politique ? "Hyper surréaliste" raconte Anne Vignot dans un large sourire.

Une fois le baccalauréat en poche, elle part faire ses études à Besançon. Elle ne quittera plus la capitale comtoise. D’abord du droit, puis de la géographie. Après la fac, elle intègre le CNRS, comme simple cartographe au départ. Elle est aujourd’hui ingénieur de recherche.
Au Centre national de recherche scientifique, elle étudie notamment l’aménagement du territoire à l’époque gréco-romaine au Proche-Orient, ce qui lui permet de voyager à une douzaine de reprises en Syrie. Elle y emmène son fils, qu’elle élève seule. Elle nous raconte fièrement qu’il voulait travailler dans l’humanitaire, et qu’à 32 ans, il est aujourd’hui pédiatre dans un hôpital de Seine-Saint-Denis.

Anne Vignot découvre tardivement l’engagement politique. Après un travail sur les tourbières, elle s’investit dans des associations de défense de l’environnement. Elle prend la présidence du Conservatoire régional des espaces naturels en 1998. En 2006 elle devient directrice du jardin botanique de Besançon.

Un parrain en politique: Eric Alauzet

C’est en 2009 qu’un certain Eric Alauzet vient chercher la militante associative pour les élections régionales de 2010. Eric Alauzet est alors un pilier de l’écologie à Besançon. Deux ans plus tard, il devient même député EELV. Rallié à La République en marche, le médecin siège toujours au Palais Bourbon. Il était l’un des adversaires d’Anne Vignot dans cette municipale 2020.

Toujours est-il qu’Anne Vignot accepte, à 50 ans, d’être investie tête de liste départementale pour les élections régionales. La liste est menée par Alain Fousseret. Elle décroche son premier mandat.

En 2014, nouvelle campagne électorale. Nouveau scrutin de liste. Toujours avec Eric Alauzet. Les écologistes sont alliés dès le premier tour à Jean-Louis Fousseret, en quête d’un troisième mandat de maire de Besançon. Anne Vignot figure en 4e position sur la liste d’union de la gauche. Elle devient adjointe en charge de l’environnement. En 2018, Besançon est sacrée capitale française de la biodiversité. Et Anne Vignot pense déjà à la suite.

Comme elle est pugnace, on sait qu'elle ne lâchera rien.

Cécile Prudhomme, secrétaire régionale EELV

« Elle est un peu autoritaire. Mais pas autoritariste ». Voilà ce que répond sans détour Cécile Prudhomme, principale collaboratrice d’Anne Vignot, quand on lui demande le premier trait de caractère de la nouvelle maire de Besançon. Celle qui est aussi secrétaire régionale du parti le dit franchement: "On ne s'est pas dit 'elle a les dents qui rayent le parquet, ça lui irait bien le rôle de maire'. Par contre, on s'est dit 'elle a les épaules pour encaisser le choc. Et comme elle est pugnace, on sait qu'elle ne lâchera rien. Donc on est content chez EELV d'avoir un maire qui lâche rien."

Une candidate nature et de gauche

Si certains à Europe Ecologie-Les Verts se sont déportés vers le centre ces dernières années, Anne Vignot assume son ancrage à gauche. "Oui je suis une femme de gauche, je ne conçois pas une société qui ne soit pas pleinement solidaire", nous explique-t-elle au mois de février, lors de la venue à Besançon de Yannick Jadot, qui prône régulièrement le dépassement du clivage gauche/droite. La société se doit de porter un soin particulier aux pus vulnérables. L'écologie, dans son fondement, a toujours eu cette attention particulière".
 

Du côté des partenaires de gauche, les doutes, instillés perfidement lors des négociations (« elle n’a pas les épaules », « elle ne connaît pas les dossiers »…), sans que l’on sache s’ils auraient été aussi féroces pour un concurrent masculin, sont semble-t-il levés.
 

Anne a réussi à faire cette alliance-là, et c'est sa très grande victoire

Nicolas Bodin, chef de file du Parti socialiste aux municipales à Besançon



"Le fait d'être à la fois une femme, une écologiste, et à la tête d'une allliance de gauche, c'était la bonne combinaison. Anne a réussi à faire cette alliance-là, et c'est sa très grande victoire", reconnaît Nicolas Bodin, le chef de file du parti socialiste pour ces municipales. Christophe Lime, adjoint communiste sortant et artisan de l'alliance de gauche, complète: "Les premières femmes en politique se sont imposées un peu comme des hommes. Elles avaient les travers des hommes. Aujourd'hui, les femmes arrivent sur d'autres façons de faire, moins abrupte, moins violente".

Une chose est sûre: si Anne Vignot a gagné, c’est aussi grâce à son style détonnant. Car dans le petit monde politique, la personnalité de la nouvelle maire de Besançon tranche: les punchlines, très peu pour elle. L’élue a parfois du mal, c’est un euphémisme, à synthétiser sa pensée. Mais elle renvoie une image de sincérité, de fraîcheur et de spontanéité qui a séduit une majorité de Bisontins.

Un naturel que la tête de liste de "Besançon par nature" n’a pas voulu forcer pour devenir maire. C’est peut-être, finalement, son meilleur atout.
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