La condamnation de l'Hôpital de Besançon pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui" à la suite d'exposition à l'amiante est maintenue par la Cour de cassation. Seules les demandes de constitutions de partie civile du CHST et de l'ANDEVA, accordées en appel, sont cassées.
C'est une décision définitive qui devrait faire jurisprudence. C'était la première fois en France qu'un établissement public était poursuivi pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui" dans une affaire d'amiante et c'est la première fois qu'un tel procès va jusqu'à la juridiction ultime. Il aura fallu onze ans de procédures pour parvenir à cet arrêt de la Cour de cassation.
Selon l'avocat de la CFDT et de l'ANDEVA, M°Michel Ledoux, les tribunaux commencent à avoir la même attitude que cela soit pour des entreprises du privé ou du public.
"Cela lance un message à destination du milieu hospitalier. Les règles d'hygiène et de sécurité doivent être respectées y compris par les administrations publiques."
La décision de la Cour d’appel de Besançon de condamner l'hôpital à 40 000 euros d'amende avec sursis est donc confirmée par les magistrats parisiens. Les juges de la Cour d'appel avaient eux-mêmes confirmé la décision du tribunal correctionnel. Les trois juridictions ont donc donné raison à la cinquantaine de plaignants, des salariés du CHRU exposés à l'amiante entre 2009 et 2010 3 lors du chantier de mise en sécurité de la tour Minjoz.
Onze années de combat
En revanche, la Cour de Cassation prend la même position que le tribunal correctionnel de Besançon qui n'avait pas jugé recevables les constitutions de partie civile du CHST et de l'association ANDEVA, Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante. Les magistrats de la Cour d'appel avaient eux, estimé recevables ces constitutions de partie civile. Selon la Cour de cassation, "L'exercice de l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par ces textes."
Pour les agents de l'hôpital de Besançon, cette 3e décision est une victoire. Pascal Hudry, salarié plaignant, adhérent CFDT et membre du CHSCT à l'époque est particulièrement ému par cette décision de justice.
"Cela fait onze ans que l'on attend ! C'est une décision historique qui valide notre analyse d'il y a onze ans sur les erreurs de conduite du chantier de désamiantage. C'est aussi une reconnaissance de nos méthodes de travail pour mener à bien un combat juridique."
De 2009 à 2013, syndicats et CHSCT n'ont eu de cesse de dénoncer l'exposition des plombiers, électriciens, personnels de maintenance et femmes de ménage qui intervenaient sur le chantier de mise en sécurité de la tour Minjoz.
Les analyses réalisées par les enquêteurs feraient état de doses 80 fois supérieures à la norme tolérée. Aujourd'hui, un seul agent de l'hôpital souffre d'un cancer du à l'exposition à l'amiante et cela n'a pas été dans le cadre des travaux mentionnés par les procédures judiciaires. Le désamiantage des bâtiments de l'hôpital n'est toujours pas achevé.
Le préjudice d'anxiété devant le tribunal administratif
Cet arrêt de la Cour de cassation va leur permettre de poursuivre leur action devant le tribunal administratif car en tant qu'agents administratifs, ils doivent se tourner vers cette juridiction pour l'obtention d'indemnisation en tant que victimes.
Selon l'avocat de la CFDT et de l'ANDEVA, M°Michel Ledoux,
"L'amiante et les maladies qu'elle provoque font environ 3000 morts par an. Ces maladies liées à une exposition à l'amiante peuvent survenir chez des personnes jusqu'à quarante ans après avoir été exposées à ces poussières extrêment fines. C'est pourquoi, les procédures d'indemnisations des victimes se basent sur une demande de réparation du préjudice d'anxiété"
Les avocats des salariés du CHRU exposés à l'amiante espèrent que cette condamnation définitive de l'établissement public va accélerer la procédure devant le tribunal Administratif. L'avocat de la direction de l'hôpital, M°Pierre-Yves Fouré, se tourne également vers le futur mais en rappelant la poursuite des travaux de désamiantage jusqu'en 2024.
"Le CHU veut poursuivre les actions engagées aux côtés des équipes pour repenser la prise en compte du risque amiante. La condamnation à une amende de 40000 euros avec sursis correspond à une époquee ancienne (2009-2013). La préoccupation majeure de l'hôpital est d'améliorer les opérations de désamiantage".
Il reste encore à désamianter 20% des bâtiments concernés par ce désamiantage. Un lourd budget pour l'hôpital de Besançon.