Procès Schwerdorffer : la boîte de Pandore de la justice ?

Un tête-à-tête d’une poignée de minutes entre Randall Schwerdorffer et la mère de Jonathann Daval a provoqué la colère du procureur de la République. Me Schwerdorffer est poursuivi pour violation du secret de l’instruction. Analyse.

« Je ne fuis pas le débat, bien au contraire : j’ai très envie qu’il se tienne, et le plus vite possible ! » Coutumier des plaidoiries habitées, Me Randall Schwerdorffer ne cache pas son impatience d’en découdre et d’engager « un débat d’intérêt public : celui de la liberté d’expression de l’avocat dans une société démocratique. » 

Le 7 décembre dernier, à l’occasion d’une pause cigarette lors de la confrontation marathon entre son client Jonathann Daval et la belle-famille de ce dernier, il échange quelques mots avec la mère du mis en examen sur le parvis du palais de justice. Un moment capturé par les objectifs de tous les medias présents ce jour-là. Un tête-à-tête d’une poignée de minutes qui provoque la colère du procureur de la République.
 
Quelques instants plus tard, Martine Henry, la maman de Jonathann, est raccompagnée manu militari sur le trottoir d’en face par le service de sécurité du palais. C’est assise sous l’abri bus qu’elle attendra de longues heures durant des nouvelles de son fils. C’est là qu’elle apprendra de la bouche des journalistes qu’il est passé aux aveux.
 

"Je ne leur ai pas répondu"


Que s’est-il donc dit ce jour-là qui mérite procès ? Le pénaliste bisontin recadre lors d’un entretien qu’il accorde à France 3 le 28 janvier dernier : « Je n’ai parlé qu’à la mère de Jonathann Daval. C’est elle qui est venue me voir, qui m’a demandé comment allait son fils. Je lui ai répondu. J’ai été sollicité par quelques journalistes qui étaient sur place : je ne leur ai pas répondu. Et surtout, je n’ai pas dit ce qui était essentiel dans le cadre de cette confrontation, qu’il y avait eu des aveux ! »

L’avocat reconnaît avoir évoqué les pleurs de son client, la photo du chat présentée par la mère d’Alexia, mais rien de plus. « Parler de l’état émotionnel de son client, y compris dans le cadre d’une confrontation, est quelque chose de très habituel. Ca ne touche pas au fond de l’affaire, à la qualité de l’enquête ni à la manifestation de la liberté. »

Joints par téléphone, les deux conseils choisis par Me Schwerdorffer pour le représenter promettent un grand moment à la barre.
 


Son avocat dénonce un procès « gravissime »


Pour Me Antoine Fittante du barreau de Metz il ne s’agit rien moins que de défendre le devoir d’humanité et la liberté d’expression de l’avocat, et à travers lui de ses 65 000 confrères français. Il dénonce un procès « gravissime » qui touche aux libertés fondamentales et cite d’emblée une décision du Conseil Constitutionnel en date du 2 mars 2018. Les 9 sages avaient alors reconnu aux parties, et donc à la défense, le droit de communiquer des informations sur le déroulement d’une enquête ou d’une instruction. Un texte qui sonne du même coup la fin du monopole de la parole détenu jusqu’à présent par le parquet. Un usage de préséance que la France semble être le seul pays d’Europe à pratiquer. Et Me Schwerdorffer de souligner malicieusement que le seul pays à faire de même n’est autre que la Russie…

Me Jean-Baptiste Euvrard, avec qui Randall Schwerdorffer a travaillé de nombreuses fois, n’est pas moins disert. « Le ministère public n’a pas à se faire comptable des propos d’un avocat qui exerce la défense. » Il est formel, après avoir longuement fouillé dans la jurisprudence avec son confrère, à sa connaissance, « jamais un procureur n’avait jusqu’à présent cité un avocat sur ce motif. »

Une première qui, bien loin de museler un avocat aguerri et atypique, pourrait ouvrir une véritable boîte de Pandore pour la justice. Les débats, qu’ils aient lieu à Lons-le-Saunier ou dans une autre juridiction promettent d’être pointus et passionnants.
 
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