La fonte des glaciers s’accélère à cause du dérèglement climatique, et les conséquences sont multiples. Alors que la COP 27 s'est ouverte le 6 novembre 2022, Florian Tolle, chercheur, spécialiste des glaciers de l'hémisphère nord, décrypte ce bouleversement environnemental.
Au Nord de la Norvège, les reliefs bleutés s’entrechoquent. Les grands glaciers rencontrent les fjords et se mêlent à l'horizon. Un paysage typique du monde arctique, que parcourt Florian Tolle. Ce chercheur au laboratoire Théma à l'Université de Franche-Comté, spécialiste des glaciers arctiques, observe de près ceux de l'île norvégienne du Spitzberg ou Svalbard.
"Nous évaluons le bilan de masse des glaciers chaque année", explique Florian Tolle. A l’aide d’une foreuse à vapeur, lui et ses collègues plantent des piquets en plastique dans la glace. Des balises permettant d’indiquer le niveau, et donc de mesurer la fonte des glaciers. Ces données sont ensuite transmises au GIEC.
Plus de glaciers dans les Pyrénées d'ici 2050
"La mer gèle de moins en moins, les glaciers reculent", commence-t-il. En Norvège, comme ailleurs, la fonte des glaciers est alors visible. D’ici 2050, ils risquent même de disparaître dans les Pyrénées et les Alpes françaises. Une suite logique du réchauffement climatique, d’après le scientifique : "Ces huit dernières années ont été très chaudes, avec des anomalies de température élevée."
La conséquence, c’est qu’il y a aussi beaucoup moins de neige. "Et s’il y a peu de neige au printemps, alors peu de glace se reconstituera l’été, reprend le scientifique. Car la neige compactée, en fondant, construit aussi les glaciers. Cela concerne bien les Alpes, que l’Arctique, etc." Un changement de météo qui a un impact plus profond : "C’est une absence difficile à maintenir. La neige protège aussi la glace ancienne, qui, elle, met plus de temps à se reconstituer."
"On s’est toujours habitués à voir des glaciers."
Arriverons-nous alors dans un monde sans glaciers ? "Il faudra vivre sans", répond Florian Tolle, sans équivoque. Les conséquences à l’échelle locale seraient alors multiples : "Outre le niveau des océans, la végétation reprendra ses droits sur les zones délaissées par les glaciers, détaille-t-il. Le régime hydraulique des vallées sera également changé, des lacs apparaîtront, ce qui pourra avoir un impact sur les populations dépendantes des glaciers. Pour les montagnes alentours, il pourrait y avoir des éboulements liés à la fonte de certaines couches de glace, ce qui changerait la morphologie des paysages." Une perspective qui reste difficile à imaginer, cependant. Le chercheur l’explique : "On s’est toujours habitués à voir des glaciers."
Leur disparition aura alors une portée symbolique, comme un témoin tangible du dérèglement climatique. "Les fluctuations des glaciers répondent toujours aux fluctuations du climat. Aujourd'hui, nous sommes dans une période interglaciaire, et contrairement à l’âge de glace, nous ne sommes pas dans un moment de formation de glaciers", explique le chercheur. Ces dernières années forment cependant une exception : "C’est la première fois que la disparition des glaciers est causée par nous, humains, et la première fois qu’elle s'effectue aussi vite."
Quid de la COP 27 ?
Pour freiner cette fin des glaciers, "chaque pas compte", rappelle le maître de conférences. La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 27) pourrait-il permettre d’avancer dans ce sens ? "Je ne sais pas. La trajectoire du monde est chaotique, se désole Florian Tolle. Dans toutes nos décisions, avant de s’inquiéter de l’argent, de l’inflation, on doit garder en tête le dérèglement climatique : l’argent qui ne sera pas investi pour l’adaptation au climat, ne se rattrapera plus" Avant de conclure : "Même si demain, on trouvait une ressource d’énergie infinie, cela resterait destructeur pour l’environnement car nous puisons aussi des ressources limitées comme l’eau. Nous avons un mode de consommation cannibale."