Anne de Chardonnet a commencé sa vie dans l'ombre de son père, le comte Hilaire de Chardonnet, connu à Besançon pour son rôle dans la création de la soie artificielle. Mais elle s'impose ensuite comme sculptrice et figure de la haute noblesse.
France 3 Franche-Comté et dans la Boucle productions mettent en lumière les femmes illustres de Besançon et de ses environs dans la série Besançon la Féminine. Certains noms sont plus évocateurs que d'autres, mais toutes ces femmes ont une histoire, que nous conte Dan Nicolle. Un voyage sur les traces de dix femmes exemplaires qui ont marqué la capitale du Doubs.
Texte d’Alexandre Perret-Gentil (Dans la Boucle productions)
Une famille reconnue à Besançon
Si le nom du comte Hilaire de Chardonnet est connu des Bisontins pour son rôle dans la création de la soie artificielle, à l'origine de l'épopée de la Rhodiaceta, c'est sûrement grâce au spectaculaire mémorial que Besançon lui a consacré. Il est planté à l'angle du Pont de la République et de l'Avenue d'Helvétie, à l'ombre d'arbres aussi vénérables que lui. Ce bassin monumental participe à l'ambiance art déco du quartier, de son charme légèrement anachronique.
Avec ses favoris larges comme des nageoires de phoque, ses bonnes joues et son regard distrait, Monsieur le comte a des airs de bon papy. Comme si l'auteur de ce buste avait eu de la tendresse pour son modèle. Un fait en réalité évident, puisque cette sculpture n'est autre que l’œuvre d'Anne de Chardonnet, la propre fille du comte.
Sculptrice et figure de la haute noblesse
Si les Chardonnet participent de la plus haute aristocratie durant la Restauration, si l'épouse du comte Hilaire, Marie-Antoine Camille de Ruolz-Montchal, appartient elle-même à la noblesse ardéchoise, la petite Anne n'entend pas se contenter du beau mariage que son milieu attend d'elle. Comme son oncle Léopold de Ruolz, professeur à l'École des Beaux-Arts de Lyon, Anne se passionne pour la sculpture. Ce dernier décèle le talent de sa nièce et l'encourage dans cette voie. Face aux réticences d'un milieu où le conformisme est un impératif moral, l'appui de l'oncle Léopold n'est pas de trop.
Mais le talent d'Anne s'impose peu à peu, et son père devient même son meilleur ambassadeur. Dans toutes les succursales du groupe industriel qu'il est en train de bâtir trône son buste, créé par la main de sa fille. Bientôt reconnue par ses pairs, Anne installe son atelier en Isère, dans le château du Vernay. La consécration lui vient en 1911, quand son travail est admis au Salon des artistes français de Paris : un cadre dont elle deviendra une habituée jusqu'en 1926. Cet événement artistico-mondain est le cadre idéal pour Anne de Chardonnet, à la fois sculptrice académique et figure de la haute noblesse.
Si on a pu moquer l'esthétique d'un art "pompier", par ironie pour la taille des casques que doivent supporter les héros dans ce genre d'œuvre, un art effectivement conventionnel et complaisant avec le goût de son public conservateur, il serait injuste de minimiser les talents techniques et les risques courus par cette jeune femme que la fortune de son père ne mettait pas à l'abri des humiliations. Le travail d'Anne de Chardonnet ne la situe pas à l'avant-garde artistique de son époque. Mais sa vocation et la place de choix qu'elle est parvenue à se tailler dans un monde hypermasculin suffisent certainement à l'honorer d'une place éminente dans la course jamais achevée pour le progrès et l’égalité hommes/femmes. Anne de Chardonnet, une vie de femme au service de la beauté.
En apprendre plus sur Besançon
Les 10 épisodes de la série Besançon la Féminine sont disponibles en intégralité sur France.tv.
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