1.600 postes de cadres sportifs sont sur le point de disparaître dans le cadre de la nouvelle politique sportive du gouvernement. Ces postes de fonctionnaires sont mis au service de toutes les disciplines. Ils sont présents sur tout le territoire comme entraîneurs mais pas seulement.
Si ces 1.600 postes venaient à disparaître, ce serait une économie substantielle pour le gouvernement d’Edouard Philippe, mais un coup de masse pour l’avenir du sport français.
La découverte récente d’une probable disparition des cadres sportifs d’Etat voulue par le gouvernement au mois de janvier, permettrait d’économiser 10 millions d’euros par ans sur le budget national. La masse salariale de 1600 emplois pour l’ensemble du territoire serait alors transférée à la charge des fédérations. Ce calcul effectué par Bercy provoque bien des remous dans l’ensemble du milieu sportif déjà très impacté par une baisse constante des subventions et la fin des emplois aidés. Pour certains : « la chronique d’une mort annoncée ».
Quel est le rôle de ces cadres sportifs ?
Ils sont l’interface entre la politique nationale des sports et le monde associatif qui supporte les 13 millions de licenciés recensés aujourd’hui en France. Des cadres techniques, entraîneurs, conseillers, accompagnateurs de projets qui officient à travers toutes les disciplines et toutes les pratiques sportives du pays. Une corporation de « professeurs de sport » spécialisés, née dans les années soixante et significative d’un état d’esprit d’alors, qui démontrait notre volonté d’associer haut niveau et pratique de masse dans un même élan. L’idée que l’on ne pouvait fabriquer des grands champions qu’au travers une politique de recrutement et de développement savamment orchestrée et largement soutenue par l’institution publique. Un modèle envié dans le monde entier et qui avait su faire ses preuves tant sur les podiums internationaux que dans le maillage du territoire par plus de 160 000 clubs sportifs répartis dans une petite centaine de fédération. Une politique d’un « sport d’élite » qui se conjuguait bon an, mal an avec les objectifs de « sport pour tous » et de « sport loisirs » promus indistinctement par les gouvernements successifs depuis près de 50 ans. Un « vœu pieu » pourrait-on dire, ou le « bien-être » et la « santé » s’arrimaient en tandem à « l’action sociale ». Une formule qui avait ses imperfections, mais qui en gros réussissait le pari d’entraîner tout le monde dans la même direction. Un résultat estimable dans un pays où l’activité sportive de tout à chacun ne remporte pas forcément la médaille d’or si l’on se compare aux pays anglo-saxons et surtout scandinaves, les champions toutes catégories de l’activité physique.
La cheville ouvrière du sport français
Ces fonctionnaires aujourd’hui placés sur la sellette par le gouvernement et son vent de réformes tous azimuts, constituent bel et bien la cheville ouvrière de cette administration du sport « à la française ». Des techniciens et des interlocuteurs estimés par les dizaines de milliers d’élus associatifs et de nombreux athlètes qui expliquent ne pouvoir se priver de cette expertise ni de cet accompagnement « professionnel » mis à leur disposition gratuitement sur le terrain. Des dirigeants associatifs locaux qui redoutent surtout devoir payer très cher l’addition, alors que les poches des clubs sont déjà vides depuis longtemps suite à des baisses constantes des aides de toutes sortes. « Très chère » oui ! si ces fonctions sont demain transférées à la charge entière des fédérations et du milieu sportif lui même. Car c’est bien là l’objectif du gouvernement : passer la main aux collectivités locales et au secteur privé, suivant en cela l’exemple anglais. L’obligation pour le milieu sportif de se professionnaliser et de se financer en épousant le modèle économique du secteur commercial. Un choix qui séduit forcément des multinationales du sport parfaitement visibles sur tous les écrans, mais forcément très discutable pour l’avenir des petites structures locales et de disciplines peu représentées ou en marge des grands courants médiatiques. C’est-à-dire la majorité des pratiques sportives. La lutte par exemple se finance en France à 70 ou 80% grâce à l’aide publique.
Est-ce la mort annoncée du sport français ?
Max Tudezca, le vice président de la Fédération Française de Lutte et président du club pugilistique de Besançon insiste : « Pour nous, ce transfert de financements est inenvisageable. Cette volonté de désorganiser aussi vite notre modèle de fonctionnement, c’est la mort annoncée ! ». Même s’il en convient : « Des améliorations, nombreuses, étaient à apporter, et il faut le reconnaître : ces fonctionnaires… ne sont pas toujours à la hauteur des problèmes posés, en particulier depuis la mutualisation des moyens et l’agrandissement des périmètres dus à la fusion régionale ». Un de ces cadres officiant au sein de la Direction régionale des sports de Bourgogne-Franche-Comté, rencontré ces derniers jours, expliquant pour sa part en assumant cette critique : « qu’il devait dorénavant couvrir des distances incompatibles avec sa mission ».
Le dossier de l'hiver pour la nouvelle ministre des sports
Des cadres à qui l’Etat devrait donc proposer bientôt de choisir, entre garder leur statut de fonctionnaire en acceptant une autre affectation, ou choisir d’être réembauchés par les fédérations sous un statut privé. Un ramdam que devra gérer cet hiver la ministre des sports Roxana Maracineanu. L’ancienne athlète vice championne olympique de natation confirmait début septembre : « La publication d’une lettre de cadrage préparatoire au budget 2019 par Matignon, réclamant à son ministère une diminution de 1.600 équivalents temps plein ». Laquelle nouvelle patronne du sport français qui à son tour prescrivait aux dirigeants associatifs de « se responsabiliser en allant eux-mêmes chercher des moyens et en devenant des managers ». Comprenez : Et maintenant, que le milieu sportif se débrouille tout seul lui aussi !