Témoignage. Déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés : "une reconnaissance du handicap" et "un retour à la liberté" pour les femmes

Publié le Écrit par Mélanie Philips
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Après un combat épineux et long de plusieurs années, l'allocation aux adultes handicapés va enfin changer, avec la déconjugalisation de l'AAH, le mode de calcul change pour les bénéficiaires en couple. Explications et témoignage.

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À compter du 1ᵉʳ octobre 2023, les choses vont changer pour les 270 000 personnes en situation de handicap en couple, qui perçoivent une allocation aux adultes handicapés (AAH) réduite ou en sont privées. En effet, la réforme de la déconjugalisation de l’AAH s’appliquera avec un changement du mode de calcul de l’allocation des bénéficiaires en couple. L’AAH est une aide financière destinée à compenser l’incapacité de travailler. Si avant, le revenu du conjoint était pris en compte pour le calcul du montant de l’allocation, à compter du 1ᵉʳ octobre, il ne le sera plus.

"Ne pas pouvoir officialiser une relation, ça fout en l’air"

Pour Sylvie Crelier, atteinte d’un handicap, cette nouvelle méthode de calcul est "une reconnaissance du handicap", mais aussi "un retour à la liberté". "Avec la conjugalisation, il n’y avait pas de liberté. S’il faut sans arrêt demander de l’argent à son mari, il n’y a aucune autonomie". Cette dépendance, Maryline Barillot l’a côtoyée de très près. Lorsqu’elle s’est pacsée avec son conjoint, elle a vu le montant de son allocation chuter.

"La Caf revalorisait mon allocation en fonction des revenus de Monsieur, souligne-t-elle. De ce fait, j’étais complètement dépendante de lui. Et cette dépendance financière, c’est un deuxième handicap, presque une double peine. Je l’ai terriblement mal vécu."

C’est pour cette raison que, cinq ans plus tard, ils prennent la décision de se dépacser. "Ce fut un déchirement pour l’un comme pour l’autre. Le fait de ne pas pouvoir officialiser une relation, ça fout en l’air." Les mots sont forts, pour Maryline. Si cette réforme reste "une avancée pour les futurs couples", pour elle, "le mal est fait".

Retrouver l'indépendance

La dépendance financière était le cheval de bataille de l’APF France handicap, qui a longtemps mené ce combat. L’association dénonçait notamment le fait que "la personne en situation de handicap se voit placée dans une situation de dépendance vis-à-vis de son conjoint et empêchée d’avoir le droit à des ressources personnelles. Cela revient à nier son existence en tant qu’individu autonome".

"C’est une très grande avancée pour toutes les personnes porteuses de handicap. Les besoins restent les mêmes que votre mari soit millionnaire ou pas. Pour certains matériels, on a des restes à charge conséquents."

Sylvie Crelier, en situation de handicap

Réduire les violences conjugales

Cette conjugalisation de l’AAH et cette dépendance vis-à-vis du conjoint, avaient mis les associations féministes vent debout. Pour le Haut conseil à l'égalité (HCE) "le gouvernement met les femmes en situation de handicap en état de dépendance et donc en danger de subir des violences conjugales". Le HCE estime que 34 % des femmes en situation de handicap subissent des violences commises par leur partenaire, contre 19 % des femmes non-handicapées. Des propos qui sont soutenus par Sylvie Crelier. "Pendant le Covid, on nous matraquait avec les féminicides, où les femmes victimes ne pouvaient pas partir. Mais là, c’est pareil", souligne-t-elle.

La déconjugalisation permettra alors de "diminuer le risque pour les femmes en situation de handicap victimes de violences conjugales de se retrouver contrainte de poursuivre la cohabitation avec l’agresseur". 

La réforme de l’AAH est donc la bienvenue dans le monde du handicap. Il faudra cependant attendre le mois de novembre pour percevoir le premier versement, en tenant compte de ce nouveau mode de calcul. Selon la Caf, sur 120 000 personnes handicapées vivant en couple, 80 000 ne touchaient pas l'AAH. Une grande partie y aura désormais droit.

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