La Première ministre Élisabeth Borne a annoncé le 6 juillet une réforme de l’allocation aux adultes handicapés et notamment la déconjugalisation de l'AAH. Cette mesure va changer la vie de nombreux adultes en situation de handicap. Témoignage d'une Franc-Comtoise directement concernée.
Mise à jour : La déconjugalisation de l'Allocation adulte handicapé a été votée à l'Assemblée nationale dans la nuit du mercredi 20 au jeudi 21 juillet. Elle entrera en vigueur le "1er octobre 2023, ça ne pouvait pas être plus tôt", annonce Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement jeudi 21 juillet sur franceinfo.
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"Si cette loi passe, mon quotidien va changer. Je n'aurai plus besoin de demander la carte bancaire de mon mari", explique concrètement Céline, une habitante d'Ancier, petite commune de Haute-Saône.
La réforme de l’allocation aux adultes handicapés et, plus particulièrement la déconjugalisation, annoncée par la première ministre est une très bonne nouvelle pour les concernés ainsi que pour toutes les associations qui militent depuis de longues années en faveur de cette mesure. Si le Parlement vote la réforme, les revenus du conjoint ne seront plus pris en compte dans le calcul de l'Allocation adulte handicapé (AAH) versée à 1,22 million de Français, dont environ 270 000 personnes en couple.
Actuellement, la pension est calculée en tenant compte des revenus du conjoint. Quand la personne handicapée est mariée, elle touche moins d'argent et parfois même plus du tout. L'Allocation aux adultes handicapés (AAH) a été créée en 1975.
"Je n'avais plus le droit à rien"
Céline se réjouit de cette annonce. Elle est atteinte du syndrome de Gougerot-Sjögren et d'une sarcoïdose-pulmonaire, deux maladies auto-immunes, ainsi que d'une cardiomyopathie. Ses problèmes de santé ont débuté en 2011 et se sont rapidement aggravés. En 2013, elle frôle la mort. Son médecin de l'époque dépose pour elle un dossier auprès de la MDPH. "Quelques mois après la décision tombait : j'étais en invalidité", nous dit-elle. Mère célibataire de deux enfants, elle touche alors une allocation d'environ 900 euros par mois.
Quelques années plus tard, Céline rencontre celui qui est devenu son mari en janvier 2020. Depuis, elle n'a plus le droit à sa pension d'invalidité. "Quelque temps après et sans me prévenir la CAF m'a coupé mes droits à l’AAH. Je les ai contactés et j'ai demandé des explications. On m'a dit que du fait que je sois mariée je n'avais plus le droit à rien", se souvient-elle. Cette nouvelle a bouleversé sa vie et l'a beaucoup affectée moralement.
Dépendre de mon mari m’a plongée dans une dépression. Notre quotidien n’est pas facile alors si en plus on est dépendant financièrement c’est double peine pour nous.
Céline, Franc-Comtoise en situation d'invalidité
Elle espère de tout cœur que la loi passe. C'est pour elle une question de dignité. "Je pourrai aider ma fille qui est en master à Besançon et moralement ça ira mieux aussi. Je pourrai me dire que je ne suis plus dépendante de mon époux et je retrouverai un semblant de dignité", conclut-elle, impatiente de voir ses droits rétablis.
Une mesure attendue depuis longtemps
Pour rappel, en 2021, 22 organisations et associations, dont APF France handicap, avaient appelé Emmanuel Macron à "une réforme historique" durant son premier quinquennat. Des pétitions avaient eu lieu ainsi que plusieurs manifestations.
APF Franche Handicap écrivait d'ailleurs en novembre 2021 : "Une nouvelle fois, nous tenons à rappeler que l’AAH n’est pas un minimum social comme les autres mais bien un revenu de remplacement pour les personnes qui ne peuvent pas ou plus travailler en raison de leur handicap ou de leur maladie invalidante. Il est donc temps de considérer cette allocation avant tout comme un revenu individuel d’existence."
Durant le premier mandat d'Emmanuel Macron, la majorité présidentielle s'est opposée plusieurs fois à la déconjugalisation de l'AAH. En 2021, une nouvelle proposition de loi portée par les députés communistes, pourtant soutenue par l'ensemble de l'opposition, avait à nouveau été rejetée. Selon Arnaud de Broca, président du "Collectif handicaps", la déconjugalisation pourrait se faire "dès cet été ou dans la loi de finance de cet automne". C'est en tout cas ce que les associations et les premières et premiers concernés espèrent.