Alice est née le 1er septembre dernier à Besançon et elle a deux mamans qui vont toutes les deux la nourrir au sein. Même si la pratique est encore peu fréquente en France, la lactation induite permet aussi aux couples de mamans de co-allaiter leur enfant. On vous explique comment.
C'est leur petite merveille. Alice est née le 1er septembre 2023 au CHU de Besançon. Un joli bébé de 51 cm et 2 kg 870, qui a deux mamans. Élodie et Anne-Charlotte, deux enseignantes bisontines de 29 et 37 ans vivent ensemble depuis une dizaine d'années et se sont mariées en 2020. Avoir un enfant était leur rêve. Elles ont décidé de le partager totalement en allaitant toutes les deux leur fille. Car si c'est Élodie qui a porté le bébé, pas question de priver Anne-Charlotte de cette joie de lui donner le sein elle aussi.
C'est trop bien ! Ça va au-delà de mes espérances. Ça me permet d'avoir un vrai lien avec Alice et de soulager aussi Élodie, surtout la nuit.
Anne-Charlotte, mère (non biologique) d'Alice.
Rentré à la maison depuis quelques jours, le couple savoure chaque tétée avec bonheur et ne regrette absolument pas le choix du co-allaitement. Contrairement aux idées reçues, allaiter sans avoir accouché est en effet possible.
"C'était écrit noir sur blanc dans notre projet de naissance. On voulait vraiment tout partager. C'était une évidence. Déjà de pouvoir voir Anne-Charlotte elle aussi dans ce rôle de mère et aussi de pouvoir échanger sur l'allaitement lui-même. Et puis il y a parfois des tétées pour lesquelles je ne suis pas très motivée et cela fait du bien de pouvoir lui passer le relais. "
Élodie, mère (biologique) d'Alice.
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Peu connue et peu répandue en France
Peu connue et donc peu répandue en France, la lactation induite (ou lactaction provoquée) est le fait d'allaiter sans avoir été enceinte. On peut y parvenir sans traitement médicamenteux ou hormonal mais un protocole permet de favoriser le processus. Il a été mis au point par le Dr Jack Newman, un pédiatre canadien spécialiste de l'allaitement. Il s'agit d'associer une pilule contraceptive à la dompéridone, un anti-nauséeux, qui augmente les niveaux de prolactine, déclenchant ainsi la production de lait.
C'est le protocole qu'a scrupuleusement suivi Anne-Charlotte. "J'ai commencé le traitement un peu en retard, mais ça a très vite marché, raconte-t-elle. Un mois après, j'avais déjà du lait ! Finalement, cela a été très facile, malgré la fatigue." La jeune femme a dû en revanche enchaîner chaque semaine les rendez-vous chez un cardiologue pour surveiller d'éventuelles complications cardiaques.
"Pas seulement la seconde maman"
La procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes est désormais autorisée en France. Depuis 2021, la loi en a élargi l'accès aux couples de femmes et aux femmes célibataires et elle a supprimé le critère médical d'infertilité. La PMA était jusqu'à présent réservée aux couples hétérosexuels sur indication médicale.
Les deux Franc-comtoises avaient commencé leur parcours de PMA bien avant la promulgation du texte. Ces dernières années, Elodie avait déjà tenté six inséminations artificielles et une fécondation in vitro (FIV) en Belgique. Sans succès. Une deuxième FIV, réalisée à Besançon, a enfin porté ses fruits. Mais les deux futures mères ont découvert toutes seules le co-allaitement.
"On a vu des posts d'une infirmière de Besançon qui en parlait sur Instagram, racontent les deux femmes. On l'a rencontrée pour qu'elle nous explique. On a aussi commencé à échanger sur le sujet avec d'autres couples lesbiens. On en a ensuite parlé à notre gynécologue et à notre sage-femme qui nous ont encouragées à essayer. On nous a aussi fait confiance au CHU. On a pu dormir dans la même chambre dès le premier soir pour bien démarrer l'allaitement ensemble."
Le couple déplore en revanche le manque d'information et veut absolument communiquer sur son expérience. Une histoire qu'elles partagent tous les jours sur Instagram, répondant volontiers aux questions des autres femmes, qu'elles soient homosexuelles ou non.
Plus intimement, Élodie confie que le co-allaitement leur permet surtout aujourd'hui de vivre réellement une double maternité. "Ça aide Anne-Charlotte à trouver sa place, à être une mère à part entière et pas seulement la 'seconde maman' comme on dit à la mairie. On est des mamans au pluriel".