Dans le Doubs, les taxis conventionnés pourraient bien passer à l'action et manifester si la nouvelle convention de tarification de la Sécurité sociale ne change pas. Les chauffeurs voient déjà leur entreprise couler avec cette rémunération et souhaitent sauver leur entreprise
À Lyon, Paris, Marseille… les taxis font entendre leur colère. En cause, la baisse de la rémunération que leur accorde la Sécurité sociale pour le transport sanitaire de personnes blessées ou malades. Elle passera de 1,62 euro le kilomètre, à 1,10 euro le kilomètre, soit une baisse brutale d'au moins 30% sur le papier, voire plusselon leur activité.
Dans le département du Doubs, l’appel à la mobilisation des taxis conventionnés n’est pas encore lancé, car des discussions sont encore en cours avec le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), explique Johanes Ussel, président de la fédération des taxis du Doubs.
Baisse de 40 % du chiffre d'affaires
Le président détaille que selon un audit, sur un territoire comme celui du Doubs, un taxi conventionné fait une marge de 10 %. “Déjà que l’on ne se dégage pas une grosse marge, avec la nouvelle méthodologie, a minima, c'est une baisse de 40 % de chiffre d'affaires, assure Johanes Ussel avant de poursuivre : On a peur de ne plus pouvoir transporter nos assurés sociaux et de mettre la clé sous la porte. C'est la faillite de nos entreprises.” Cette nouvelle convention inquiète de nombreux chauffeurs. Pauline Kroemer-Tritre, taxi dans le Territoire de Belfort, est formelle : si les nouveaux tarifs sont appliqués, “nos entreprises ne sont pas viables”.
J’ai quatre chauffeurs, une secrétaire. Si demain ça passe en l’état, je ferme l’entreprise.
Pauline Kroemer-Tritre, taxi sur le Territoire de Belfort
Christelle, elle aussi taxi dans le Territoire de Belfort, explique également avoir mis en attente le recrutement d’un chauffeur, ne sachant pas ce qu’il adviendra. "Au mieux, on perd 30 % du chiffre d'affaires, au pire 50 %. Je ne sais pas ce que l’on va devenir. On va arrêter, on n’aura pas le choix, mais on laisse les gens dans la misère”, lâche-t-elle, les transports conventionnés représentant 80 % de son activité. Johanes, lui, a gelé tous ses investissements, six mois qu’il doit changer ses voitures, les embauches sont réduites au néant…
Christelle en est sûre, les VSL ne pourront pas, à eux seuls, assurer le transport de ces patients. Marco, chauffeur à Besançon, ne mâche pas non plus ses mots.
Si cela passe en l’état, c’est la mort des petites entreprises. Dans les grandes villes, ça ne va pas être un enjeu vital. Mais dans les petites villes…
Marco, taxi à Besançon
Pour illustrer ses propos, il prend un exemple : “Si vous êtes à Ornans, il n’y aura plus personne pour effectuer les trajets. C’est déjà dur de trouver un taxi conventionné…"
"Il faut arrêter de tirer sur la corde"
Johanes pense déjà au licenciement. 30% des taxis emploient des salariés. “Si demain, on est sur ce protocole, je n’attendrai pas deux mois pour licencier mon salarié”, assène-t-il avant de donner l’exemple de collègues qui ont 15 ou 20 salariés. “Ils me disent que si ça passe, ils licencient 15 personnes directement.” Pour la première fois en 13 ans de syndicalisme, Johanes se montre très inquiet et pas vraiment serein.
Pourtant, tous sont d’accord pour dire que ces économies sont nécessaires. “On est pour, on est conscients que les transports coûtent cher et qu’il y a un grand déficit. Mais on fait déjà des remises, sur les factures, on retire déjà 17-20 % de ce qu’on a au compteur. Mais demain ils veulent nous les monter à 40-50 %...On est d’accord pour faire des efforts, mais pas autant”, souligne Pauline Kroemer-Tritre. Pour elle, d’autres leviers pour réaliser des économies peuvent être trouvés. Mais elle n’est pas la seule à être de cet avis. “On est d’accord, mais il faut arrêter de tirer sur la corde”, fustige Christelle.
S’ils comprennent le besoin de faire des économies, ils ne comprennent pas qu’on leur tape dessus. “On est une chaîne indispensable du protocole de soin, martèle Johanes.
On développe la chirurgie ambulatoire, les pôles d’excellences… Et on veut réduire les transports. Mais les patients, il faut les transporter depuis Lons-le-Saunier, Saint-Claude.
Johanes Ussel, président Fédération des taxis 25
Le président ne manque pas de préciser que le poste taxi représente 0,08 % du budget annuel de la Sécurité sociale. Christelle ne comprend pas les choix faits. “La Sécurité sociale a tout mis en œuvre pour qu’on puisse évoluer avec les VSL dans des conditions correctes, et aujourd’hui on nous coupe l’herbe sous le pied”, lâche-t-elle, dans l’incompréhension. “On est dépendant d’une prescription, et on nous met une épée de Damoclès sur quelque chose qu’on ne maîtrise pas. Mais on ne se gave pas !”, ajoute Johanes.
"On joue la survie de nos entreprises”
Le dernier point abordé par les chauffeurs est le transport partagé. Sur le papier, pourquoi pas. En réalité, c’est parfois bien différent. “Si c’est à 10 minutes près, je peux comprendre. Mais s’il faut attendre 40 minutes, et que l’un est à Pontarlier et l’autre à Morteau… Souligne Marco, qui explique déjà faire du transport simultané. Et si ça se limite à deux personnes, ça peut encore aller, mais s’il faut remplir les voitures…” Christelle partage le même avis.
Quand on arrive au CHU de Minjoz à 12 heures, avec un patient qui a une chimio de six heures et l’autre de 2h, on fait attendre quelqu’un quatre heures ? C’est inadmissible, honteux.
Christelle, taxi sur le Territoire de Belfort
Pauline Kroemer-Tritre assure que sur les quatre taxis qui tournent sur le Territoire de Belfort, jamais deux véhicules ne se retrouvent au même endroit au même moment.
Tous espèrent un changement de la feuille de route. Car si aujourd’hui, il n’y a pas de mobilisation, Johanes Ussel explique que cela viendra si la nouvelle convention reste telle qu’elle. “Et on ne va pas juste faire “tut tut” dans nos voitures. Le mouvement aura une ampleur inédite. Ce n’est pas simplement que l’on va gagner moins d’argent, on joue la survie de nos entreprises.”