La statue de bronze noir de 2,50 m a été inaugurée ce jeudi 1er décembre au musée des Beaux-Arts de Besançon (Doubs) en présence de son généreux donateur, le Suisse et grand amateur d’art Leonard Gianadda, 88 ans.
C’est un moment émouvant comme l’art peut parfois l’offrir. Besançon, ville natale de l’écrivain Victor Hugo (1802-1885) possède désormais une statue de l’auteur des Misérables dessinée par Auguste Rodin (1840-1907). Le sculpteur dès sa jeunesse vouait une grande admiration à l'écrivain.
Le bronze de 250 kilos représente un Victor Hugo debout, avec à la fois le visage d’un vieil homme et un corps jeune et musculeux. "L'idée de Rodin était de montrer que Victor Hugo était resté combatif malgré l'exil" expliquait en juillet 2022 Nicolas Surlapierre, le directeur des Musées de Besançon, au moment de l’annonce de cette donation.
Une injustice réparée pour Besançon
Comment cette statue de Rodin est-elle arrivée à Besançon ? L’histoire est étonnante. Dans les années 90, en prévision du bicentenaire de la naissance de l’écrivain, la ville de Besançon prend contact avec le musée Rodin à Meudon en région parisienne. Elle souhaite acquérir un exemplaire d'une sculpture de "Monument à Victor Hugo". L'acquisition ne se fera pas pour des raisons financières. Trop cher sans doute pour une ville moyenne comme l'est Besançon.
Leonard Gianadda, galeriste à la tête de la prestigieuse fondation de Martigny dans le Valais suisse s’émeut alors de cette injustice. Que Besançon n’ait pas son Victor Hugo dessiné par Rodin ! L’amateur d’art suisse a expliqué à nouveau ce matin lors de l'inauguration" son attachement à Besançon, ville qui a connu le conflit des ouvriers horlogers de Lip dans les années 70. "Il y avait dans cette demande faite au musée Rodin un drame qui nous avait frappé au delà des frontières. L’affaire Lip qui a été la première secousse sociale européenne avec les licenciements d’une centaine d’employés d’un coup. Je me souviens, c’était du jamais vu. Je trouvais alors qu’on aurait pu faire un effort particulier pour Besançon. Cela m’a toujours travaillé."
Rodin, l'un des plus prestigieux sculpteurs au monde, a plusieurs fois portraituré l'un des plus brillants auteurs humanistes de notre histoire humaine, Victor Hugo.
Leonard Gianadda, galeriste Fondation Gianadda
Leonard Gianadda fait toujours partie du conseil d’administration du musée Rodin et de son comité d'acquisition. Lorsqu'il apprend en 2021 qu’un moule en plâtre représentant Victor Hugo par Rodin est retrouvé lors d'une mise à jour de l’inventaire du musée Rodin, il décide à ses frais de faire réaliser trois bronzes. Numérotés I, II, III. Le numéro II est pour Besançon, les deux autres pour la fondation Gianadda à Martigny, l’un pour le jardin du musée Rodin à Meudon.
Trois bronzes coulés à la fonderie Coubertin
Le moule de la sculpture imaginé par Rodin est retrouvé, la tête de Victor Hugo également. Reste à passer à la fabrication. C’est la fonderie d’art Coubertin qui va réaliser les trois pièces. 550 kilos de bronze, 1100 degrés de température. Le bronze est coulé dans le moule avant la manoeuvre de démoulage. Les bras, plus fragiles, sont moulés à part et renforcés pour les rendre moins fragiles. Puis le bronze est patiné en noir.
Victor Hugo n’a jamais posé pour Rodin
Le journal "L’illustre" revient sur l’histoire de cette oeuvre pour laquelle le sculpteur a dû ruser afin de travailler. Victor Hugo échaudé par des 38 séances de pose pour un autre sculpteur, nommé Villain et dont le résultat était médiocre n’a pas voulu passer du temps avec Rodin. Ce dernier a donc dû travailler en esquissant l’écrivain lors de rencontres ou repas.
Je regardais attentivement le grand poète, j’essayais de graver son image dans ma mémoire, puis soudain, en courant, je gagnais la véranda pour fixer dans la glaise le souvenir de ce que je venais de voir. Mais souvent, dans le trajet, mon impression s’affaiblissait, de sorte que, arrivé devant ma selle, je n’osais plus donner un seul coup d’ébauchoir et je devais me résoudre à retourner auprès de mon modèle.
Auguste Rodin, archives du musée Rodin
Rodin avait réussi à réaliser un buste de Victor Hugo présenté en 1884 lors du banquet d'anniversaire et des 82 ans de l'écrivain. Le moule de Victor Hugo, grand et nu, lui ne fut jamais édité. La sculpture revit aujourd’hui.
Ce bronze inédit numéro II est visible au Musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon, avant d’être définitivement scellée dans la cour de la future Grande Bibliothèque intercommunale du site Saint-Jacques, en travaux jusqu’en 2026.
Pour son donateur, Leonard Gianadda, ce don est aussi une façon avec cette oeuvre inédite ressurgie du passé, de tendre la main à la France : "C’est un sentiment de reconnaissance aussi que j’ai envers la France pour tout ce qu’elle nous apporte, nous donne. La fondation Gianadda à Martigny a accueilli plus de 11 millions de visiteurs. La moitié sont des Française, et beaucoup viennent de Franche-Comté, de Bourgogne ou de Savoie »