VIDEO. "Je me suis jamais sentie vivante quand j’étais en Iran" : une étudiante iranienne ose dénoncer la répression dans son pays

Arrivée à Besançon (Doubs) en septembre pour étudier le français, Kimia, 25 ans, dénonce face caméra la mort de Mahsa Amini, survenue le 16 septembre à la suite de son arrestation à Téhéran.

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Je me suis sentie comme si ma sœur était morte, parce qu'elle était une femme de mon pays. Elle avait la liberté, le vent dans ses cheveux... C’est une catastrophe.

Kimia, étudiante iranienne en France

Ces mots, emprunts d'émotion, que ne saurait cacher son visage souriant, sont ceux de Kimia. L'Iranienne, dont on taira le patronyme par confidentialité, trouve en France ce qu'elle n'aurait jamais pu espérer dans son pays : la liberté. Elle a accepté de témoigner devant la caméra de France 3 Franche-Comté, en réaction aux soulèvements populaires qui secouent actuellement l'Iran.

Celle dont elle se dit si proche, dans un français presque irréprochable, c'est Mahsa Amini, une Iranienne du Kurdistan, morte le 16 septembre, trois jours après son arrestation par la police des moeurs, à Téhéran pour "port inapproprié de vêtements".

Non, elle ne la connaissait pas personnellement. Pourtant, à l'image de nombre de ses "soeurs" en Iran, Kimia sait combien les libertés des femmes sont brimées au sein de la République islamique. "On est toujours contrôlées par le gouvernement pour ce qu’on porte, ce qu’on dit, ce qu’on fait, comment on parle, comment on pense, ce qu’on croit." Téméraire, ce témoignage déchire un silence glaçant.

Le vent dans les cheveux

Arrivée en France, Kimia décrit un autre monde. Ici, c'est la " liberté de parler, liberté du vent dans mes cheveux, liberté de porter ce que je veux, liberté d’être ce que je veux, c’est la liberté de tout, que je n’avais jamais."

Le voile, ce foulard dont les femmes doivent se couvrir la tête en Iran, est devenu le symbole de la résistance, dans le pays. C'est justement pour ne pas avoir ajusté correctement son voile que Mahsa Amini a été arrêtée. "C’était obligatoire en Iran dans les universités, même dans les écoles, partout en fait, sauf la maison, oui, c’est comme ça", décrit Kimia, amère.

Alors la possibilité de l'oublier a une saveur douce, mais angoissante. "De sentir le vent dans les cheveux, c’est très bizarre, génial, c’est quelque chose que j’ai jamais ressenti. Quand je vois les policiers, ça me fait peur toujours, parce que je cherche mon foulard comme ça [en se passant la main dans les cheveux]. Même au bout de deux semaines, je cherche toujours mon foulard."

Originaire d’une ville religieuse au centre du pays, dans le désert, où les mosquées sont nombreuses, Kimia a souhaité confier à notre équipe un souvenir, douloureux. "Il y a deux ans, j’étais en train d’écouter de la musique dans ma voiture, le policier m’a arrêtée. C’est incroyable, c’est horrible, c’est pas la liberté, c’est pas la vie. Je me suis jamais sentie vivante quand j’étais en Iran. Et de déclarer, dans une formule touchante : Je suis née encore désormais je suis ici." Comme si elle renaissait en France.

"Les gens sont fâchés pour longtemps"

Étudiante au Centre de Linguistique Appliquée de Besançon, Kimia avait déjà voyagé hors de son pays, pour les vacances. Elle a décroché un visa d'un an en France, et envisage aujourd'hui de s'arracher à sa famille, à sa terre. "Mon pays me manque toujours, c’est une partie de mon cœur qui est toujours avec l’Iran, spécialement ma famille, mais je me sens pas d’avoir l’espoir de vivre en Iran encore. Je veux faire une vie pour moi ici, très loin de mon pays."

Les émeutes, la jeune femme les analyse avec un effroi teinté d'espoir. "Il y a 43 ans que le gouvernement de République islamique est à la tête du pays, c’est [la première] fois que les gens sont ensemble. Les hommes sont avec les femmes, ils supportent fortement, les gens sont ensemble, pour une fois dans l’histoire, ils sont soudés."

C’est ce moment ou jamais. Si on perd cette fois, c’est game over. Le gouvernement va tuer tout le monde en Iran, tous les gens qui manifestent.

Kimia, étudiante iranienne

Sa famille, qu'elle a pu joindre récemment, lui explique ce qu'elle ne peut observer depuis la France, puisque le régime a interrompu les communications par internet. "Vous savez quoi ? Le gouvernement ou les gens, on ne sait pas qui va échouer et qui va réussir. Mais on a l’espoir que les gens vont réussir, car c’est ce moment ou jamais. Si on perd cette fois, c’est game over. Le gouvernement vont tuer tout le monde en Iran, tous les gens qui manifestent."

Ecoutez le témoignage de Kimia en intégralité

Kimia, étudiante iranienne de 25 ans, s'exprime en marge du soulèvement populaire en Iran, après la mort de Mahsa Amini à Téhéran, le 16 septembre 2022. ©Philippe Arbez

À plusieurs reprises, Kimia nous remercie de porter sa parole, son message. "Il faut reprendre la liberté, il faut reprendre nos droits. [...] Moi je crois que les gens sont fâchés pour longtemps, ils voudront être quelque chose parce que c’est maintenant ou jamais."

Dans un long soupir, secouant la tête, Kimia essuie une larme imaginaire sur sa joue en évoquant son pays. "On croise les doigts pour les gens en Iran."

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