Responsable depuis 2016 du programme national d'éducation financière, la Banque de France multiplie les dispositifs de sensibilisation des jeunes. Des outils pour les "protéger" des sollicitations sur les réseaux, et des mythes autour de l'argent facile qui y sont partagés.
L'anecdote prête un sourire, mais elle est emblématique. Il y a quelques mois, lorsqu'il représentait la Banque de France dans un lycée, pour un forum des métiers, Xavier Duale est accosté par "un groupe de quatre garçons". "Un peu hésitants", les lycéens demandent au Directeur de la succursale de l'Yonne s'ils peuvent lui poser une question. Il acquiesce. "Vous pouvez nous dire comment on peut faire pour devenir riche tout de suite ?".
"Si je le savais, je n'aurais probablement pas été en face d'eux, dans ce forum des métiers, pour leur répondre" sourit le directeur, spécialiste de la région en éducation financière. "Mais c'est révélateur, je voyais bien que pour eux, c'était possible". Un "fantasme" lié pour Xavier Duale aux réseaux sociaux et internet : "il y a toute cette conception… Ils voient des images de gens fortunés en permanence". "C'est ce mythe qu'il faut ramener à la dure réalité" résume-t-il.
On dit, au départ, vous n'aurez pas le revenu dont vous rêvez, il faut apprendre à se construire avec.
Xavier Duale, directeur départemental de la Banque de France de l'Yonne
Les jeunes particulièrement exposés
Depuis 2016, la Banque de France, responsable de la politique monétaire nationale, assure une mission supplémentaire : éduquer le grand public en général, et les populations fragiles en particulier, aux notions économiques, budgétaires et financières. "On donne des repères" explique Xavier Duval. Cette "EducFi", comme le disent les spécialistes, s'adresse notamment aux jeunes, "exposés, surtout avec les smartphones".
En effet, 30 % des 18-24 ans "ont déjà été démarchés pour des offres commerciales" rapporte Xavier Duval. Des offres "pour placer, prêter ou emprunter de l'argent par téléphone, internet ou un réseau social" détaille une étude de la Banque de France. Alors que ce sont eux qui ont les moins bonnes connaissances financières liées au numérique, et les attitudes les plus risquées.
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Le fantasme des cryptomonnaies
"Il y a une forme de fantasme assez généralisé autour de la cryptomonnaie" décrit Xavier Duval, "c'est l'Eldorado, et on peut gagner de l'argent facilement". Un mythe révélateur d'une méconnaissance : "ils ont du mal, pour un gros tiers, à faire la distinction entre rendement et risque". Autrement dit, "pour eux, avoir beaucoup de rendement et pas de risque, ce n'est pas impossible". Alors, "nous, on essaie de les protéger" avance le directeur départemental.
L'organisme multiplie les dispositifs pour toucher ce public : vidéos pédagogiques sur Youtube, jeux sur téléphone mobile pour les lycéens, jeux de plateau proposés à tous les volontaires du SNU (service national universel), et interventions dans les écoles. Fer de lance du programme : le "Passeport Educfi", un module deux heures destiné à tous les élèves de 4 e, via leurs enseignants formés par la Banque de France. "L'idée, c'est de toucher une génération dans son ensemble", en misant sur des jeux pédagogiques, façon Trivial poursuit ou Monopoly.
C'est précieux de les sensibiliser pour éviter le mauvais pas, le crédit ou la dépense de trop.
Xavier Duale, directeur départemental de la Banque de France de l'Yonne
"On parle de moyens de paiement, des crédits, des risques d'arnaques, de budget…" énumère le directeur. "On parle vraiment de connaissances de base". De la primaire au lycée, les outils sont adaptés à l'âge du public. Et le directeur insiste sur une valeur : la neutralité. "On n’est pas là pour juger les comportements, si c'est dépensier ou non" explique-t-il, "les personnes se comportent comme elles le souhaitent, le but, c'est qu'elles le fassent de manière éclairée".
En plus de conseils budgétaires, par exemple comment se constituer une épargne de secours et avoir deux mois de revenus devant soi, ces jeux prennent soin de présenter les interlocuteurs et dispositifs qui pourront financièrement aider ces futurs adultes dans leur vie : "on veut qu'ils soient capables d'aller chercher les informations, leur donner du recul aussi".
À terme, le dispositif "Passeport EducFi" devrait concerner les 750000 élèves que chaque promotion de 4 e compte. En 2023, 230 000 collégiens avaient suivi cette formation.
