Le brame du cerf fait rêver tous les amoureux de la nature. Un son puissant que l'on peut entendre à la fin de l'été alors que la nuit se met à tomber à la lisière de la forêt. Mais de quoi s'agit-il exactement ?
"On se laisse emporter par le brame. Il y a quelque chose qui nous met en accord avec nos origines", ressent Olivier Trible, photographe animalier. Ce passionné de nature ne raterait pour rien au monde la saison du brame, ce moment où, chaque année, à la fin de l'été, les cerfs se jaugent par la puissance de leur coffre.
C'est un grand rendez-vous quand on assiste au brame. On est inscrit dans le grand cycle du vivant.
Olivier Trible, photographe animalier
Les dates varient en fonction des régions, mais généralement la période du brame s'étend de la fin août jusqu'à début octobre. "C'est la période de reproduction du cerf. Le brame est le cri du cerf qui manifeste sa présence et communique avec les autres, que ce soit les mâles ou les femelles", explique le photographe.
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Se mesurer aux autres
Alors que le puissant animal se fait habituellement très discret, il se met tout à coup à faire retentir sa voix dans toute la forêt. "Il fait entendre sa voix aux autres cerfs pour leur dit qu'il est le plus fort", précise Olivier Trible. Les combats entre cerfs sont relativement rares.
En entendant un brame, seul un cerf assez fort va se déplacer. Il va d'abord venir jauger visuellement son adversaire et s'il estime qu'il peut le battre, un combat débutera. Il peut commencer le combat et puis s'enfuir très vite s'il sent qu'il n'est pas assez fort. Les jeunes cerfs peuvent tourner autour du cerf dominant, mais ne vont pas aller au combat.
Avec le contact visuel, le cerf estime s'il peut ou non combattre son adversaire et prendre sa place. C'est un peu comme Game of Thrones.
Olivier Trible, photographe animalier
Lorsqu'un cerf s'engage dans un combat, sa vie est en jeu, c'est pour cette raison que les combats se font rares. "C'est un combat violent. C'est la toute puissance de deux animaux de 200 kilos qui s'affrontent. C'est impressionnant." Les bois font office d'armes, il suffit d'un faux mouvement pour que ceux-ci s'enfoncent dans un côté et touchent le cœur. Il arrive aussi que les deux cerfs meurent parce que leurs bois se sont entremêlés et qu'ils n'arrivent pas à se séparer.
La place de brame
Lors du brame, les grands cerfs se positionnent à un endroit stratégique appelé la place de brame. C'est un endroit où les biches sont concentrées. Autre spécificité, son brame peut porter au loin dans la forêt. Généralement, il se situe en hauteur ou près d'une clairière. Lors d'un combat, si le cerf qui s'est déplacé jusqu'à une place de brame où se trouve un autre cerf gagne, il prend alors sa place, "c'est le trône".
Les biches vont être attirées par un grand mâle pour être tranquille, car si elles sont en dehors du cercle du grand mâle, elles vont être embêtées par les jeunes mâles.
Olivier Trible, photographe animalier
Certaines places de brame sont des endroits particulièrement prisés par les majestueux cervidés. "J'ai suivi pendant des années une place de brame. Il n'y avait pas toujours le même cerf, car certains se faisaient tuer, mais c'était toujours de grands cerfs", raconte Olivier. Les cerfs reviennent généralement sur la même place de brame d'année en année si la présence de biches est suffisante et qu'il n'y a pas trop de chasseurs.
Notre collègue Jean-Stéphane Maurice a, lui aussi, photographié un cerf au moment du brame. À la toute fin de cette vidéo, vous pourrez écouter ce son si caractéristique.
"Les biches donnent le tempo"
La saison du brame coïncide avec la période où les biches peuvent être fécondées. "Ça dure à peu près un mois, c'est un petit laps de temps et elles ne sont pas fécondables toutes en même temps", souligne le passionné. Le cerf doit donc être attentif à la courte période où la biche ovule : "Quand la biche n'est pas prête, elle refuse l'accouplement". Tant que la dernière biche de la harde (le groupe composé du mâle et des biches) n'est pas fécondée, le brame continue.
"Les biches donnent le tempo du brame", souligne le passionné. Le cerf commence sa soirée à un endroit précis, la place du brame. Mais au cours de la nuit, il suit les biches qui se déplacent dans un périmètre proche de cette place. "Les biches sont devant, le cerf n'est qu'un suiveur".
La sacralité du cerf
Pour le photographe, il est difficile de passer une année sans assister au brame, "c'est carrément impensable pour moi". Et d'ajouter : "Le cerf, c'est vraiment une passion, c'est un animal totem qui a beaucoup de sacralité. Il a accompagné le développement de l'homme, les hommes préhistoriques utilisaient sa mâchoire comme une scie et ses bois comme des armes". Il décrit le brame comme "une vibration qui vous transperce".
Le cerf se met généralement à bramer en fin de journée et il devient très actif dans la nuit. Ces horaires varient en fonction des régions. "Là, où il est très chassé, il ne se produit que la nuit tandis que dans les zones plus tranquilles c'est plus en journée", précise Olivier.
Un spectacle auditif.
Olivier Trible, photographe animalier
Nul besoin de s'approcher très près de lui pour entendre son brame. "Il faut rester à la lisière de la forêt, au bord du chemin pour ne pas le déranger", informe-t-il avant de reprendre : "Il faut se mettre sous le vent. Il ne faut pas que l'animal puisse nous sentir".
Une population qui s'étale
Actuellement, la population des cerfs est en croissance dans les territoires sauvages. "Il y a une conquête d'un peu tous les massifs forestiers par les cerfs". Ils s'étalent sur le territoire à cause de la présence du loup qui les pousse à se disperser. "Mais on observe une décroissance dans les zones domaniales, à cause de la pression de l'ONF [Office national des forêts] pour réduire de façon drastique les populations de cervidés", explique le photographe.
L'Office estime que ces animaux occasionnent trop de nuisances sur la production de bois. "Ils s'attaquent aux petits arbustes", précise le photographe. Si les cerfs sont en croissance sur le territoire, les biches, en revanche, sont de moins en moins nombreuses. L'ONF ciblerait en priorité les biches, car ce sont elles qui sont responsables de la natalité et de la croissance de l'espèce.