Chaque automne, de nombreux photographes viennent immortaliser le brame en forêt de Chaux près de Dole. Certains sont reconnus, mais il y a aussi les anonymes. Ils parcourent toute l'année le massif forestier depuis leur enfance. lls ne rateraient pour rien au monde leur rencontre avec les cerfs.
Dans la profondeur noire d'un matin d'automne, chaque photographe se prépare sur un parking de la forêt de Chaux. Des raires puissants sortent des entrailles de la nuit. Tous s'équipent tels des commandos en opération spéciale. Pour approcher les cerfs, il convient de se camoufler totalement, pour déranger le moins possible et permettre une grande proximité avec les animaux.
Jean-Louis Michel filme la beauté sauvage de la forêt
Si vous vous baladez régulièrement en forêt de Chaux, vous croiserez forcément un jour la silhouette discrète de Jean-Louis Michel avec son trépied et son caméscope sur l'épaule. Depuis sa plus tendre enfance, le Jurassien sillonne ce massif forestier de 22 000 hectares qu'il connaît par cœur. Aujourd'hui, en retraite, il n'y a pas un jour où il ne va pas faire son petit tour afin de s'imprégner des beautés de cette nature. "J'ai choisi de faire de la vidéo, car j'aime partager ce tableau vivant qui s'offre à moi. J'ai le sentiment de pouvoir offrir aux gens ce que j'ai pu voir de mes propres yeux, comme ce très beau cerf de douze cors que j'ai pu filmer au début du brame. Ce sont des moments uniques et intenses à vivre" nous explique Jean-Louis.
Il faut ne faire plus qu'un avec la nature pour observer ce moment unique où les grands cervidés vont tenter d'affirmer leur suprématie sur les hardes de biches, au prix de combats parfois mortels. Le vidéaste a eu la chance de capter ces instants exceptionnels et rares. Deux mâles puissants s'affrontent sur la place de brame, dans le fracas des bois qui s'entrechoquent, tels des glaives de chevaliers au royaume de la forêt.
Pour Jean-Louis Michel, "le cerf est un animal mythique de part sa prestance, sa beauté et son intelligence, il est difficile à filmer et il est de plus en plus rare dans notre forêt à cause des plans d'abattage ordonnés par l'Office National des Forêts." Le vidéaste dispose aussi des pièges vidéos dans la végétation. Ils se déclenchent lorsqu'ils détectent un mouvement. Invisibles, ces pièges photos permettent de filmer des scènes exceptionnelles, avec une grande proximité comme cette reproduction entre un mâle et sa biche.
Didier Parisot photographie les cerfs pour mieux les protéger
Sa passion pour la forêt de Chaux lui a été transmise par son papa, ouvrier forestier. Depuis sa plus tendre enfance, Didier est passionné par les cerfs, animal emblématique selon lui du second massif forestier de feuillus en France. Après des années d'observation, il s'est mis il y a deux ans à la photographie. "Je n'y connaissais pas grand chose, mais j'avais envie de garder une trace de toutes les magnifiques rencontres que je faisais avec les grands cervidés. J'ai acheté un petit appareil pour débuter, mais j'ai vite compris qu'il n'était pas adapté. La photographie animalière se fait toujours dans des conditions difficiles, et du coup j'ai investi dans du matériel plus perfectionné et c'est un bonheur de pouvoir partager mes photos" nous confie Didier.
Pour Didier Parisot, "le brame est la période la plus intense au niveau photographie. C'est le moment où les cerfs sont visibles plus facilement, mais nous prenons toujours le maximum de précautions pour ne pas les déranger. L'approche se fait le plus discrètement possible et je laisse venir le cerf à moi. C'est l'occasion de retrouver les cerfs que l'on connaît déjà, de voir leur nouvelle parure sur la tête, mais aussi d'en découvrir de nouveaux. C'est vraiment une période faste pour la forêt de Chaux, et entendre le raire puissant d'un cerf à quelques mètres de moi, quelle émotion !"
Le photographe s'est investi dans la défense de l'animal. Il partage ses clichés sur Facebook dans le Collectif de défense des cervidés en forêt de Chaux dont il est un des créateurs. En effet, les grands cervidés sont menacés de disparition dans la seconde plus grande forêt de feuillus en France. L'ONF veut éradiquer le cerf depuis plusieurs années par des plans d'abattage toujours plus importants sous prétexte qu'ils s'attaquent aux jeunes pousses des arbres. À partir du 15 octobre, 361 cervidés vont être chassés, soit environ 65 % des effectifs. Ses photos sont comme un hommage à ces seigneurs de la forêt.
Gilles Megarademy, chasseur et passionné par les cerfs
Lorsque les premiers raires surgissent en septembre dans la forêt, Gilles Megarademy devient, comme il le dit lui-même "totalement hystérique". Président d'une société de chasse depuis sept ans, sa seule arme durant le brame est le viseur de son appareil photo. "Je chasse quelques sangliers dans l'année, cela fait partie de ma culture depuis que je suis gamin et que j'arpente ce massif forestier. Mais j'ai appris à connaître le cerf, et je lui voue aujourd'hui, une véritable passion" reconnaît l'homme.
"Depuis quatre ans, j'ai attrapé le virus des mues de cerfs. J'ai voulu en connaître plus sur cet animal, le comprendre et naturellement est venu l'envie de le prendre en photo" nous explique ce passionné.
Forcément, le brame est une période qu'il attend avec impatience chaque année. "C'est un an d'attente pour revoir ces moments de bonheur, entendre ces voix qui transpercent la nuit, se dire que Vincent, l'un des plus beaux cerfs de France est là, à côté de moi. J'attrape des frissons certains soirs tellement c'est fort et intense de vivre cela."
Le brame touche à sa fin. Chacun des photographes rappelle à ceux qui désirent venir découvrir ces instants magiques qu'il convient de le faire avec des associations qui proposent des soirées de découverte. Il faut des connaissances approfondies pour aller à la rencontre des cerfs en dérangeant le moins possible la faune sauvage, et surtout en ne prenant pas de risques.