C'est une "révolution" pour diagnostiquer l'endométriose et un espoir immense pour les malades. Des études menées en France avec un test salivaire ont montré de bons résultats, selon la Haute autorité de santé (HAS). Une femme sur dix serait touchée cette maladie gynécologique complexe. À Besançon (Doubs), les malades demandent que ce test soit proposé le plus vite possible et remboursé.
Elle a dû attendre 17 ans pour pouvoir enfin mettre un nom sur le mal qui la rongeait. De ses premières règles douloureuses à l'âge de 11 ans jusqu'à ce que le diagnostic confirme qu'elle souffrait bien d'endométriose. Elle avait alors 28 ans. "Forcément, plus j’ai attendu en fait, plus la maladie s'est installée, s'est développée, raconte Morgane. L’opération a eu lieu après le diagnostic, mais quand j’ai été opérée, j’en étais un stade où je ne pouvais quasiment plus marcher. J’étais retournée vivre chez mes parents. J'avais perdu beaucoup d'autonomie, d'indépendance. Donc, je pense qu’effectivement, si j’avais été diagnostiquée avant, je n'en serais pas arrivée à ce stade de douleur et de souffrance."
"Des années perdues"
Dans son appartement à Besançon (Doubs), cette professeure d'anglais de 32 ans, le confie à France 3 Franche-Comté. Elle déplore cette "errance de diagnostic", et toutes ces erreurs qu'elle aurait pu éviter si la maladie avait pu être identifiée plus tôt. "Par exemple, quand j’ai eu 22 ans, explique-t-elle, je me suis fait poser un stérilet en cuivre, car je vivais à l'étranger et c'était plus simple à gérer pour moi qu'une pilule. Mais, en fait, le stérilet en cuivre fait flamber l'endométriose. Cela crée une inflammation et c’est ce qui a fait que la maladie est devenue chronique chez moi. Si j'avais été dépistée avant, je n'aurais jamais eu ce stérilet-là, et ça aurait permis que la maladie se développe moins." Des années perdues qui lui ont laissé aussi des blessures plus intimes encore.
Il y a eu beaucoup de consultations auprès de différents gynécologues. Il y a eu des I.R.M., des scanners, même des échographies qui sont pourtant l'examen de référence. Il y a eu toute cette attente et toutes ces paroles qui ont été prononcées aussi : "c'est dans votre tête, il faut voir un psy, il faut perdre du poids". Et toutes ces choses-là, c’est quand même des choses qu’on prend pour soi et c’est de la culpabilité qu’on garde en fait.
Morgane, 32 ans, atteinte d'endométriose.
1 femme sur 10 touchée en France
Et même s'il est impossible de réécrire son histoire, Morgane pense aujourd'hui aux autres femmes qui attendent encore pour savoir. "Si j'avais pu faire ce test, je n'aurais pas hésité une seule seconde", assure-t-elle. La Haute Autorité de santé (HAS) a en effet proposé lundi 8 janvier que certaines femmes puissent avoir accès à un test salivaire "prometteur" visant à diagnostiquer l'endométriose. Cette maladie gynécologique complexe touche près de deux millions de femmes adultes en France, soit environ une sur dix. Elle provoque des douleurs chroniques au moment des règles et provoque des troubles de la fertilité, mais elle reste difficile à repérer. Le diagnostic prend en moyenne sept ans, d’où l’intérêt de ce test, qui permettrait de dépister l'endométriose en quelques jours seulement.
Développé par la société biotech lyonnaise Ziwig, ce dispositif baptisé "Endotest" "a mis en évidence de très bonnes performances diagnostiques", selon la HAS qui attend malgré tout des études complémentaires "visant à évaluer son utilité clinique dans la pratique courante" avant un éventuel remboursement généralisé par la sécurité sociale. Une frilosité que regrette Elodie Delaune, au nom de l'association "Au fil de l'endo".
"Ce test, c'est une révolution, insiste la présidente de cette association qui rayonne sur l'ensemble de la région Bourgogne-Franche-Comté. Mais les femmes se sentent un peu abandonnées, ce sont les retours qu'on a aujourd’hui."
On sait que ça fonctionne à 95 % de sensibilité mais derrière rien n’est mis en place ! Pour une bonne prise en charge, il faut absolument un diagnostic précoce et aujourd’hui on sait que, selon les territoires, on n’a pas tous accès à l’imagerie, à des médecins spécialisés. Et si les atteintes sont millimétriques, sur l'imagerie, on ne les verra même pas. Véritablement, il y a une attente colossale des patientes.
Elodie Delaune, présidente "Au fil de l'endo".
Elodie Delaune ne cache son incompréhension, car des tests salivaires sont déjà utilisés dans d'autres pays, dont la Suisse voisine. "Il y a beaucoup de colère et de questionnements chez les malades, reconnaît-elle. On comprend bien sûr que le corps médical ait encore besoin de données complémentaires. Mais il y a une vraie urgence à tout mettre en œuvre maintenant. Il ne faut pas différer. Pourquoi une femme aujourd'hui doit continuer de souffrir si des choses peuvent lui permettre d'avoir un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée ?"
Priorité à la prise en charge
Naturellement, la recommandation émise par la Haute Autorité de Santé est aussi une bonne nouvelle pour les professionnels de santé. "C'est effectivement porteur d'espoirs, assure Aurélie Berdin, gynécologue obstétricienne au CHU de Besançon. Il faut savoir qu’actuellement, pour diagnostiquer une endométriose en première intention, c’est l’examen clinique. Après, c’est l’imagerie, donc l'échographie ou l'I.R.M. et en troisième recours, jusqu’à présent, c’est une cœlioscopie qui est un acte chirurgical. C'est là que le test salivaire peut intervenir et donc éviter une chirurgie."
Et attention, "le test est surtout intéressant quand il est négatif, car on peut tout de suite éliminer une endométriose, poursuit la spécialiste. En revanche, quand il est positif, on n'est pas sûr à 100 % qu’il y a de l’endométriose. D'autres maladies peuvent faire positiver ce test. Donc, pour résumer, ce test est très bien, mais pas pour tout le monde, et pas en première intention."
Priorité avant tout à la prise en charge des femmes, rappelle Aurélie Berdin. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une filière de l’endométriose a justement été créée ici en février 2022. Endo BFC est un réseau unique composé de médecins généralistes et spécialistes, de radiologues, de sages-femmes et de kinésithérapeutes, tous centrés sur le parcours de soins des femmes.
Le plus important, c’est vraiment d’orienter les patientes vers ces spécialistes plutôt que de faire des tests à tout-va avec une prise en charge derrière qu’il faudra de toute façon adapter puisque ces patientes, ce sont des patientes qui ont des douleurs. Et qu'il y ait ou non de l'endométriose, il va falloir les prendre en charge.
Aurélie Berdin, gynécologue obstétricienne, Vice-présidente Endo BFC.
"Ce sont des tests qui coûtent cher et qui, pour l’instant, ne vont pas être remboursés chez tout le monde, ajoute le médecin. Par exemple, une jeune femme de 16 ans qui a des douleurs de règles et qui se demande si elle a de l'endométriose, ce n’est pas un test qu’on va lui proposer en première intention."
Si son avis est suivi par le gouvernement, la HAS proposera un accès au test, dans le cadre d'un forfait dit "innovation". Des femmes de plus de 18 ans, pour lesquelles une endométriose est fortement suspectée, pourraient dans les prochains mois réaliser gratuitement ce test. Cette prise en charge sera "conditionnée" à la participation à de nouvelles études, qui permettront de statuer ou non en faveur d'un remboursement pérenne.