Une carte détaillée sur l'utilisation des pesticides en France a été publiée par l'entreprise associative, engagée pour la défense environnement, Solagro. Qu'en est-il en Franche-Comté ? On vous explique.
La carte publiée le 22 juin 2022 par Solagro, entreprise associative toulousaine, est instructive et met en lumière les disparités des territoires au sujet de l'exposition des citoyens aux pesticides. Elle illustre graphiquement l'utilisation des pesticides en France, et ce sur l'ensemble des communes. En regardant la carte dans sa globalité, on remarque vite que la Franche-Comté fait partie des territoires préservés contrairement à d'autres régions apparaissant en rouge vif. C'est le cas du Nord ou encore de la région parisienne. Des régions où l'agriculture intensive est particulièrement développée.
En Franche-Comté, le Haut-Doubs et le Haut-Jura, fiefs de l'AOP Mont d'Or et Bleu de Gex sont parés de vert vif. Cela signifie que les communes se trouvant à cet endroit affichent un Indicateur de Fréquence de Traitement (IFT) particulièrement bas. Cet indicateur utilisé pour élaborer la carte correspond au nombre de doses de produits phytosanitaires appliquées par hectare pendant une campagne culturale. L'IFT prend en compte tous les types de produits de synthèse tels que les herbicides, insecticides, fongicides ou encore traitements de semences. "Il ressort clairement de cette première carte, la présence de territoires très protégés par rapport à l’usage des pesticides et situés principalement dans les zones de montagne, et les marais côtiers, où les systèmes de polyculture élevage de ruminants dominent avec une forte présence de surfaces en herbe qui ne sont généralement pas traitées" expliquent les analystes de Solagro.
Solagro dévoile aujourd’hui sa carte d’utilisation des #pesticides sur les surfaces agricoles par commune. https://t.co/yGuDtLSftQ
— Solagro (@Solagro_asso) June 22, 2022
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On remarque d'ailleurs que la commune de Chapelle des Bois dans le Haut-Doubs fait office de très bonne élève avec sa fruitière à Comté en bio mais surtout un total de 86% des surfaces en biologique ainsi qu'une absence totale de culture traitée. Elisabeth Greusard, maire de la petite commune de quelques 270 habitants, n'est pas étonnée. "La fromagerie et tous les agriculteurs qui y livrent leur lait sont en bio depuis 1976. Nous, commune, on ne fait pas forcément d'efforts, ce sont surtout les agriculteurs qui participent à cette réussite" nous explique-t-elle. "C'est rassurant pour notre cadre de vie. C'est vrai que quand on se promène ici, on voit des fleurs partout. On ne voit plus ça sur des zones à l'agriculture intensive".
► Consultez la carte interactive par ici.
Usage des pesticides : PLATEFORME ADONIS by Sarah Rebouh on Scribd
Les vignes particulièrement traitées en pesticides
En Franche-Comté et plus particulièrement dans le Jura, une tâche orange est bien visible. Il s'agit de la commune d'Arbois. Pourquoi ? Parce qu'elle est recouverte de vignes. Arbois est LA ville labellisée "vin du Jura". Environ 600 hectares de vignes sont présents sur cette commune.
Selon Solagro, la vigne est la quatrième culture la plus traitée derrière la pomme, la pêche et la pomme de terre. Il n'est donc pas étonnant de voir Arbois apparaître en orange puisque la densité de vignes y est bien plus importante qu'ailleurs en Franche-Comté. Selon Jean-Charles Tissot, président du comité interprofessionnel des vins du Jura, il est compliqué de se passer de pesticides dans le domaine viticole.
"On n'a pas le choix de traiter contre les maladies du mildiou et de l'oïdium. Il y a effectivement entre 4 et 7 traitements annuels. L'an dernier, si on n'avait pas traité contre le mildiou, on aurait eu zéro récolte. La différence pour le bio, c'est qu'ils traitent avec des produits de contact comme le cuivre et le souffre. Ces produits ne vont pas dans la plante mais le cuivre est loin d’être anodin. C'est un métal lourd" détaille-t-il, précisant que la conversion en biologique nécessite une technicité importante et une main d'oeuvre supplémentaire.
"Il faut un peu de courage pour passer en bio"
Environ 30% du vignoble du Jura est en agriculture biologique selon le Comité interprofessionnel des vins du Jura. André-Jean Morin est viticulteur à Arbois. Après avoir été plusieurs années en conventionnel, il a transformé sa production en bio. "On traite avec des doses faibles de cuivre, des tisanes et du souffre. On est à 200 ou 300 g de cuivre par hectare. Il faut un peu de courage pour passer en bio c'est sûr. Il faut repartir à la pioche de temps en temps. Mais par rapport à nos parents, on a maintenant des engins mécaniques beaucoup plus performants pour travailler les sols" ajoute-t-il. Et de conclure : "Chacun fait son chemin. J'ai été conventionnel alors je ne jette pas la pierre, mais on peut se passer de désherbants chimiques."
Les choses bougent. Il y a une prise de conscience. À l'export, le vin du Jura en bio est très demandé.
André-Jean Morin, viticulteur bio à Arbois
Depuis octobre 2021, Santé publique France et l’Anses (l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) réalisent une étude visant à mieux connaître l’exposition aux pesticides des personnes vivant près de vignes ou éloignées de toute culture (en savoir plus).
À noter que les communes de Fahy-lès-Autrey en Haute-Saône et Grand-Charmont, dans le nord Franche-Comté, apparaissent également en orange plus foncé en raison de la culture de colza d'hiver sur ses terres, forte consommatrice de pesticides.
"Face aux enjeux environnementaux et de santé publique, il est nécessaire de construire une agriculture durable économe en intrants et respectueuse des ressources naturelles et d'assurer aux Français une alimentation de qualité pour réduire la prévalence des maladies chroniques" note Solagro. Selon l'association "Générations Futures", de nombreuses études scientifiques attestent aujourd’hui de la dangerosité des pesticides sur la santé. "La recherche médicale française elle-même s'en inquiète" ajoute-t-elle, en proposant des dossiers complets d'information sur le sujet en accès libre sur son site internet.