Choix des mots, rituels, présence...comment aider ces parents qui ont perdu un bébé ?

À l’occasion de la journée mondiale du deuil périnatal, Jessica Shulz psychologue clinicienne et conférencière répond à nos questions sur ce fait de société toujours tabou, et douloureux.

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Perdre un enfant après l’avoir porté pendant des mois est toujours un drame, pour les mères, pères, petits frères ou soeurs qui se réjouissaient de cette naissance imminente. L’espoir de la vie balayé soudainement par la mort, alors qu’une chambre d’enfant, des grenouillères, des petits chaussons étaient déjà prêts.

Combien de bébés meurent chaque année ? 

La mortalité périnatale ce sont les enfants nés sans vie ou décédés au cours des sept premiers jours de vie. Les derniers chiffres datent de 2019. Selon l’étude de la DREES (La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), on compte en France 10,2 décès périnataux pour 1000 naissances.

On parle aussi de mortinatalité (enfants nés sans vie par mort fœtale spontanée ou interruption médicale de grossesse). On comptait 8,5 décès pour 1 000 naissances totales en 2019. 

Pourquoi le deuil périnatal est-il toujours tabou ?

C’est tabou parce que perdre un enfant, c'est contre l’ordre habituel des choses, et la société n’a pas envie de voir et d’accepter qu’un bébé puisse mourir.

Jessica Schulz psychologue clinicienne, docteur en psychologie.

Jessica Shulz a étudié le sujet du deuil périnatal durant son doctorat et reçoit régulièrement des couples ayant perdu un bébé. “C’est un deuil particulièrement long, un deuil normal a une phase active d’une année, pour un deuil périnatal, c’est deux années” complète-t-elle.

Le temps de la sidération

Apprendre que le bébé qu’on porte est décédé ou atteint de pathologie grave qui entraînera une interruption médicale de grossesse est une sidération pour les parents à qui cela arrive.

Dans ce temps-là, la psychologue conseille de ne pas se précipiter, de prendre le temps au sein du couple. “Le trauma, ça sidère, ça arrête la pensée. Et donc, l’accompagnement, ça va être de remobiliser la pensée et de permettre aux parents de ne pas se précipiter, par exemple si c’est une interruption médicale de grossesse (IMG), de permettre de prendre le temps de la décision, d’avoir le temps de comprendre, peut être de pouvoir parler au bébé dans le ventre, de pouvoir lui dire au revoir et de pouvoir être reçu à la maternité aussi souvent que les parents en ont besoin."

Ce temps-là, “ va permettre aussi de se préparer à un accouchement par voies basses, ce qui peut être difficile à envisager au départ, donc il faut pouvoir leur expliquer l’intérêt médical et à la fois psychologique." 

Accoucher par voies basses permet pour les femmes qui le souhaitent de "rencontrer" leur enfant, au moins le voir. Ça permet de déclarer ce bébé à l’état civil. Et cela permet de se sentir du groupe des femmes qui ont accouché. Cela peut être important pour se restaurer par la suite dans sa maternité et sa féminité.

Jessica Shulz, docteur en psychologie

Comment épauler ces parents quand le deuil périnatal survient

Pour Jessica Shulz, c’est un levier essentiel pour mieux surmonter le deuil périnatal. Être entouré. 

Les parents, quand un deuil périnatal survient se sentent vraiment très seuls face à cette épreuve. Ils peuvent ressentir un vécu d’échec, de honte, et c’est d’autant plus marqué que leur entourage n’ose pas leur parler de leur bébé mort, par peur de les attrister ou parce que l’entourage comme les grands-parents peuvent aussi être très affectés.

Jessica Shulz, docteur en psychologie

Pour la psychologue, la présence de la famille, des amis dans cette période est vraiment nécessaire. "Il ne faut pas hésiter à demander si on doit nommer ce bébé décédé, en parler. C’est le faire exister, et cela peut faire avancer dans le deuil d’un tout-petit. On peut envoyer des messages réguliers de soutien. Il faut à tout prix éviter un sentiment d’indifférence de l’entourage” estime la psychologue.

Des rituels pour faciliter le deuil d’un bébé ?

Voir son bébé sans vie, lui donner un prénom, organiser des obsèques, autant d’étapes ou de rituels qui peuvent aider. “Cela va dépendre de la représentation que les parents ont de leur bébé, en fonction de l’histoire de la grossesse, du moment où survient la perte, les rituels seront alors plus ou moins adaptés” note la professionnelle.

Pour certains parents, “le bébé qu’ils attendaient n’était pas encore un petit être. Les rituels n’auront pas de sens et vont les impacter négativement. C’est très important dans le deuil périnatal qu’il n’y ait pas de protocole systématique appliqué à tous les parents qui vivraient cet événement.  Par exemple voir son bébé mort peut être violent, voire nocif si les parents n’y sont pas préparés ou n’en sont pas à ce stade dans leurs représentations. Les professionnels savent accompagner les parents vers des choix adaptés à ce dont ils ont besoin."

La prise en charge du deuil périnatal s’améliore-t-elle ?

"Oui. La prise en charge est très variable d’un endroit à l’autre. Le deuil périnatal est plus fréquent dans les grosses maternités où il y en a plus souvent. Ce qui est plus compliqué, c'est quand le diagnostic est fait dans des petites maternités, ou par un praticien en libéral ayant moins l’habitude de ce type d’annonce, il peut y avoir un peu de maladresse. Et on sait que tous les mots posés à ce moment-là sont importants et ont un sens."

► Conférence "Le Deuil périnatal", jeudi 17 octobre à 20 h 15, salle Courbet à l’espace Ménétrier à Valdahon (Doubs) avec Jessica Shulz. Entrée et participation libre.

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