Directeur de l'ADAT CD 25 visé par une enquête judiciaire : le point sur cette affaire de détournement de fonds et abus de confiance

Il était question d'abus de confiance et de détournement de fonds publics ce lundi 28 février lors d'une assemblée extraordinaire du Conseil Départemental du Doubs. On fait le point sur cette affaire judiciaire impliquant le directeur de l'ADAT.

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Ce 28 février, une assemblée extraordinaire avait lieu au Conseil Départemental du Doubs, sous tension. A l’ordre du jour : l’examen d’une motion demandant la création d'une mission d'information et d'évaluation de l'Agence Départementale d’Appui aux Territoires (ADAT). Pourquoi une telle requête a-t-elle été formulée par neuf élus de la minorité et pourquoi cette agence est-elle pointée du doigts ? Cette motion fait suite à la suspension à titre conservatoire du directeur de l’ADAT, organisme rattaché au Conseil Départemental du Doubs, qui a eu lieu fin novembre 2021.

Son directeur Daniel Benazeraf est soupçonné d'avoir détourné de l'argent public pour un usage personnel et d'avoir gonflé son revenu illégalement. Une enquête judiciaire est en cours. Elle fait suite à une plainte judiciaire pour abus de confiance et détournement de fonds publics de la présidente du Département, Christine Bouquin, également présidente de l'ADAT. Cette affaire a débuté en novembre 2021, après un premier article de nos confrères de l'Est Républicain abordant la question de malversations financières au sein de cette structure publique, fonctionnant grâce à des fonds publics. 

Pour rappel, l'ADAT est un organisme qui apporte une expertise technique et juridique aux communes, notamment les plus petites, sous l'autorité du Département du Doubs. Créé en 2016, il emploie 12 agents pour un budget de 1,3 millions d'euros. Selon un récent rapport commandé par la présidence à un cabinet indépendant et que nous nous sommes procuré, plusieurs graves anomalies ont été mises en lumière et sont imputées au directeur Daniel Benazeraf

Des dépenses chez Amazon et Géant Casino injustifiées

"Les investigations ainsi conduites aboutissant au constat que 244 achats sur les 285 ayant été contractés par la carte achat ne disposaient pas de justificatifs (soit 85 %)" indique le rapport, précisant que le directeur n'a pu apporter de justifications à ces dépenses. "Deux fournisseurs sont spécialement récurrents, pour 20 466,64 € TTC, soit 44,2 % des achats : le géant américain de ventes en ligne Amazon pour 17 548,73 € et Géant Casino Besançon pour 2917,91 €. Nous n’avons pas de factures de ces fournisseurs, dont on sait que l’offre est très large" poursuit le rapport. 

"Derrière des formules volontairement prudentes, le rapport du cabinet pointe de graves dérives. Le rapport est à la fois éclairant et édifiant. Sur 285 achats entre janvier 2019 et 2021, 244 achats n'ont pas de justificatifs. Accablant. Des achats ont été réalisés avant Noël, dans des magasins de décoration. Ce rapport est parcellaire, il ne répond pas à lui seul à nos demandes de transparence" a expliqué Damien Charlet (PS), du groupe d'opposition "Le Doubs social, écologique et solidaire".

Cette affaire semble pointer les défaillances de notre institution. Les contrôles indispensables pour prévenir les abus ne semblent pas avoir été mis en oeuvre.

Damien Charlet, élu d'opposition CD 25

Un revenu gonflé illégalement

Les élus d'opposition demandent un bilan complet de l'activité de l'ADAT mais aussi l'examen des comptes depuis sa création ainsi que l'examen de la gouvernance et l'avenir de cette instance. "Le rapport nous invite aussi à creuser de nouvelles pistes : les rémunérations" a expliqué Damien Charlet.

En effet, depuis janvier 2020 Daniel Benazeraf s'auto-octroyait une prime à laquelle il n'avait pas droit, comme l'a confirmé Christine Bouquin, président du Département du Doubs. Son revenu a été gonflé illégalement de 1350 € par mois. Son revenu début 2021 était un peu près de 9 200 € brut/mois, soit 7811 € net /mois. Il s'avère que le directeur s'est attribué des fonctions RIFSEEP d'"administrateur" alors qu'il était "attaché principal".

Martine Voidey (divers centre), conseillère départementale du canton de Valentigney, membre de la minorité au sein du groupe Ensemble pour le Doubs, a tenu a préciser : "Nous nous trouvons dans une situation complètement délicate. Il faut qu'on aille au bout pour comprendre ce qu'il s'est passé. C'est une exigence qu'on partage tous. On doit apprendre de cette erreur. On a un abus de confiance, cela veut dire aussi qu'on a été abusé et qu'on était dans un premier temps enclin à suivre les choses sans trop les surveiller."

"Je n'ai pas tergiversé"

Christine Bouquin, dont l'ancien directeur de cabinet était Daniel Benazeral et qui avait travaillé avec lui déjà à la mairie de Charquemont, s'est défendue face aux élus de la minorité de quelconque faiblesse à l'égard de l'intéressé. Elle a également tenu à rappeler l'importance de l'ADAT et ses 700 adhérents. 

"Je n'ai pas tergiversé. J'ai informé le procureur de la République de Besançon. J'ai pris un arrêté de suspension du directeur à titre conservatoire. Nous étions toujours au mois de novembre. Je n'avais aucun document écrit. Rien du journaliste de l'Est Républicain, rien du directeur. J'ai décidé d'engager une enquête administrative et ensuite de prendre toutes les dispositions à la poursuite de l'activité de l'ADAT" a justifié la présidente Christine Bouquin, rappelant l'onde de choc arrivée au sein de l'ADAT lorsque cette affaire a éclaté et formulant un "soutien total" aux salariés de cette agence. 

Dès l'instant où j'ai su certaines choses, je n'ai pas tremblé. Jamais je ne me ferai complice de malversation.

Christine Bouquin, présidente de l'ADAT et du CD 25

"Que pourrait faire cette mission qui n'a pas été fait ou qui est actuellement conduit ? C'est une vraie question. Seule la justice est en capacité d'aller chercher tous les éléments" a déclaré Christine Bouquin, doutant de la pertinence de la motion réclamée par l'opposition départementale et sur le fait que cette dernière puisse apporter des éléments nouveaux. "Le directeur aura la sanction que vous jugerez bon de lui apporter, avant le 31 mars, date de la suspension provisoire. Il ne fait plus partie de l'effectif de l'ADAT" a ajouté Christine Bouquin. "Ce sera compliqué pour nous en temps qu'élus de formuler une sanction sans cette mission d'information" a répondu l'élue Magali Duvernois (PS), du groupe minoritaire Le Doubs social, écologique et solidaire. "Evidemment les structures satellites du Département seront auditionnées" a répondu Christine Bouquin.

"Notre demande de mission d'information relève d'une demande démocratique qui n'a rien d'extraordinaire en soit. Cela ne relève pas d'une recherche de culpabilité, ce n'est pas du tout le cas" a tenu à préciser Damien Charlet. 

Après près de deux heures de débat parfois houleux et une présidente de Département sur la défensive, les élus au CD 25, à la majorité, ont décidé de rejeter la motion proposée par les élus d'opposition.

La justice poursuit son travail. En attendant, un ou une nouvelle directrice par intérim sera nommée à l'ADAT d'ici la fin du printemps.

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