Le Conseil d'État a annulé lundi 8 juillet 2024 l'arrêté qui interdisait la régulation en eaux libres des cormorans, une espèce protégée. Les tirs de cormorans pourraient donc bien reprendre au grand dam des défenseurs de la nature.
"Ils avalent des poissons presque aussi gros qu'eux", assure René à propos des cormorans au micro de notre journaliste Thierry Chauffour. Le pêcheur franc-comtois se réjouit de l'annulation par le Conseil d'État de l'arrêté qui interdisait le tir de cormoran en eaux libres. En clair, des quotas de régulation de ces oiseaux pourraient bientôt être restaurés après deux ans d'interdiction.
Si ça se limitait à deux ou trois cormorans, ça irait, mais vous allez à Montferrand-le Château, parfois, il y en a 15, voire 20 et là, ça fait des dégâts.
René, pêcheur franc-comtois
Pour rappel, le gouvernement avait pris un arrêté le 19 septembre 2022 qui ne prévoyait plus de quotas de prélèvements dans les cours d'eau et les plans d'eau. Le gouvernement avait limité aux seules zones de piscicultures les quotas de tirs du grand cormoran terrestre. L'arrêté fixait des quotas départementaux, accordables par les préfets, mais excluait pour la première fois tout tir sur les étangs et rivières hors piscicultures.
Les quotas départementaux fixés entre 2019 et 2022 permettaient le prélèvement, c'est-à-dire le tir, de 400 cormorans par an dans le Doubs, 270 en Haute-Saône et 60 dans le Territoire de Belfort.
Une victoire pour les fédérations de pêcheurs
Dans sa décision, consultée par l'AFP, le Conseil d'État demande au ministre de l'Agriculture et à son homologue de la Transition écologique de prendre "dans un délai de quatre mois" un arrêté "fixant des plafonds départementaux de destruction de grands cormorans en eaux libres pour la période 2022-2025".
Pour la fédération de pêche, les associations et les pêcheurs, c'est pris avec beaucoup d'émotions.
Alexandre Cheval, garde-pêche fédéral à la Fédération de pêche du Doubs.
Cette décision du Conseil d'État pourrait permettre de réguler les populations dans les milieux les plus impactants, "c'est-à-dire les plans d'eaux et les têtes de bassin", précise-t-il. "Par contre, ce n'est pas le cormoran qui est responsable du mauvais état des cours d'eau dans le département du Doubs", nuance-t-il.
Pour Samuel Maas, chargé de mission ornithologue à la LPO (Ligue de protection des oiseaux) de Bourgogne-Franche-Comté, ce qui focalise l'attention des pêcheurs sur cette espèce "est qu'on a aujourd'hui des ressources halieutiques qui diminuent dans les rivières de la plupart des régions".
Une population qui n'a pas augmenté depuis les années 90 en Franche-Comté
L'ornithologue affirme que la population de cormorans n'a pas augmenté depuis la fin des années 90. "Les premiers comptages pour cette espèce ont eu lieu à partir de 1997. Ce que l'on constate aujourd'hui avec le dernier comptage en date de janvier 2024, c'est qu'il y a autant d'oiseaux qu'en 1997", explique-t-il. En 2024, 2 943 individus ont été dénombrés sur le territoire franc-comtois alors qu'ils étaient plus de 3 000 en 1997.
Le spécialiste tient à rappeler qu'il n'existe encore aucune étude déterminant si oui ou non le cormoran a un impact significatif sur les espèces de poissons en danger tels que l'ombre ou le brochet.
On peut dire que c'est un bouc-émissaire facile à cibler.
Samuel Maas, chargé de mission ornithologue à la LPO (Ligue de protection des oiseaux) de Bourgogne-Franche-Comté
La LPO espère monter un partenariat avec les fédérations de pêche pour réaliser une étude qui puisse montrer ou invalider l'impact global du cormoran. "Il s'agirait de voir un peu quel est son régime alimentaire pour pouvoir conseiller les services de l'État de la meilleure façon possible."