Pour ou contre l'ouverture des boulangeries tous les jours de la semaine ? C'est la question qui oppose d'un côté les industriels, de l'autre les artisans boulangers du Doubs. Le tribunal administratif de Besançon devra trancher d'ici à fin novembre.
C'est une situation "ubuesque" que dénonce Frédéric Pomart, patron de quatre boulangeries franchisées "Ange" dans le Doubs. La Fédération des Entreprises de Boulangerie (FED) qui l'accompagne, a saisi le tribunal administratif de Besançon au printemps 2023 pour faire abroger l'arrêté préfectoral visant à interdire la vente de pain un jour par semaine. L'audience a eu lieu 17 octobre 2024.
Pour rappel, cet arrêté préfectoral a été mis en place dans le Doubs en 1997 pour permettre à tous les boulangers d'avoir au moins un jour de repos obligatoire par semaine. Les boulangeries ne peuvent donc pas vendre de pain plus de six jours consécutifs. En revanche, la boutique peut rester ouverte pour vendre des sandwichs, en-cas salés, et des viennoiseries.
Pour certaines périodes de l'année, comme du 1ᵉʳ juillet au 15 septembre, les semaines avec un jour férié ou encore pendant les vacances d'hiver, cet arrêté est suspendu. Cela permet aux boulangers de prendre leurs congés sans impacter les clients ou de répondre à une demande plus forte sur certaines périodes.
"Nous, on dénonce cet arrêté préfectoral par rapport à la liberté d'entreprendre", précise Frédéric Pomart pour qui cette situation est injuste. Quand il s'est implanté sur le pays de Montbéliard, le patron a constaté que des grandes surfaces vendaient du pain 7 jours sur 7. "Donc pourquoi pas nous ?", se questionne-t-il au micro de nos journalistes Louise-Anne Delaune et Jean-Stéphane Maurice. En juillet 2024, Frédéric a été condamné pour ne pas avoir respecté cet arrêté interdisant de vendre du pain un jour par semaine. Il juge cette situation d'autant plus injuste, que selon lui, cela n'a pas été le cas pour les enseignes de grandes distributions.
L'entrepreneur trouve incohérent l'arrêté préfectoral de 1997. Il ne comprend pas pourquoi, sur certaines périodes de l'année, celui-ci est suspendu : "Moi, je ne comprends pas les tenants et les aboutissants de cet arrêté".
Préserver la santé des boulangers
Véronique Courtois, secrétaire générale de l'Union Patronale de la Boulangerie du Doubs, n'est quant à elle pas de cet avis : "Pour qu'un arrêté préfectoral soit pris par le préfet, c'est qu'il y a eu des réunions en amont avec les organisations patronales et syndicales. Il n'est pas sorti d'un chapeau". Et d'insister sur la légitimité de ce texte : "Il a été mis en place suite à des réunions de concertations où une majorité s'est dégagée en faveur de cet arrêté".
C'est une question de santé. L'artisan boulanger ne peut dignement vivre de son métier sans avoir un jour de repos comme tout un chacun.
Véronique Courtois, secrétaire générale de l'Union Patronale de la Boulangerie du Doubs
Pour elle, l'existence de cet arrêté est essentielle pour le bon fonctionnement des boulangeries artisanales. "À l'époque, l'idée était de protéger les petites structures, les artisans, boulangers, pâtissiers qui sont souvent des entreprises avec peu de personnel". Les chaînes ou la grande distribution pouvaient, quant à eux, se permettre de faire des roulements. Cet arrêté visait à éviter une concurrence déloyale.
Deux modèles qui s'opposent
La syndicaliste est confiante par rapport à la décision du tribunal administratif : "On a une volonté à plus de 80 % des artisans que l'on représente, de faire respecter cet arrêté, donc le bon sens voudra que la majorité l'emporte". 130 boulangers adhèrent à l'Union Patronale de la Boulangerie du Doubs.
C'est une réflexion. Est-ce qu'on veut une société américanisée où tout est ouvert 24h sur 24 ou est-ce qu'on a un savoir-faire que l'on veut préserver ? Est-ce que les générations futures veulent travailler 7 jours sur 7 ?
Véronique Courtois, secrétaire générale de l'Union Patronale de la Boulangerie du Doubs
Si pour Véronique cet arrêté préserve les artisans boulangers, pour Frédéric Pomart, il met en danger l'avenir de ses commerces :"C'est difficile pour nous de tenir face aux mastodontes de la grande distribution et nous cherchons des solutions. Nous n'avons pas d'autres choix si nous voulons continuer à vivre, car il faut savoir que nous venons de supprimer 12 emplois liés à cette fermeture d'un jour par semaine du dépôt de pain". Pour lui, l'Union Patronale de la Boulangerie qui représente les artisans boulangers fait fausse route. "Il ne faut pas se tromper de guerre, il ne faut pas se tromper de cible", commente-t-il.
Plusieurs départements de France ont déjà décidé d'abroger ces arrêtés préfectoraux. C'est le cas de la Loire-Atlantique le 21 septembre 2021 et de la Haute-Garonne fin 2023. Pour l'heure, concernant le département du Doubs, le tribunal administratif de Besançon devrait trancher courant novembre.