"On n'est plus dans l'incitation, on est dans le forçage énergétique" : l'inquiétude des artisans, face aux nouvelles Prime Rénov'

Alors que les dispositifs d'aides financières à la rénovation énergétique des logements changeront au 1er janvier 2024, les artisans du bâtiment interpellent les autorités : ils dénoncent des mesures "mortifères et inefficaces" pour le secteur, et un nouveau boum des "éco-délinquants".

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C'est un effort que le gouvernement qualifie "d'historique" : en 2024, l'État français va consacrer 5 milliards d'euros aux subventions à la rénovation énergétique, désormais toutes concentrées dans son dispositif "MaPrimeRénov'2024". Mais les nouvelles conditions et modalités d'attributions sollicitent l'inquiétude parmi les artisans, qui craignent un arrêt brutal des chantiers et une arrivée massive d'acteurs peu scrupuleux.

"Les annonces faites sur l'évolution de MaPrimeRénov' pour 2024 sont mortifères et inefficaces" s'est ému Didier Menigoz, président de la CAPEB Haute-Saône (Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment), dans un courrier adressé au préfet en début de semaine. "Nous, les professionnels, on n'a pas été concertés pour organiser cette nouvelle phase, et on a l'impression d'un passage en force"  estime Cédric Villon, chauffagiste en Haute-Saône et trésorier de la CAPEB 70.

"Le gouvernement veut favoriser les pompes à chaleur à outrance"

Le gouvernement a choisi de mettre l'accent sur les "rénovations d'ampleurs" : les aides seront en grande partie réservées aux foyers qui réaliseront plusieurs travaux différents en même temps. Seule exception : changer de système de chauffage. Mais seules les installations "décarbonnées" seront aidées. En clair, les pompes à chaleurs et certains chauffages à bois. "Le gouvernement veut favoriser les pompes à chaleurs à outrance" soupire Julien Faure.

"On n'est plus dans l'incitation, on est dans le forçage énergétique" dénonce Cédric Villon. "On impose des conditions draconiennes aux Français pour rénover leur logement".

Pourquoi imposer à leurs propriétaires de réinvestir dans un système de chauffage décarboné qui leur apportera peu ou pas d’économie d’énergie supplémentaire ?

Francis Voelin, président de la Capeb Bourgogne-Franche-Comté

Courrier adressé au préfet du Territoire de Belfort le 4 décembre

Concrètement, pour subventionner des petits travaux de rénovation énergétiques, les foyers pourront avoir recours à la "Prime Rénov sans accompagnement" : après un DPE, obligatoire, ils pourront être aidés pour changer de mode de chauffage et éventuellement faire d'autres travaux, notamment d'isolation. Conséquence : pour subventionner des travaux d'isolation, il faudra déjà être équipé d'un "chauffage décarbonné", soit prévoir ce changement dans ses travaux.

 "Si vous avez un système de chauffage carbonné [chauffage fioul ou gaz, ndlr], même s'il est performant, ils vous incitent à le foutre en l'air" s'insurge Francis Voeilin, président de la CAPEB Bourgogne-Franche-Comté. "Les gens ont beaucoup été aidés pour changer de chaudières à fioul, vers des chaudières performantes, ils ont fait des efforts" ajoute Cédric Villon. 

Les passoires énergétiques, logements classés F ou G, ne pourront pas bénéficier de la Prime Rénov' sans accompagnement. Ces travaux ne pourront relever que de l'autre type d'aide : la Prime Rénov' avec accompagnement, destinée à des grandes rénovations.

Une incitation aux "travaux d'ampleurs" qui inquiète

C'est l'axe principal de la Prime Rénov'2024 : inciter à engager des rénovations globales, avec plusieurs chantiers différents à la fois sur le même logement.

Concrètement, le plus gros des aides sera destiné à cette "Prime Rénov' avec accompagnement" : après un diagnostic thermique (partiellement ou totalement pris en charge), il faudra, avec l'aide d'un "accompagnateur Rénov' " proposer un projet avec au moins deux travaux d'isolation et "un traitement de la ventilation".

On a l'impression que ça va restreindre l'artisanat et notre capacité à faire profiter aux clients des aides, mais que ça va ouvrir la porte aux grandes entreprises

Julien Faure, chauffagiste en Haute-Saône

Si les aides financières pourront monter jusqu'à 70.000 euros, pour 90% des travaux, les artisans craignent que ce dispositif ne mette un coup d'arrêts aux rénovations énergétiques. D'autant plus que ce sera la seule option de subvention possible pour les logements classés F ou G : s'ils veulent être aidés financièrement, leurs propriétaires devront lancer des rénovations d'ampleur.

"Ce sont des rénovations très lourdes, et même s'ils sont très bien aidés, les restes à charges resteront très élevés, avec des dossiers complexes" estime Cédric Villon. "Nous, en tant que petit artisan, on arrive chez un client qui veut remplacer une chaudière, on ne peut pas faire une étude et ramener des entreprises pour faire tous ces travaux différents".

"On va faciliter des chantiers à des entreprises éco-délinquantes"

C'est la concurrence des grandes entreprises qui inquiète le plus les artisans du secteur. "Un bouquet de travaux comme ça, il y a très peu d'entreprises qui peuvent tout faire" résume Francis Voelin, président de la Capeb BFC.

S'il sera possible de déposer un dossier de grandes rénovations avec des devis de différentes sociétés pour les différents travaux, les artisans craignent de ne pas faire le poids, face à des entreprises qui pourraient proposer des grandes rénovations "clés en main".

"On est déjà bombardé par des démarchages de sociétés qui proposent de tout changer" s'agace Cédric Dillon. "On voit des personnes qui se laissent tenter par ces offres alléchantes, qui pour nous sont très douteuses, raconte-t-il, des clients qui nous disent qu'ils ont signé avec des entreprises qui font tout dans la journée, l'isolation et la chaudière". Quitte, selon lui, à bâcler le travail et laisser des installations inadaptées.

"On a déjà eu une passe comme ça, dans les années 2010 avec les crédits d'impôts pour les pompes à chaleur et l'isolation, avec beaucoup de démarchage" se souvient Julien Faure. "On a eu beaucoup de maintenance à faire derrière, et là ça recommence, on a des coups de fils tous les jours, de gens en panne qui se sont fait installer des pompes à chaleur qui ne marchent pas". Le chauffagiste estime que les nouvelles Prime Rénov' vont accentuer le phénomène. "On va faciliter des chantiers à des entreprises éco-délinquantes" s'énerve-t-il.

"Nous refusons de voir ce marché confisqué par des sociétés malhonnêtes ou par des dispositifs qui, de par leur complexité, empêcheront les artisans d’y accéder" a écrit le président de la Capeb 70 au préfet de Haute-Saône. À l'échelle nationale, la confédération des artisans espère être reçue par le gouvernement, et peser dans une éventuelle adaptation des deux dispositifs de Prime Rénov' 2024.  

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