Une entreprise de Taïwan tient entre ses mains le sort de l’industrie mondiale : elle fabrique des composants électroniques qui commencent à manquer. Faurecia est à l’arrêt, Stellantis, ex-PSA, a de quoi tenir jusqu’à la fin de la semaine. Et après ?
Les directions des grands groupes et les syndicats de salariés sont, pour une fois, d'accord : avec des composants en quasi rupture, les usines qui fabriquent des voitures et les équipementiers auto sont inquiets. Et si, en plus de tout, la production devait s'arrêter, faute de composants ?
Le "cerveau" de l’automobile en rupture de stock
C’est LA pièce indispensable dans une voiture : la puce ou le composant électronique qui fait fonctionner le véhicule, gère le tableau de bord, la climatisation, le GPS, le bluetooth… Et c’est justement ce « cerveau » de l’auto qui vient à manquer. En effet, selon le syndicat FO métaux Sochaux, 70 % de ces semi-conducteurs sont fabriqués par TSMC une entreprise de Taïwan, .
Quand, en début de crise du Covid-19, l’automobile a connu une baisse de régime, TSMC a trouvé d’autres marchés, qui eux étaient en plein boom justement à cause de l’épidémie : les téléphones, les consoles de jeux et les ordinateurs. De plus, ces produits sont beaucoup mieux rémunérés.
Chez Faurecia, le manque se fait déjà sentir
Le syndicat FO tire la sonnette d’alarme au niveau national, craignant que cette pénurie de composants entraîne un arrêt des usines des constructeurs automobiles et de leurs sous-traitants.
C’est déjà le cas chez Faurecia, l'équipementier automobile implanté sur plusieurs sites du pays de Montbéliard. Pour Franck Pattin, délégué syndical central de FO, la situation s’est dégradée dès la mi-janvier où la production a été arrêtée : « Il est prévu 5 semaines d’arrêt, on ne reprendra pas la production avant le 21 ou 22 février. Pour l’usine Ford de Sarrelouis, en Allemagne, c’est simple : les 6.000 salariés sur la Ford Focus ont carrément arrêté de travailler… Nous, on partage la sous-activité. Tout le monde bosse un peu. La moitié de l’effectif est concerné, soit 150 personnes, y compris CDD et intérimaires. Donc, comme ça, le chômage partiel est réparti » lance le syndicaliste.
Même inquiétude pour Christian Gaillard, délégué syndical central de la CGT, chez Flex-N-Gate, un autre équipementier à Audincourt dans le Doubs : « On vit au jour le jour. Nous, on produit des pare-chocs et des hayons pour Peugeot et Opel. On dépend du travail à Sochaux et je ne vois pas comment on pourrait échapper à l’arrêt… »
Chez Stellantis, des séances supplémentaires annulées
A Sochaux (Doubs), Eric Peultier fait le même constat pour l'usine ex-PSA, désormais Stellantis : l’activité est, pour le moment, réduite : « Cette histoire, et on a prévenu il y a des mois, c’est une donnée supplémentaire d’instabilité. Deux séances (c’est une journée de travail pour un salarié, en 3/8, une journée de travail comprend 3 séances) supplémentaires ont été annulées. Heureusement, c’était du travail en plus qui est supprimé. Et on a signé un accord qui prévoit que 12 séances annulées par an sont payées. C’est une protection mais on est très inquiet pour la suite ! La situation est très anxiogène. On ne sait pas si on va travailler, ou pas, le lendemain... »
Même à la communication, Jean-Charles Lefèvre, porte-parole de Stellantis Sochaux, ne cache pas la gravité de la situation : « Pour le moment, on travaille, on passe. Jusqu’à la fin de la semaine, pas de problème mais après, on ne sait pas … On a mis en place un numéro vert (08 00 88 77 69) : les salariés téléphonent pour savoir s’ils travaillent ou pas, au plus tard 4 heures avant la prise de poste. Jusqu’à maintenant, on a étalé la production pour amortir le manque de semi-conducteurs… » précise-t-il.
Autre inquiétude, beaucoup plus terre à terre pour le site de Sochaux : le temps. Si la neige tombe à nouveau en abondance, les camions qui approvisionnent le site de Sochaux ne peuvent plus circuler…Le numéro vert est cruellement d’actualité ! Chez Stellantis, on garde un œil sur les composants qui viennent de Taïwan, l’autre sur la météo !
Comme un parfum d'élection présidentielle
Dans son tract national, FO demande une véritable politique de relocalisation. « … La question de la souveraineté industrielle de la France se pose donc à nouveau, soulignant une fois de plus les nombreuses lacunes des stratégies nationales…Il est grand temps de mettre un coup d’accélérateur sur la politique industrielle française de long terme qui semble s’amorcer en particulier avec la question des relocalisations nécessaires et indispensables afin d’éviter les ruptures d’approvisionnement de nos industries. C’est un enjeu non seulement pour l’emploi, mais aussi et surtout pour la souveraineté et l’économie de notre pays » alerte le syndicat.
Un thème, la réindustrialisation, qui semble déjà pointer le bout de son nez dans la campagne de l’élection présidentielle, 15 mois avant le scrutin.