Des étudiants du lycée agricole de Levier (Doubs) viennent pour la première fois prêter main-forte à l’équipe du stand du Massif jurassien au salon de l’agriculture. Amandine et Augusta, 19 ans, passent deux journées intenses à la rencontre du public parisien.
Elles n’arrêtent pas une seconde. Comme toute l’équipe du chalet du Massif jurassien, Amandine et Augusta tranchent, découpent, recoupent et servent des cubes de Comté ou de Morbier. Arrivées à huit heures, elles ne repartiront qu’après la fermeture du salon de l'agriculture à Paris.
“Je m’attendais à être tout le temps au taquet. L’année dernière, j’étais venue en visiteuse au salon et j’avais vu le monde au stand” se rappelle Amandine Roland.
Un stand tout neuf, plus grand et plus modulable. Comme un pied de nez au stand voisin du géant américain du fast-food, les Francs-Comtois prennent le temps de “raconter” leurs fromages.
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Les visiteurs sont curieux, ils peuvent rester des dizaines de minutes écouter les explications des producteurs, des fromagers, des affineurs de fromages AOP : Comté, Morbier, Mont d’Or et Bleu de Gex. “Ce sont vos papilles qui décident si vous allez apprécier ou pas” explique Nicole Brun, une retraitée qui vit près de Poligny. Issue d’une famille d’agriculteurs, elle connaît la filière sur le bout des doigts. Elle propose à la dégustation trois Comtés de 10,14 et 24 mois. Juste à côté, Amandine et Augusta font leurs armes. Moins prolixes, mais tout aussi motivées que les vétérans de l’équipe. “C’est hyper important d’être là, c’est notre client” explique Amandine.
C’est le producteur de comté, Philippe Vivot, vice-président du CIGC, Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté, qui a eu l’idée de proposer aux étudiants de seconde année de BTS agricole au lycée LaSalle de Levier de venir se frotter aux consommateurs pendant leurs vacances. “D’habitude, ce sont des étudiants de AgroParis Tech qui viennent sur le stand. J’ai proposé que cela soit plutôt des locaux.” Pour les responsables de la filière des AOP du massif jurassien, c’est l’occasion pour ces étudiants de s'imprégner de l’”esprit de la filière”.
On s’aperçoit que les jeunes n’ont connu que l’époque où le Comté allait bien. C’est important qu’ils comprennent l’importance de s’engager dans les coopératives plus tard. C’est le pari que l’on fait avec eux.
Philippe Vivot, vice-président du CIGC.
Sur la classe de vingt étudiants, la moitié s’est inscrite pour venir deux jours sur le salon. Les deux jeunes ont déjà intégré le discours rodé de la filière. “On a des valeurs. La coopération, cela veut dire que l’on travaille tous ensemble pour nous et les autres” précise Amandine. “Je suis contente de partager mes connaissances et mes valeurs avec des personnes plus âgées” explique Augusta.
Une "image" et des "valeurs"
Philippe Viot était justement venu dans leur classe de Levier pour présenter la structure de ces filières AOP qui sont parvenues à maintenir une bonne rémunération du lait aux éleveurs et à aussi à l’ensemble des opérateurs. Pour ancrer cet esprit de coopération, l’enveloppe gagnée par les dix étudiants volontaires servira à un voyage d’études de la filière Reblochon.
Amandine connaissait déjà bien la filière. Après son BTS, elle veut s’associer avec son père David sur la ferme familiale des Fins, sur les hauteurs de Morteau près de la frontière suisse. La “forteresse” du Comté a de quoi rassurer. La jeune fille est confiante en l’avenir. “On sait qu’on aura du temps pour nous, on sait dans quoi on s’embarque”. Elle sait aussi qu’elle prendra du temps pour travailler pour la filière.
La filière Comté pourrait tomber de haut si son image se dégradait.
Amandine Roland, étudiante en BTS agricole à Levier
Défendre une image de marque, Augusta Feuvrier est aussi persuadée de cette nécessité même si elle est, comme on dit “hors cadre”. Ses parents ne lui transmettront pas de ferme, ils ne sont pas agriculteurs.
C’est important de respecter les normes pour avoir cette image "nature". Augusta Feuvrier.
Augusta Feuvrier, étudiante en BTS agricole à Levier
C’est bien des “histoires” de paysage, de cuve en cuivre, d’enfilade de meules que ces étudiants et ses autres passionnés racontent aux visiteurs du salon. Augusta et Amandine l’ont compris, les normes imposées par la filière ne les effraient pas.
Agriculteur, un métier d'avenir ?
D'ici à un an, le nouveau cahier des charges du comté devrait renforcer les limites de production. Le changement climatique ne les incite pas non plus à renoncer à leur projet professionnel. Au pays du Comté, la question du renouvellement des générations ne se pose pas ici comme partout en France. D’ici dix ans, 40% des exploitants partiront à la retraite. Dans le massif jurassien, actuellement pour un départ, il y a une installation d’agriculteur, un taux qui assure le renouvellement des générations.”Quand on a des jeunes, on est plein d’espoir pour l’avenir” assure Alain Mathieu, président du CIGC. Un vent d’incertitude pourrait tout de même souffler sur les montagnes et les plaines des AOP, celui du changement climatique.
En 2050, le climat sera méditerranéen en Bourgogne Franche-Comté. Amandine et Augusta auront alors 45 ans et elles assurent qu’elles s’adapteront. “Cela nous incite à encore avoir plus avoir un œil sur notre système” estime Amandine. Augusta, elle, s’inquiète plus des conséquences de son futur endettement, indispensable si elle veut reprendre une ferme. “Ce qui me fait peur, cela serait de ne pas pouvoir rembourser”. D’ici là, les deux étudiantes gardent le sourire du matin au soir. Déjà à fond dans un métier qui peut encore faire rêver.