Au salon de l'Agriculture, Aurore Paillard, agricultrice originaire de Saône-et-Loire, a participé à une table d'hôte organisée par l'association VoxDemeter sur le thème "Féminisation de l'emploi en agriculture : mythe ou réalité ?". L'occasion de faire un bilan sur la place des femmes dans le monde agricole.
Aurore Paillard est agricultrice à Gergy, en Saône-et-Loire. Cette jeune femme dynamique, à la tête d’une exploitation céréalière, produit également depuis quelques années du safran qu'elle transforme sur place (sirop, gelées...)
Issue d'une famille d'agriculteurs, Aurore ne voyait pas son avenir dans ce secteur et a tout d’abord entrepris des études dans le milieu des arts et de la mode : Bac littéraire (option arts plastiques), Bac Pro en histoire de l’art (métiers de la mode) et une licence en histoire de l’art et archéologie.
Elle se dirige ensuite vers un BTS agricole en alternance. Enchaînant de nombreux métiers dans divers secteurs, elle décide de reprendre l'exploitation familiale consacrée aux grandes cultures.
Dimanche 25 février, L'association VoxDemeter, fondée par Anne Dumonnet-Leca, organisait une table d'hôte sur le sujet de la féminisation de l'emploi en agriculture à laquelle Aurore Paillard était conviée.
Cette association, qui vise à promouvoir la place des femmes en agriculture, organise de nombreuses animations et de débats tout au long de la durée du salon de l'agriculture.
Encore de nombreuses barrières pour atteindre une mixité réelle
Lors de cette table d'hôte, Aurore Paillard évoque certains freins qu’elle a rencontrés lors de sa décision de reprendre l’exploitation familiale :"Ma mère, qui n’était pas du milieu agricole, n’acceptait pas que je reprenne la ferme. Elle voulait que je m’oriente vers des choses plus féminines".
Elle remarque aussi que dans certaines régions, les mentalités peinent à évoluer.
Pour certains encore, la femme est juste bonne à faire la traite et la comptabilité !
Aurore Paillard, agricultrice en Saône-et-Loire
Olivier Claux, associé MG Consultant, approuve ce constat. Il ajoute qu’auparavant, certains métiers n’étaient exercés que par des hommes, notamment le métier de commercial dans le monde agricole.
Il fallait absolument qu’un agriculteur parle à un homme pour acheter quelque chose… Heureusement, ça a changé !
Olivier Claux, associé MG Consultants
Le "syndrome de l’imposteur" reste également un frein important, note Valérie Leroux, directrice générale déléguée Unilasalle : "chez les filles, il y a plus de doutes sur les capacités, il y a un vrai travail à faire".
Ce syndrome, Aurore Paillard l'a déjà ressenti au niveau de ses engagements en tant que membre du conseil d'administration des Jeunes Agriculteurs "car parfois, je n’ai pas toutes les informations".
La place des femmes dans le monde agricole
Invisibles pendant des siècles, les femmes dans l'agriculture ont été longtemps les grandes absentes de la photo de famille, laissant la place à leur mari, père ou frère. Jusque dans les années 80, la plupart n’avaient pas de statut. Le bilan s’améliore, mais on est encore loin d’une réelle féminisation de l’emploi en agriculture.
Il faut attendre 1999 pour que le statut de conjoint collaborateur existe, ce qui a conduit à une élévation du taux de femmes dans la population active de ce secteur.
Également invité à la table d’hôte de VoxDemeter, François Purseigle, professeur des universités en sociologie, note que la plupart de ces femmes ont conquis ce statut sur le tard, à la veille du départ à la retraite de leur époux.
Il ajoute que "la féminisation signifierait également une évolution des pratiques, de la façon d’organiser le travail, un nouveau rapport à la question salariale, ce n’est pas une élévation stricte du nombre de femmes."
Vers une féminisation de l’emploi en agriculture ?
Actuellement, les filles représentent 47% des inscrits dans les lycées agricoles et 60% dans les écoles d’ingénieurs agronomes.
Parmi les élèves inscrites dans ces écoles, peu se dirigent vers la production agricole, privilégiant les filières vétérinaires ou alimentation/santé, indique Valérie Leroux.
De ce fait, seules 26% de chefs d’entreprises agricoles sont des femmes et ce chiffre stagne depuis 10 ans... une féminisation en demi-teinte.
Malgré une évolution timide, il semble y avoir encore beaucoup de chemin à parcourir aux agricultrices pour atteindre une réelle mixité dans le secteur.
En Bourgogne-Franche-Comté, la part des femmes à la tête d’exploitations n’a augmenté que de 1.3% en 10 ans selon la Coordination rurale.