La direction du groupe automobile Stellantis a annoncé le vendredi 24 novembre le transfert progressif de 170 salariés, dont 56 en France, vers Kyndryl, société spécialisée dans les services informatiques. Une quinzaine de personnes du site de Bessoncourt (Territoire-de-Belfort) sont concernées.
"C'est vécu par tous comme un traumatisme".
Les mots de Jean-Paul Guy, délégué syndical central suppléant de Stellantis France pour la CFTC, sont forts. Ils traduisent le malaise créé par l'annonce, le vendredi 24 novembre, du transfert de près de 170 salariés du groupe automobile vers Kyndryl, société informatique américaine issue d'une scission du groupe IBM.
On vend les activités, et on vend les salariés.
Laurent OechselDélégué syndical central pour la CFE-CGC Stellantis France
"Stellantis est en discussion avec Kyndryl pour conclure un partenariat stratégique afin de gérer certaines opérations commerciales telles que la mise en réseau, le support de centres de données et les services de proximité TIC en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud", nous confirme le service communication du groupe automobile, qui précise que 170 salariés environ sont concernés, dont 140 en Europe et 56 en France.
"Les employés de Stellantis actuellement impliqués dans les opérations commerciales mentionnées seront progressivement transférés à Kyndryl conformément aux lois du travail locales une fois les négociations finalisées", poursuit le porte-parole de la direction.
La situation est "invraisemblable", dénonce le syndicat Force ouvrière dans un communiqué. "C'est encore une partie du savoir-faire qui se sauve", regrette Eric Peultier, de FO.
Ce ne sont pas des milliers de personnes mais ça reste des salariés du groupe. Ca fait deux services en 3 mois. Jusqu’où ira-t-on ?
Jean-Paul GuyDélégué syndical central suppléant CFTC Stellantis France
"On a le sentiment que les salariés français payent le prix fort. En dehors tout dialogue social, on élimine des pans entiers de l’entreprise, se désole Jean-Paul Guy. Le représentant du syndicat chrétien, qui travaille à Vesoul, s'inquiète pour l'avenir : "Après le service "référencement catalogue" du pôle tertiaire en septembre, qui concernait une trentaine de personnes, ce sont à nouveau les cols blancs qui trinquent. Tout le monde a la crainte de se dire c’est qui le prochain ?'"
"Ce n'est que le début, confirme un salarié du service informatique. On a bien peur que la direction découpe tous les services les uns derrière les autres."
Stellantis ne se sépare pas de son informatique.
Porte-parole de la direction Stellantis France
La direction de Stellantis se veut rassurante : "Il n’y a pas de projet d’externalisation de l’informatique, mais un projet de transfert de 16 salariés de Bessoncourt vers une entreprise spécialisée."
Pourtant, le recours à l'article 1224.1 du Code du Travail "correspond bien à du transfert d’activités chez Kyndryl (externalisation) sans nulle autre forme !!!", enrage Thierry Giroux, délégué syndical Force ouvrière de Stellantis Sochaux. FO se pose la question maintenant : quid des autres secteurs de R&D pour l’avenir, si l’article 1224.1 du code du travail était dégainé." "L'usage de l'article L1224 est une ligne rouge, c'est assez brutal", abonde Laurent Oeschel, délégué syndical central pour la CFE-CGC et salarié de Belchamp.
Reste que pour une multinationale comme Stellantis, l'informatique est un secteur stratégique. "Si demain il y a une difficulté sur le réseau, il y a un risque majeur, constate Laurent Oeschel. Stellantis sera à la merci de Kyndryk. Ce transfert est dangereux pour les salariés et pour l'entreprise".
"Bien sûr qu'il faut garder ces emplois en interne, lance Jérôme Boussard, de la CGT Stellantis Sochaux. Qui connaît mieux le système PSA que les informaticiens de chez PSA ?"
Le porte-parole de la direction entend désamorcer les craintes : "À l’issue, il restera toujours 400 salariés de l’informatique qui appartiennent toujours à Stellantis à Bessoncourt !"
Un cycle de consultation débutera dans les prochains jours. Les organisations syndicales ont demandé une analyse sur l'impact social et sur les risques d'un tel transfert pour Stellantis. La mise en oeuvre du projet est prévu pour le 1er mars 2024.